Jean-Baptiste Ribaut, agrumiculteur à San Giuliano et trésorier des Jeunes agriculteurs de Haute-Corse (CDJA 2B), Hélène Beretti, directrice de la Chambre régionale d’agriculture, Jean-Claude Ribaut, agriculteur et président de Corsic’Agropôle, Xavier Pettinato, représentant des Jeunes Agriculteurs de Corse du Sud (CDJA 2A), Emilie Ceccarelli et les animatrices du Point Accueil Installation Haute-Corse.
- C’est la 9ème journée d’installation des jeunes agriculteurs que vous organisez. Pourquoi ces journées sont-elles encore nécessaires ?
- Elles sont impulsées, depuis neuf ans, par l’ensemble des professionnels de l’île, les syndicats agricoles, les chambres d’agriculture et les institutions représentatives investies, que ce soit l’ODARC (Office de développement agricole et rural de la Corse) ou les institutions d’Etat. Leur but est d’informer les jeunes sur l’ouverture qu’offrent les métiers de l’agriculture, sur les possibilités de trouver des débouchés, des emplois, et d’asseoir leur famille en Corse. Grâce à ce dynamisme, nous avons, collectivement, relancé l’installation qui est, ainsi, passée assez facilement d’une vingtaine par an au niveau régional à une quarantaine. Nous visons, avec la nouvelle programmation 2015-2020, un objectif de 100 installations annuelles. Tant le PDRC (Plan de développement rural de la Corse) que les professionnels se sont dotés d’outils de soutien, d’aide, d’accompagnement technique qui permettront d’atteindre ces objectifs cibles. L’enjeu est de bâtir une agriculture dynamique, renouvelée, innovante et en phase avec la nécessité de créer localement de la valeur économique.
- Qu’est-ce qui a vraiment permis le doublement des installations ? Une meilleure information ou plus d’aides ?
- C’est la synergie entre des dispositifs d’aides élaborés au niveau des différents programmes de développement agricole, votés par la Collectivité territoriale (CTC) et construits avec des professionnels, et des dispositifs d’accompagnement au niveau, à la fois, des Point Infos Installation et des Chambres d’agriculture. Celles-ci ont accompli un effort énorme pour monter en compétence et fixer des objectifs stratégiques d’accompagnement systématique des jeunes agriculteurs. Cette synergie a permis de débloquer la situation figée de l’installation. Même si les jeunes trouvent encore l’installation longue et un peu difficile, la simplification administrative et le temps consacré à une installation ont été divisés par quatre.
- C’est-à-dire ?
- Il fallait, à l’époque, entre deux et trois ans pour s’installer. Maintenant, quand il n’y a pas de problème de foncier qui est le facteur limitant, un jeune arrive à s’installer en une année.
- Justement, comment, avec ce problème de foncier, atteindre l’objectif de cent installations par an ?
- Nous comptons beaucoup sur la responsabilité collective et sur le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) qui détermine un certain nombre de surfaces agricoles. Nous espérons que ces surfaces resteront réellement agricoles et seront mises à la disposition de jeunes souhaitant s'installer.
- Quel est le problème le plus prégnant : le manque de terre ou le refus des propriétaires fonciers de louer ?
- Les deux ! Tout dépend des zones ! Entre les zones de montagne et les zones de plaine, les problématiques ne sont pas les mêmes. Il y a beaucoup plus d’installations en montagne sur des exploitations d’élevage qu’il n’y en a en plaine parce que l’accès au foncier, bien que difficile, reste financièrement plus accessible. Malgré tout, les propriétaires ont toujours une certaine attente spéculative, surtout une crainte de louer leur terrain, de le laisser à disposition de l’agriculteur ou de l’éleveur, une peur d’être dépossédés. Le fait que ce terrain soit défini agricole et en zone de forte potentialité par le PADDUC devrait permettre de lever ce type de barrage souvent intellectuel.
- Y-a-t-il des zones en Corse où il est devenu pratiquement impossible d’obtenir un terrain agricole ? Par exemple, des zones fortement touristiques ?
- Non ! Mais, sur les zones littorales, qui sont les plus touristiques, le risque de l’attente spéculative et du changement de destination des terres en autre chose que l’agriculture est majeur. Et s’accroît. Il faut vraiment une volonté collective et une volonté des maires de maintenir l’agriculture sur toute la bande littorale de Bastia à Bonifacio et dans le sens inverse sur les côtes ajacciennes, sinon la dérive est possible et facile. Aujourd’hui, une stratégie politique a été tracée. Nous espérons que la prochaine mandature régionale réaffirmera cette volonté d’installer des agriculteurs et d’atteindre l’objectif de cent installations par an.
