- Vendredi dernier, vous participiez aux côtés d’Édouard Philippe, à une réunion avec Emmanuel Macron. À l’issue d’une série de rendez-vous similaires avec l’ensemble des chefs de partis, le Président de la République a fait savoir qu’il ne nommerait pas un Premier Ministre dans l’immédiat, faute de conclusions satisfaisantes. Qu’est-ce que vous inspire cet ajournement de nomination du nouveau gouvernement ?
- Le but était de consulter les différentes forces qui composent la vie politique française pour tester un certain nombre de choses. Ce que souhaitait le Président c'était s'assurer que le Premier ministre et le gouvernement qui seront nommés soient stables, et qu'on ne prenne pas le risque qu’ils soient en place pour seulement quelques jours. Or la coalition de gauche arrivée en tête aux élections est refermée sur elle-même et ne veut appliquer que son programme, alors qu'elle ne dispose que de 193 députés seulement. Dans l'ensemble des autres forces politiques, du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) en passant par le Modem, jusqu’au Rassemblement National, nous avons tous dit que nous censurerions un éventuel gouvernement issu du Nouveau Front Populaire (NFP) après la déclaration de politique générale, parce qu’il n'a pas souhaité discuter avec qui que ce soit et ne veut pas faire de concession par rapport à son programme. Le Président de la République en a tiré une conclusion : c'est qu'il ne peut pas nommer la candidate du NFP, Lucie Castets, au poste de Premier ministre, parce qu'il y aura une censure immédiate de la part de plus de 350 députés sur 577. C'est une large majorité qui ne veut pas aujourd'hui de Lucie Castets à Matignon et qui ne veut pas de l'application de l’'intégralité du programme du NFP. Le Président va donc continuer à consulter un certain nombre de personnalités et nous allons voir comment les choses vont se passer. En tout cas, à titre personnel, j’en appelle à une première forme de conclusion, c'est-à-dire une nomination d'un chef de gouvernement qui lui aussi aura la charge de rencontrer ensuite, notamment, les groupes politiques à l'Assemblée nationale pour discuter avec eux.
- Pratiquement deux mois après les élections, cette situation de blocage ne laisse-t-elle pas craindre une instabilité politique en France ?
- Depuis le début, je ne cesse d’exprimer une inquiétude très forte et très vive. Je rappelle tenir un discours assez cohérent et assez constant depuis la dissolution, après laquelle je disais qu'il n’y allait pas avoir de bloc qui allait être en capacité de pouvoir gouverner seul : l'ex-majorité dissoute et battue ne pouvait pas se reposer que sur elle-même, la gauche seule ne fait pas suffisamment de sièges, ni la droite républicaine et conservatrice. Aujourd'hui, le problème que nous avons c'est que le bloc de gauche veut rester groupé et refuse d'admettre qu’il n’est pas majoritaire et que ses idées ne sont pas majoritaires. Si le Président avait nommé Lucie Castets, j'aurais attendu au moins qu'elle me reçoive, pour d'abord lui exposer mes attentes, mais surtout pour entendre de sa part ce qu'elle a à proposer dans le cadre d'une déclaration de politique générale. C'est ainsi que cela s'était passé le 11 juillet 2022 : Elisabeth Borne, qui disposait de 251 députés qui la soutenaient, ce qui n'est pas une majorité absolue, a fait une déclaration de politique générale. Mathilde Panot et ses amis ont déposé une motion de censure qui a été examinée à l'Assemblée nationale, et qui a été rejetée, parce que seulement le groupe de la Nupes l'avait voté. C'est quand même cocasse qu'aujourd'hui ces mêmes groupes qui reprochaient à Elisabeth Borne de ne pas être majoritaire, se permettent de dire « vous devez nous nommer ». On est dans une forme de déni de réalité.
- Qu’attendez-vous désormais ?
