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La Madone de Brando : un bijou du patrimoine corse bientôt vendu aux enchères


Thibaud KEREBEL le Mercredi 22 Février 2023 à 17:53

Commandée par le couvent franciscain de Brando au début du 16e siècle, puis acquise par un éminent collectionneur d'art, cette superbe représentation de la Vierge sera prochainement vendue aux enchères de Drouot. Outre sa beauté visuelle, ce tableau est également un témoin de l’importance des échanges artistiques de l’époque entre la Corse et Gènes.



Un panneau de retable rectangulaire, haut de deux mètres, représentant la Vierge et l’Enfant, tous deux entourés de quatre petits anges. Voilà en quoi consiste, grossièrement, la Madone de Brando, une œuvre exceptionnelle qui sera mise en vente aux enchères de Drouot le 31 mars prochain. Pour Nathalie Anielewska, responsable de la communication de la maison de vente De Baecque, « c’est une pièce assez rare pour le patrimoine corse ». En effet, avant d’atterrir entre les mains du célèbre collectionneur Albin Chalandon, la Madone ornait une chapelle du couvent Saint-François de Brando depuis sa réalisation, estimée autour de 1500.

Dans des notes qu’il a rédigées, Albin Chalandon explique d’ailleurs avoir acquis ce panneau de bois peint en 1837, des années après la ruine du couvent. L’œuvre a ainsi pu rejoindre sa collection personnelle, qui a, un temps, compté parmi les plus importantes d’Europe. « Il a possédé de nombreux chefs d’œuvres. Notamment ses primitifs italiens (pré-Renaissance, NDLR), qui ont fourni les plus grands musées du monde », note Nathalie Anielewska. Et, contrairement à d’autres tableaux, la Madone de Brando n’est pas sortie de la famille depuis son acquisition.

Des échanges artistiques entre la Corse et Gènes

Au fil de temps, des recherches, et des conflits entre historiens de l’art, ce retable a finalement été attribué à deux Italiens, Simone da Firenze et Rocco di Bartolommeo : ils se seraient partagé la réalisation des personnages et l’exécution du fond ornemental. Surtout, l’école génoise dont sont issus les deux artistes atteste une nouvelle fois de l’importance des échanges culturels entre « les centres de production vénitiens, lombards et ligures et les régions comme l’actuelle Corse, alors génoise ».

La nature exceptionnelle de la Madone de Brando repose également, selon Nathalie Anielewska, sur la petite signature présente en bas à gauche du trône. « Cela démontre l’émancipation des peintres de l’époque, qui commencent alors à signer leurs œuvres », explique-t-elle. En effet, au Moyen-Age, les œuvres ornant les églises étaient très rarement signées, l’artiste se plaçant sous la protection de Dieu pour accomplir son ouvrage. Peu à peu, des paraphes sont progressivement apparus, comme ici, marquant la prise de conscience artistiques des auteurs.

Entre le raffinement de la robe de la Vierge, le symbole des échanges artistiques et le détail de la signature, la Madone de Brando constitue en tous points une oeuvre exceptionnelle conservée en bon état. D’après les estimations, elle pourrait être vendue entre 200 000 et 300 000 euros lors de l'enchère. « On espère qu’il y aura un acheteur corse ! », anticipe Nathalie Anielewska. Peut-être un retour sur l'île ?