- Hormis le foncier qui est le premier frein à l’installation, y en-a-t-il d’autres ?
- Les dispositifs d’aide, tels qu’ils sont mis en place à l’heure actuelle, et le nouveau PDRC sont très favorables à l’installation des jeunes agriculteurs. Néanmoins, ceux-ci ont besoin d’un apport financier personnel ou d’un apport bancaire, notamment dans des filières nécessitant des investissements lourds, comme l’arboriculture, le maraîchage ou la viticulture. Or, la situation économique de la Corse fait que les familles n’ont plus forcément l’assise financière qu’elles avaient, il y a quelques années. La difficulté d’accès au service bancaire peut être un frein important. C’est pour cela que l’installation des jeunes et la volonté de faire de l’agriculture une force économique, et de croire en cette force, est vraiment un choix stratégique collectif que nous portons avec nos partenaires syndicaux.
- Quelles sont les filières préférées des jeunes, actuellement ?
- Jusqu’à maintenant, la tendance était à l’installation d’exploitation importante en élevage, environ 60 % contre 30 % en production végétale. Ces dernières années, on assiste à un développement plus important des installations dans les filières ovines, caprines et porcines, plutôt que dans la filière bovine. Nous en sommes très satisfaits parce que le berger est presqu’en voie de disparition. Cela répond, à la fois, à un vrai besoin économique puisque la Corse manque de lait et à un besoin de sauvegarde de notre patrimoine historique et culturel. Le pastoralisme appartient à notre histoire. C’est un héritage que nous voulons transmettre. Nous sommes heureux que les jeunes retournent à ce type d’installation.
- Qu’est-ce qui motive ce retour au pastoralisme qui n’est, peut-être, pas le métier le plus simple en agriculture ?
- L’agriculture, c’est un engagement, une passion ! Ce sont souvent des jeunes diplômés, même d’études supérieures, qui, immédiatement, après leurs études, décident de s’installer parce que l’agriculture est un vrai métier de chef d’entreprise. Ils arrivent, par là, à trouver un équilibre entre leur volonté de vivre chez eux, au contact de la nature avec des rapports humains qui restent réels et privilégiés, et leur volonté d’entreprendre. Les relations interpersonnelles et la solidarité sont de vraies valeurs de ce secteur d’activité. Elles correspondent à nos valeurs ancestrales corses, elles sont une force d’humanité à transmettre. En même temps, ces métiers permettent aux jeunes de s’épanouir au travers des compétences managériales et commerciales qu’ils ont acquises durant leurs études.
- Elles sont impulsées, depuis neuf ans, par l’ensemble des professionnels de l’île, les syndicats agricoles, les chambres d’agriculture et les institutions représentatives investies, que ce soit l’ODARC (Office de développement agricole et rural de la Corse) ou les institutions d’Etat. Leur but est d’informer les jeunes sur l’ouverture qu’offrent les métiers de l’agriculture, sur les possibilités de trouver des débouchés, des emplois, et d’asseoir leur famille en Corse. Grâce à ce dynamisme, nous avons, collectivement, relancé l’installation qui est, ainsi, passée assez facilement d’une vingtaine par an au niveau régional à une quarantaine. Nous visons, avec la nouvelle programmation 2015-2020, un objectif de 100 installations annuelles. Tant le PDRC (Plan de développement rural de la Corse) que les professionnels se sont dotés d’outils de soutien, d’aide, d’accompagnement technique qui permettront d’atteindre ces objectifs cibles. L’enjeu est de bâtir une agriculture dynamique, renouvelée, innovante et en phase avec la nécessité de créer localement de la valeur économique.
- Qu’est-ce qui a vraiment permis le doublement des installations ? Une meilleure information ou plus d’aides ?
- C’est la synergie entre des dispositifs d’aides élaborés au niveau des différents programmes de développement agricole, votés par la Collectivité territoriale (CTC) et construits avec des professionnels, et des dispositifs d’accompagnement au niveau, à la fois, des Point Infos Installation et des Chambres d’agriculture. Celles-ci ont accompli un effort énorme pour monter en compétence et fixer des objectifs stratégiques d’accompagnement systématique des jeunes agriculteurs. Cette synergie a permis de débloquer la situation figée de l’installation. Même si les jeunes trouvent encore l’installation longue et un peu difficile, la simplification administrative et le temps consacré à une installation ont été divisés par quatre.
