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La Méridionale : la CFTC toujours plus inquiete


Michela Vanti le Jeudi 28 Février 2019 à 20:01

Dans un communiqué diffusé ce jeudi la CFTC, Syndicat National des Personnels Navigants et Sédentaires de la Marine Marchande, souhaite, par le présent communiqué, alerter les élus, les acteurs économiques et tous les citoyens sur l’avenir de La Méridionale et de la DSP maritime corse. "Malgré ses 80 ans d’histoire commune, 40 ans de DSP, la compagnie risque de disparaître des eaux corses."



Photo Michel Luccioni
Photo Michel Luccioni

Pour une grande majorité des employés des deux Compagnies Maritimes concessionnaires historiques, la situation inquiétante qui se profile de plus en plus sérieusement, n’est malheureusement pas une réelle surprise. 

En effet, depuis l’arrivée du Consortium « Corsica Maritima Holding » fin 2015 et l’accession au pouvoir dans un même temps de la majorité actuelle à l’Assemblée de Corse, beaucoup se posent des questions sur un horizon s’obscurcissant pour une des deux compagnies maritimes, La Méridionale. 

A ce stade, ceci nous oblige à un bref rappel historique. 

Fin 2015, malgré la décision de justice de reprise de la SNCM par le Groupe Rocca, sous le nom
« Maritima Ferries » au dépend du consortium CM holding notamment, ce dernier a immédiatement contesté la décision du tribunal et choisit d’affréter dès janvier 2016, trois navires sous pavillon étranger et avec équipages étrangers, dont deux seront mis en ligne (Stena Carrier et Corsica linea 2). 

Ces navires mis en concurrence directe avec ceux de La Méridionale et surtout ceux de Mr Rocca, en dépit des règles gérant la DSP et les OSP en vigueur, mèneront tardivement à une condamnation en justice pour les interdire de naviguer. Le mal étant déjà fait pour le business plan de la nouvelle société de Mr Rocca, celui-ci cèdera finalement la quasi-totalité de ses parts à CM Holding en avril dans l’indifférence politique générale. 

Depuis, Corsica Linea, à grands coups de médiatisation ne cesse d’afficher ses ambitions, alors qu’en même temps, dans le quotidien que son consortium détient à 35%, des propos calomnieux sont tenus sur La Méridionale : il a été écrit dans Corse Matin que La Méridionale avait touché 1.8 millions d’€ de l’OTC pour l’affrètement du navire roulier Pelican en 2014-2015 afin de pallier les arrêts techniques de ses navires ! La vérité est toute autre puisque c’était une demande de l’OTC, pour avoir un navire disponible assurant la DSP en cas de blocage intégral des ports par des salariés de la SNCM à une époque socialement difficile. 

Corsica Linea a également imposé plusieurs fois son ferry « Daniel Casanova » sans convention avec la région, en concurrence directe avec les navires de La Méridionale, rompant ainsi des accords de partenariat entre les deux opérateurs. 

Après une proposition infructueuse de rachat de La Méridionale en 2017, Corsica Linea a décidé de proposer un nouveau partenariat à La Méridionale pour la DSP 2019-2020, en affrétant un de ses navires, pour passer à 5 navires et seulement 2 pour La Méridionale et en fusionnant les agences corses sous son enseigne. 

La Méridionale ayant refusé cette proposition hégémonique de Corsica Linea, a pour sa part demandé à ces derniers de reconduire le partenariat actuel en conservant l’équilibre existant depuis plus de 40 ans. Sans réponse à cette proposition, les deux compagnies se sont finalement présentées séparément à l’appel d’offre avec les problèmes que cela suppose. 

Afin d’être présente à toutes les négociations La Méridionale n’a donc eu d’autres choix que de chercher à affréter 4 navires sur les 7 nécessaires. Ceci présentant bien sûr plus de risques techniques pour remplir l’intégralité du cahier des charges. On reproche ainsi à La Méridionale de ne pas avoir assez de prises frigo sur l’un des navires qu’elle propose. C’est facilement modifiable, mais impossible à faire pour le moment sur un navire ne lui appartenant pas et qu’elle n’a pas encore affrété, n’étant pas sûre de remporter le marché ! 

Cet appel d’offre parait ainsi totalement désavantageux dans ses exigences pour La Méridionale mais aussi pour la logique économique et technique. 