- Nous, nous en appelons à un dialogue entre républicains, démocrates, basé sur la responsabilité, sur l'envie de faire en sorte que le pays ne parte pas à vau l'eau. Ce ne serait pas un gouvernement qui serait à la botte de qui que ce soit, mais un gouvernement de contrat qui serait là pour transcender les clivages pour une date qui reste à déterminer, puisqu'on ne peut pas vivre éternellement avec des coalitions trop larges. La réalité, c'est que les Français n'ont choisi aucun programme, ils ont plutôt sanctionné tout le monde au bout du compte, et n'ont pas donné de majorité au pays. Il faut faire avec cela, parce que nous avons la nécessité de gouverner le pays et de le faire sur des bases stables. Je pense qu'il ne faut pas attendre de se prendre une volée de bois vert pour pouvoir se mettre en tête d'agir ainsi. Mais j'ai l'impression que certains ont envie de voir ce que cela fait un gouvernement qui est renversé par une motion de censure ou ont envie de rentrer dans un tunnel d'instabilité. Ce n'est pas du tout l'objectif que je me suis fixé et assigné. Par ailleurs, je crois que le plus important dans tout cela, ce n'est pas le qui, c'est le quoi et le comment ? Il y a un budget à préparer. Il faut le soumettre au Parlement et il doit y avoir donc un débat au préalable. Il y a aussi une loi de financement de la sécurité sociale à voter. Ensuite, il y a quelques objectifs à se fixer en matière de politique publique sur l'éducation, sur la sécurité et la justice. Il n'y a qu'une seule solution : c'est transcender un certain nombre de clivages sur des bases claires, transparentes, afin d’avoir un chef de gouvernement qui réunit une équipe qui soit là pour assurer une forme de stabilité, parce que l'instabilité politique peut amener à d'autres formes de crises, notamment une crise financière. Les Français ont besoin de stabilité, ont besoin d'être rassurés, ils n'ont pas besoin d'avoir un gouvernement qui va essayer de s'occuper de tout en même temps, alors qu'il n'aura pas la marge de manœuvre pour le faire. Ce gouvernement, il doit être composé de femmes et d'hommes qui sont de sensibilités diverses, mais qui pourraient avoir une forme de cohérence. C'est possible dans des agglomérations comme celle de la Capa, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y arriver. Dans des tas de territoires, des gens de sensibilités diverses se réunissent pour l'intérêt supérieur de la commune et de ses habitants. Aujourd'hui, il faut sortir de ces espèces de blocage. Quand on est élu, on a la charge d'un peuple, et d'une nation en tant que parlementaire. Il faut aussi à un moment se demander ce qui va se passer si on est dans une situation de blocage politique et de crise politique majeure. Comment vont fonctionner nos pouvoirs publics ? Comment on va faire pour faire fonctionner l'État et toutes les organisations déconcentrées de l'État ?
- Cette situation d'instabilité ne laisse-t-elle pas également planer le doute que le processus d’autonomie de la Corse soit définitivement mis de côté ?
- Je vais vous répondre par une forme de contrepied. Oui, la Corse a besoin également de la constitution d'un Gouvernement et a besoin d'un gouvernement qui soit stable, d'abord parce qu'il y a une crise économique qui se profile chez nous qui est sans précédent. À l'occasion des vacances parlementaires, j’ai eu l'occasion de discuter avec des représentants des secteurs de l'économie corse, il y a aujourd'hui une crise économique qui n'est pas encore connue et su véritablement de tous, et qui peut avoir des conséquences majeures. Naturellement, ensuite, il y a aussi un processus politique démocratique qui a plus de deux ans, auquel j'ai pris part depuis le début, dont j'appelle la continuation. Mais là encore, vous imaginez bien qu'il faut attendre la nomination d’un chef de gouvernement d'une équipe gouvernementale pour pouvoir demander à ce que tout cela soit poursuivi. Ce n'est pas avec le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal qu'on peut le faire. Je me suis aperçu avec intérêt que le Président de la République, lorsqu'il a reçu Lucie Castets, l'a interrogée sur la Corse parce qu'il voulait savoir quelles étaient les intentions du NFP sur certains sujets comme la Nouvelle Calédonie, la loi de finances… Et il a également évoqué notre territoire. Dont acte. Cela veut dire je pense que le Président souhaite que la parole qui a été la sienne en septembre 2023 à Ajaccio soit respectée, ou du moins savoir si un nouveau gouvernement était nommé, il entendait être dans la même direction. Moi, j'attends, comme tout le monde, d'avoir le premier interlocuteur qui est le chef ou la cheffe du gouvernement pour pouvoir lui faire part de ce que j'attends au niveau national et, je me permettrai également - puisque je suis élu d'un territoire qui fait l'objet de discussions politiques depuis de nombreuses années – au niveau de la Corse. Nous avons de nombreux dossiers à traiter dans les semaines et les mois qui viennent concernant la Corse, qui ne sont pas que des dossiers institutionnels, comme la dotation de continuité territoriale et encore d'autres sujets qui me semblent être d'importance primordiale à côté du processus politique.