- C’est-à-dire ?
- Il fallait, à l’époque, entre deux et trois ans pour s’installer. Maintenant, quand il n’y a pas de problème de foncier qui est le facteur limitant, un jeune arrive à s’installer en une année.
- Justement, comment, avec ce problème de foncier, atteindre l’objectif de cent installations par an ?
- Nous comptons beaucoup sur la responsabilité collective et sur le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) qui détermine un certain nombre de surfaces agricoles. Nous espérons que ces surfaces resteront réellement agricoles et seront mises à la disposition de jeunes souhaitant s'installer.
- Quel est le problème le plus prégnant : le manque de terre ou le refus des propriétaires fonciers de louer ?
- Les deux ! Tout dépend des zones ! Entre les zones de montagne et les zones de plaine, les problématiques ne sont pas les mêmes. Il y a beaucoup plus d’installations en montagne sur des exploitations d’élevage qu’il n’y en a en plaine parce que l’accès au foncier, bien que difficile, reste financièrement plus accessible. Malgré tout, les propriétaires ont toujours une certaine attente spéculative, surtout une crainte de louer leur terrain, de le laisser à disposition de l’agriculteur ou de l’éleveur, une peur d’être dépossédés. Le fait que ce terrain soit défini agricole et en zone de forte potentialité par le PADDUC devrait permettre de lever ce type de barrage souvent intellectuel.
- Y-a-t-il des zones en Corse où il est devenu pratiquement impossible d’obtenir un terrain agricole ? Par exemple, des zones fortement touristiques ?
- Non ! Mais, sur les zones littorales, qui sont les plus touristiques, le risque de l’attente spéculative et du changement de destination des terres en autre chose que l’agriculture est majeur. Et s’accroît. Il faut vraiment une volonté collective et une volonté des maires de maintenir l’agriculture sur toute la bande littorale de Bastia à Bonifacio et dans le sens inverse sur les côtes ajacciennes, sinon la dérive est possible et facile. Aujourd’hui, une stratégie politique a été tracée. Nous espérons que la prochaine mandature régionale réaffirmera cette volonté d’installer des agriculteurs et d’atteindre l’objectif de cent installations par an.
- Hormis le foncier qui est le premier frein à l’installation, y en-a-t-il d’autres ?
- Les dispositifs d’aide, tels qu’ils sont mis en place à l’heure actuelle, et le nouveau PDRC sont très favorables à l’installation des jeunes agriculteurs. Néanmoins, ceux-ci ont besoin d’un apport financier personnel ou d’un apport bancaire, notamment dans des filières nécessitant des investissements lourds, comme l’arboriculture, le maraîchage ou la viticulture. Or, la situation économique de la Corse fait que les familles n’ont plus forcément l’assise financière qu’elles avaient, il y a quelques années. La difficulté d’accès au service bancaire peut être un frein important. C’est pour cela que l’installation des jeunes et la volonté de faire de l’agriculture une force économique, et de croire en cette force, est vraiment un choix stratégique collectif que nous portons avec nos partenaires syndicaux.
- Quelles sont les filières préférées des jeunes, actuellement ?
- Jusqu’à maintenant, la tendance était à l’installation d’exploitation importante en élevage, environ 60 % contre 30 % en production végétale. Ces dernières années, on assiste à un développement plus important des installations dans les filières ovines, caprines et porcines, plutôt que dans la filière bovine. Nous en sommes très satisfaits parce que le berger est presqu’en voie de disparition. Cela répond, à la fois, à un vrai besoin économique puisque la Corse manque de lait et à un besoin de sauvegarde de notre patrimoine historique et culturel. Le pastoralisme appartient à notre histoire. C’est un héritage que nous voulons transmettre. Nous sommes heureux que les jeunes retournent à ce type d’installation.
- Qu’est-ce qui motive ce retour au pastoralisme qui n’est, peut-être, pas le métier le plus simple en agriculture ?
- L’agriculture, c’est un engagement, une passion ! Ce sont souvent des jeunes diplômés, même d’études supérieures, qui, immédiatement, après leurs études, décident de s’installer parce que l’agriculture est un vrai métier de chef d’entreprise. Ils arrivent, par là, à trouver un équilibre entre leur volonté de vivre chez eux, au contact de la nature avec des rapports humains qui restent réels et privilégiés, et leur volonté d’entreprendre. Les relations interpersonnelles et la solidarité sont de vraies valeurs de ce secteur d’activité. Elles correspondent à nos valeurs ancestrales corses, elles sont une force d’humanité à transmettre. En même temps, ces métiers permettent aux jeunes de s’épanouir au travers des compétences managériales et commerciales qu’ils ont acquises durant leurs études.