Le fait de répondre ligne par ligne oblige forcément à un monopole sur les ports principaux s’il n’y a pas de partenariat possible entre compagnies, mais également à pouvoir sortir des navires étudiés et construits sur mesures pour desservir ces ports. 

On peut légitimement se poser des questions sur l’interprétation effective à donner de l’article 5.2 du cahier des charges de la DSP 

Une série d’autres interrogations peuvent découler de ce qui vient d’être écrit précédemment : 

Comment peut-on imaginer qu’un Piana, conçu selon les contraintes bastiaises de longueur, de vitesse et de capacités fret et passagers, puisse être écarté de Bastia au profit d’un Vizzavona trop long, qui ne pourra pas réglementairement accoster dans le port en cas de fort vent ou un Paglia Orba dépassé en capacité et en vitesse depuis longtemps (il a quitté la ligne de Bastia en 2003 !). 

La Méridionale est en train d’investir de lourdes sommes pour équiper le Piana, en avant-première mondiale, d’un filtre à particules aux performances écologiques allant bien au-delà de la future réglementation MARPOL. Elle a également fait des tests concluants de branchements électriques de ses navires à quai en Corse dans le but d’équiper les ports corses de groupes électrogènes à gaz pour y réduire drastiquement les émissions de particules en escale. Et on voudrait la faire disparaître ? Il ne peut donc y avoir que des aspects économiques dans l’analyse des réponses, mais le critère de l’écologie et du développement durable semble oublié. 

Peut-on concevoir de dépenser l’argent du contribuable pour un retour en arrière et une dégradation des services existants ? 

Pourquoi la Corsica Linea n’a-t-elle pas été écartée des négociations techniques des liaisons sur Propriano et Porto Vecchio qu’elle présente avec des navires de type « ferry » totalement inadaptés et non des cargos mixtes ? 

Y-a-t-il une volonté latente de donner l’exclusivité à Corsica Linea en éliminant tour à tour ses concurrents (pour rappel, Corsica Ferry a été écartée dès le départ pour un problème de clé USB vide...) et quid de l’organisation dudit monopole de la desserte fret en cas de conflit interne qui asphyxierait à très court terme toute l’île et ses résidents. 

Le peuple corse peut-il accepter que certains grands patrons puissent posséder, sous forme de ce qui serait un trust absolu, l’ensemble de la chaîne du transport routier, maritime et de la grande distribution ? 

Y-a-t-il une tentative de déstabilisation volontaire de La Méridionale, de sa Direction et de son actionnaire STEF en vue de les affaiblir et de s’en servir de fondement pour une future compagnie régionale ? La majorité de l’assemblée de Corse n’a jamais caché son ambition de créer une compagnie régionale, même après la tentative infructueuse de rachat à bas prix de deux navires de Corsica Linea. L’assemblée a d’ailleurs finalement jugé ces navires trop vétustes pour un tel projet, mais les considère pourtant acceptables dans la réponse à l’appel d’offre actuel... 

Par conséquent, en plus du soutien que nous apportons au référé qui sera déposé par la direction de La Méridionale pour sa réintégration, nous demandons aux élus responsables de cet appel d’offre, d’annuler purement et simplement l’appel d’offre en cours, de prendre enfin une position claire pour réconcilier les Directions de La Méridionale et de Corsica Linea dans le but de pérenniser les emplois, d’éviter tout monopole pernicieux et confirmer l’adéquation de l’offre actuelle qui donne entière satisfaction aux usagers et qui a fait ses preuves depuis tant d’années. 

Tout ceci implique par conséquent de revoir le cahier des charges du prochain appel d’offre pour éviter à nouveau une telle impasse. 

La majorité des employés, préférant rester dans le giron de La Méridionale et de son actionnaire Stef, se montreront ainsi très vigilants quant aux décisions politiques prises dans les jours à venir et quant à toute tentative de déstabilisation de leur entreprise qui a toujours servi au mieux les intérêts de la Corse et des corses. La Méridionale veut rester un modèle économique et social dans ce domaine, comme ses prestations et celles de son personnel l’ont toujours démontré. 

Nous espérons donc que nos inquiétudes ne sont pas fondées et que les élus qui en ont le pouvoir démontreront par les faits et leurs décisions qu’il ne peut y avoir aucun doute quant à leur impartialité et leur volonté d’avoir la meilleure DSP possible, utile et efficace. 

Nous maintenons que tout ceci va dans l’intérêt de tous les acteurs économiques et du peuple corse et d’une continuité territoriale de qualité.