- Le but était de consulter les différentes forces qui composent la vie politique française pour tester un certain nombre de choses. Ce que souhaitait le Président c'était s'assurer que le Premier ministre et le gouvernement qui seront nommés soient stables, et qu'on ne prenne pas le risque qu’ils soient en place pour seulement quelques jours. Or la coalition de gauche arrivée en tête aux élections est refermée sur elle-même et ne veut appliquer que son programme, alors qu'elle ne dispose que de 193 députés seulement. Dans l'ensemble des autres forces politiques, du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) en passant par le Modem, jusqu’au Rassemblement National, nous avons tous dit que nous censurerions un éventuel gouvernement issu du Nouveau Front Populaire (NFP) après la déclaration de politique générale, parce qu’il n'a pas souhaité discuter avec qui que ce soit et ne veut pas faire de concession par rapport à son programme. Le Président de la République en a tiré une conclusion : c'est qu'il ne peut pas nommer la candidate du NFP, Lucie Castets, au poste de Premier ministre, parce qu'il y aura une censure immédiate de la part de plus de 350 députés sur 577. C'est une large majorité qui ne veut pas aujourd'hui de Lucie Castets à Matignon et qui ne veut pas de l'application de l’'intégralité du programme du NFP. Le Président va donc continuer à consulter un certain nombre de personnalités et nous allons voir comment les choses vont se passer. En tout cas, à titre personnel, j’en appelle à une première forme de conclusion, c'est-à-dire une nomination d'un chef de gouvernement qui lui aussi aura la charge de rencontrer ensuite, notamment, les groupes politiques à l'Assemblée nationale pour discuter avec eux.
- Pratiquement deux mois après les élections, cette situation de blocage ne laisse-t-elle pas craindre une instabilité politique en France ?
- Depuis le début, je ne cesse d’exprimer une inquiétude très forte et très vive. Je rappelle tenir un discours assez cohérent et assez constant depuis la dissolution, après laquelle je disais qu'il n’y allait pas avoir de bloc qui allait être en capacité de pouvoir gouverner seul : l'ex-majorité dissoute et battue ne pouvait pas se reposer que sur elle-même, la gauche seule ne fait pas suffisamment de sièges, ni la droite républicaine et conservatrice. Aujourd'hui, le problème que nous avons c'est que le bloc de gauche veut rester groupé et refuse d'admettre qu’il n’est pas majoritaire et que ses idées ne sont pas majoritaires. Si le Président avait nommé Lucie Castets, j'aurais attendu au moins qu'elle me reçoive, pour d'abord lui exposer mes attentes, mais surtout pour entendre de sa part ce qu'elle a à proposer dans le cadre d'une déclaration de politique générale. C'est ainsi que cela s'était passé le 11 juillet 2022 : Elisabeth Borne, qui disposait de 251 députés qui la soutenaient, ce qui n'est pas une majorité absolue, a fait une déclaration de politique générale. Mathilde Panot et ses amis ont déposé une motion de censure qui a été examinée à l'Assemblée nationale, et qui a été rejetée, parce que seulement le groupe de la Nupes l'avait voté. C'est quand même cocasse qu'aujourd'hui ces mêmes groupes qui reprochaient à Elisabeth Borne de ne pas être majoritaire, se permettent de dire « vous devez nous nommer ». On est dans une forme de déni de réalité.
- Qu’attendez-vous désormais ?