- Quel âge, ces jeunes ont-ils en moyenne ?
- La tendance n’est pas aux perdreaux de l’année, mais à des gens entre 30 et 40 ans, qui ont déjà une certaine maturité. On assiste, aussi, depuis quelque temps, à une montée en puissance de l’installation des femmes. On va probablement, dans les deux ou trois ans à venir, parvenir à un équilibre de l’installation homme/femme. Ce qui culturellement, pour la Corse, est assez remarquable !
- Est-ce un tabou qui est tombé ?
- Un tabou, peut-être pas ! Mais, il est vrai que la femme n’intervenait souvent sur une exploitation qu’en soutien de son mari. Aujourd’hui, elle s’affirme comme chef d’exploitation, même dans les filières d’élevage. C’est une évolution sociologique importante. Nous espérons, avec la nouvelle programmation, relancer les installations sur les filières d’arboriculture qui nécessitent beaucoup d’investissements. Nous pensons que les modalités actuelles d’installation et d’aides auront un effet incitatif, sinon nous serons dans une situation où le renouvellement des générations ne sera pas assuré.
- Quelles filières, justement, sont en manque d’installation ?
- Il y a du manque un peu partout ! En filière lait, le manque est certain. En filière amande et en filière noisette, il y a des choses à faire, des débouchés. Egalement, dans les agrumes et en viticulture, bien que là, l’accès aux exploitations est plus difficile. Il y a véritablement en Corse des ouvertures sur de nombreuses filières de production, des analyses économiques à faire. Par exemple, il serait plus judicieux de ne pas s’installer sur une seule filière, mais sur deux filières combinées afin de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. C’est tout un travail d’accompagnement, d’expertise économique que nous essayons de faire avec les agriculteurs, les services techniques des Chambres d’agriculture et les Points Infos Installation pour donner aux jeunes, qui s’installent, toutes les chances de s’inscrire dans la durée.
- Peut-on vivre bien aujourd’hui quand on est un jeune agriculteur ?
- Nous sommes, localement et nationalement, en Corse plus qu’ailleurs, dans un contexte économique marqué par un taux de chômage très important et un taux d’entreprises de service très faible. Notre secteur agricole est porteur d’avenir et de besoins. Il bénéficie de signes de qualité et du rapprochement du consommateur qui veut avoir des garanties sur ce qu’il mange et comment il le mange, des garanties Santé, pas de kilomètre carbone… Nous avons envie de dire aux jeunes, qui ont la fibre, la passion, que l’agriculture est un secteur prometteur qui ouvre vers de grandes entreprises. Un jeune peut créer son emploi, nourrir sa famille, créer de la valeur économique et un patrimoine qu’il pourra transmettre aux générations futures. Nous leur disons : « Ayez confiance ! Venez vous renseigner. Peut-être aurez-vous envie de relever le défi ? Nous serons là pour vous accompagner ».
- Y-a-t-il des problèmes de transmission d’exploitation ?
- Les deux Chambres d’agriculture ont un service qui accompagne la cession-transmission d’exploitation. En Corse, contrairement à ce qui se passe sur le continent, il y a peu de cession d’exploitation hors cadre familial. Il y a deux situations : soit la cession se fait dans le cadre familial parce qu’il y a un patrimoine à transmettre et qu’on le transmet en famille, soit il n’y a pas de patrimoine à transmettre, comme c’est souvent le cas dans les exploitations d’élevage, lorsque les éleveurs ne sont pas propriétaires des terrains. Là, il faut obligatoirement, systématiquement, recréer des exploitations. C’est pour cela que, souvent, les jeunes trouvent le temps d’installation trop long. Les dispositions administratives, la sécurité que l’on doit prendre dans l’expertise technico-économique sont plus longues à produire pour les engager dans cette voie.
- Des exploitations meurent-elles, faute d’être transmises à temps ?
- Cette situation existe. Les retraites agricoles sont tellement faibles que les agriculteurs ne sont pas retraités à 65 ans, mais continuent à travailler tant qu’ils ont la force de le faire. Nous essayons, de façon systématique et régulière, de recenser les exploitations que potentiellement des gens peuvent céder et de mettre en place un dispositif pour que des cheptels, des cultures ou des terrains puissent être transmis à d’autres générations, que ce soit des jeunes ou des aînés. L’enjeu est d’éviter la déperdition des terres agricoles.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- La tendance n’est pas aux perdreaux de l’année, mais à des gens entre 30 et 40 ans, qui ont déjà une certaine maturité. On assiste, aussi, depuis quelque temps, à une montée en puissance de l’installation des femmes. On va probablement, dans les deux ou trois ans à venir, parvenir à un équilibre de l’installation homme/femme. Ce qui culturellement, pour la Corse, est assez remarquable !
- Est-ce un tabou qui est tombé ?
- Un tabou, peut-être pas ! Mais, il est vrai que la femme n’intervenait souvent sur une exploitation qu’en soutien de son mari. Aujourd’hui, elle s’affirme comme chef d’exploitation, même dans les filières d’élevage. C’est une évolution sociologique importante. Nous espérons, avec la nouvelle programmation, relancer les installations sur les filières d’arboriculture qui nécessitent beaucoup d’investissements. Nous pensons que les modalités actuelles d’installation et d’aides auront un effet incitatif, sinon nous serons dans une situation où le renouvellement des générations ne sera pas assuré.
- Quelles filières, justement, sont en manque d’installation ?
- Il y a du manque un peu partout ! En filière lait, le manque est certain. En filière amande et en filière noisette, il y a des choses à faire, des débouchés. Egalement, dans les agrumes et en viticulture, bien que là, l’accès aux exploitations est plus difficile. Il y a véritablement en Corse des ouvertures sur de nombreuses filières de production, des analyses économiques à faire. Par exemple, il serait plus judicieux de ne pas s’installer sur une seule filière, mais sur deux filières combinées afin de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. C’est tout un travail d’accompagnement, d’expertise économique que nous essayons de faire avec les agriculteurs, les services techniques des Chambres d’agriculture et les Points Infos Installation pour donner aux jeunes, qui s’installent, toutes les chances de s’inscrire dans la durée.
- Peut-on vivre bien aujourd’hui quand on est un jeune agriculteur ?
- Nous sommes, localement et nationalement, en Corse plus qu’ailleurs, dans un contexte économique marqué par un taux de chômage très important et un taux d’entreprises de service très faible. Notre secteur agricole est porteur d’avenir et de besoins. Il bénéficie de signes de qualité et du rapprochement du consommateur qui veut avoir des garanties sur ce qu’il mange et comment il le mange, des garanties Santé, pas de kilomètre carbone… Nous avons envie de dire aux jeunes, qui ont la fibre, la passion, que l’agriculture est un secteur prometteur qui ouvre vers de grandes entreprises. Un jeune peut créer son emploi, nourrir sa famille, créer de la valeur économique et un patrimoine qu’il pourra transmettre aux générations futures. Nous leur disons : « Ayez confiance ! Venez vous renseigner. Peut-être aurez-vous envie de relever le défi ? Nous serons là pour vous accompagner ».
- Y-a-t-il des problèmes de transmission d’exploitation ?
- Les deux Chambres d’agriculture ont un service qui accompagne la cession-transmission d’exploitation. En Corse, contrairement à ce qui se passe sur le continent, il y a peu de cession d’exploitation hors cadre familial. Il y a deux situations : soit la cession se fait dans le cadre familial parce qu’il y a un patrimoine à transmettre et qu’on le transmet en famille, soit il n’y a pas de patrimoine à transmettre, comme c’est souvent le cas dans les exploitations d’élevage, lorsque les éleveurs ne sont pas propriétaires des terrains. Là, il faut obligatoirement, systématiquement, recréer des exploitations. C’est pour cela que, souvent, les jeunes trouvent le temps d’installation trop long. Les dispositions administratives, la sécurité que l’on doit prendre dans l’expertise technico-économique sont plus longues à produire pour les engager dans cette voie.
- Des exploitations meurent-elles, faute d’être transmises à temps ?
- Cette situation existe. Les retraites agricoles sont tellement faibles que les agriculteurs ne sont pas retraités à 65 ans, mais continuent à travailler tant qu’ils ont la force de le faire. Nous essayons, de façon systématique et régulière, de recenser les exploitations que potentiellement des gens peuvent céder et de mettre en place un dispositif pour que des cheptels, des cultures ou des terrains puissent être transmis à d’autres générations, que ce soit des jeunes ou des aînés. L’enjeu est d’éviter la déperdition des terres agricoles.
Propos recueillis par Nicole MARI.