- Nous, nous en appelons à un dialogue entre républicains, démocrates, basé sur la responsabilité, sur l'envie de faire en sorte que le pays ne parte pas à vau l'eau. Ce ne serait pas un gouvernement qui serait à la botte de qui que ce soit, mais un gouvernement de contrat qui serait là pour transcender les clivages pour une date qui reste à déterminer, puisqu'on ne peut pas vivre éternellement avec des coalitions trop larges. La réalité, c'est que les Français n'ont choisi aucun programme, ils ont plutôt sanctionné tout le monde au bout du compte, et n'ont pas donné de majorité au pays. Il faut faire avec cela, parce que nous avons la nécessité de gouverner le pays et de le faire sur des bases stables. Je pense qu'il ne faut pas attendre de se prendre une volée de bois vert pour pouvoir se mettre en tête d'agir ainsi. Mais j'ai l'impression que certains ont envie de voir ce que cela fait un gouvernement qui est renversé par une motion de censure ou ont envie de rentrer dans un tunnel d'instabilité. Ce n'est pas du tout l'objectif que je me suis fixé et assigné. Par ailleurs, je crois que le plus important dans tout cela, ce n'est pas le qui, c'est le quoi et le comment ? Il y a un budget à préparer. Il faut le soumettre au Parlement et il doit y avoir donc un débat au préalable. Il y a aussi une loi de financement de la sécurité sociale à voter. Ensuite, il y a quelques objectifs à se fixer en matière de politique publique sur l'éducation, sur la sécurité et la justice. Il n'y a qu'une seule solution : c'est transcender un certain nombre de clivages sur des bases claires, transparentes, afin d’avoir un chef de gouvernement qui réunit une équipe qui soit là pour assurer une forme de stabilité, parce que l'instabilité politique peut amener à d'autres formes de crises, notamment une crise financière. Les Français ont besoin de stabilité, ont besoin d'être rassurés, ils n'ont pas besoin d'avoir un gouvernement qui va essayer de s'occuper de tout en même temps, alors qu'il n'aura pas la marge de manœuvre pour le faire. Ce gouvernement, il doit être composé de femmes et d'hommes qui sont de sensibilités diverses, mais qui pourraient avoir une forme de cohérence. C'est possible dans des agglomérations comme celle de la Capa, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y arriver. Dans des tas de territoires, des gens de sensibilités diverses se réunissent pour l'intérêt supérieur de la commune et de ses habitants. Aujourd'hui, il faut sortir de ces espèces de blocage. Quand on est élu, on a la charge d'un peuple, et d'une nation en tant que parlementaire. Il faut aussi à un moment se demander ce qui va se passer si on est dans une situation de blocage politique et de crise politique majeure. Comment vont fonctionner nos pouvoirs publics ? Comment on va faire pour faire fonctionner l'État et toutes les organisations déconcentrées de l'État ?
- Cette situation d'instabilité ne laisse-t-elle pas également planer le doute que le processus d’autonomie de la Corse soit définitivement mis de côté ?
- Je vais vous répondre par une forme de contrepied. Oui, la Corse a besoin également de la constitution d'un Gouvernement et a besoin d'un gouvernement qui soit stable, d'abord parce qu'il y a une crise économique qui se profile chez nous qui est sans précédent. À l'occasion des vacances parlementaires, j’ai eu l'occasion de discuter avec des représentants des secteurs de l'économie corse, il y a aujourd'hui une crise économique qui n'est pas encore connue et su véritablement de tous, et qui peut avoir des conséquences majeures. Naturellement, ensuite, il y a aussi un processus politique démocratique qui a plus de deux ans, auquel j'ai pris part depuis le début, dont j'appelle la continuation. Mais là encore, vous imaginez bien qu'il faut attendre la nomination d’un chef de gouvernement d'une équipe gouvernementale pour pouvoir demander à ce que tout cela soit poursuivi. Ce n'est pas avec le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal qu'on peut le faire. Je me suis aperçu avec intérêt que le Président de la République, lorsqu'il a reçu Lucie Castets, l'a interrogée sur la Corse parce qu'il voulait savoir quelles étaient les intentions du NFP sur certains sujets comme la Nouvelle Calédonie, la loi de finances… Et il a également évoqué notre territoire. Dont acte. Cela veut dire je pense que le Président souhaite que la parole qui a été la sienne en septembre 2023 à Ajaccio soit respectée, ou du moins savoir si un nouveau gouvernement était nommé, il entendait être dans la même direction. Moi, j'attends, comme tout le monde, d'avoir le premier interlocuteur qui est le chef ou la cheffe du gouvernement pour pouvoir lui faire part de ce que j'attends au niveau national et, je me permettrai également - puisque je suis élu d'un territoire qui fait l'objet de discussions politiques depuis de nombreuses années – au niveau de la Corse. Nous avons de nombreux dossiers à traiter dans les semaines et les mois qui viennent concernant la Corse, qui ne sont pas que des dossiers institutionnels, comme la dotation de continuité territoriale et encore d'autres sujets qui me semblent être d'importance primordiale à côté du processus politique.