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« Le Secret de Zia Maria » : le film de Isabelle Balducchi qui rend hommage aux héros de l’ombre


Andrea Petitjean le Lundi 16 Septembre 2024 à 16:45

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Corse a joué un rôle crucial en offrant un refuge aux Juifs fuyant les persécutions nazies. Le film « Le Secret de Zia Maria » réalisé par Isabelle Balducchi met en lumière cet acte de bravoure en célébrant l’amitié et la solidarité et rend hommage à des figures comme Zia Maria, son arrière-grand-mère, qui, comme beaucoup d’autres Corses, a caché des Juifs pendant la guerre. Le film sera projeté ce jeudi 19 à Marseille et le 19 septembre à Montpellier.



« Le Secret de Zia Maria » : le film de Isabelle Balducchi qui rend hommage aux héros de l’ombre
Tout commence en 2009, quand Isabelle Balducchi tombe par hasard sur un article de presse dans la librairie d'une station-service ajaccienne. L’article, basé sur les confidences d’un membre de sa famille, relate une histoire fascinante racontée par l'historien Michel Vergé-Franceschi : Zia Maria de Castifao, l’arrière-grand-mère de la réalisatrice, aurait caché un fugitif juif chez elle pendant l'Occupation. Le récit, flou et imprécis, attise rapidement la curiosité d’Isabelle, son arrière-petite-fille. Intriguée, elle décide de mener sa propre enquête. Celle-ci prend rapidement de l’ampleur, au point que son entourage lui suggère d’en faire un documentaire. « Mon arrière-grand-mère, Zia Maria, est le départ de ce film. Bien que je ne l’aie jamais connue personnellement, raconter cette histoire est crucial pour moi, car elle met en avant des valeurs fondamentales qui, bien que parfois oubliées, ont joué un rôle essentiel pendant la guerre : l’amitié, la protection et la fraternité. La relation entre Félix, un Juif et résistant, et Zia Maria, incarne ces valeurs d’amitié et d’entraide. »
Pour Isabelle Balducchi, il a fallu enquêter, investiguer pour réaliser ce film : « Ce film est né de ma volonté de découvrir la vérité sur ce qui s’est réellement passé. Pour cela, j’ai entrepris un long cheminement d’enquête, interrogeant toutes les personnes âgées du village et cherchant à recueillir des témoignages oraux de ceux qui avaient connu mon arrière-grand-mère


La Corse, un bastion de solidarité envers les Juifs à travers l'histoire
Alors que l'Europe sombre dans le chaos dès 1940, la Corse abrite environ 600 Juifs. En 1941, sous l'impulsion des autorités françaises, la préfecture est contrainte de recenser les Juifs, les obligeant à porter la mention « juif » sur leurs cartes d'identité. En 1943, les troupes italiennes débarquent sur l’île, sous le commandement du général Magli. À cette période-là, il n’existe aucun camp de concentration en Corse. Le général Magli ordonne l’arrestation de Juifs corses, principalement des hommes âgés de 18 à 60 ans, identifiés à Bastia. Ils sont 86 a être transférés dans le camp d'Asco (Haute-Corse), un camp établi par les forces d'occupation italiennes. Mais, contrairement à d'autres régions occupées, les habitants d'Asco manifestent une solidarité indéfectible envers les Juifs.
Lhistorien Michel Vergé-Franceschi rappelle, en effet, que : « La Corse est la seule régiont de laquelle aucun Juif n’a été déporté, à une exception près. À ma connaissance, tous les Juifs d’Asco ont été sauvés sauf un, Ignace Schreter, déporté à l'initiative du secrétaire général de la préfecture d'Ajaccio, profitant de l'absence du préfet Paul Balley. »
Michel Vergé-Franceschi affirme que l’île s'est toujours illustrée par sa défense des Juifs : « La Corse est une terre de grande tolérance. Les grands-parents d’Yvan Colonna ont eux-mêmes caché des Juifs dans leur cave. Et puis, il y a l’histoire de Zia Maria de Castifao qui a caché un Juif dans le double fond de sa cave pendant l’Occupation. Pourtant, aujourd’hui, certains souhaitent faire le procès des Corses et remettre en question l’Histoire en se flattant presque d’avoir dénoncé des Juifs. Ça me choque. » 


«:Des Justes parmi les Nations »
Plusieurs Corses ont été honorés par Yad Vashem, l'institut israélien de la mémoire de l’Holocauste, qui leur a attribué le titre de « Justes parmi les Nations ».
Ce titre, décerné aux non-Juifs ayant risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Shoah, est la plus haute distinction civile en Israël. Parmi ces héros corses, des anonymes, souvent issus de petites communautés rurales, qui ont ouvert leurs portes à ceux que tout un régime cherchait à détruire. C. Giovannoni, 88 ans, se rappelle de la première fois où ses parents ont accueilli un juif dans leur maison de village en Corse-du-Sud : « Mes parents ont caché, pendant quelques mois, un homme Juif d’une trentaine d’années. Je devais avoir dix ans. Il était arrivé en Corse quelques années plus tôt, mais avec la menace nazie, il craignait pour sa vie. Alors, nous l’avons accueilli. Nous lui apprenions des chants corses, qu’il avait plaisir à chanter dans notre salon. »
Dans plusieurs communes de l'île, des plaques commémoratives honorent ces actions héroïques. Mais si les Justes corses ne sont pas toujours aussi médiatisés que leurs homologues du continent, leur contribution à la lutte contre l’Holocauste demeure incontestable. C. Giovannoni poursuit : « Nous n’avions pas beaucoup d’argent à l’époque, mais mes parents l’ont accueilli sans la moindre hésitation. Ce qu’ont fait mes parents, c’est l’histoire des petites mains qui ont résisté à la barbarie, sans reconnaissance. Pour eux, c’était un devoir de sauver la vie de quelqu’un » poursuit C. Giovannoni.


En 2023, Marlène Schiappa a souligné l’engagement de la Corse envers la communauté juive pendant des périodes sombres. Elle a déclaré : « Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, dit souvent que la Corse, c'est un territoire juste parmi les nations. Il y a un travail qui a été fait par des historiens corses. Leurs travaux rappellent que la Corse n'a dénoncé aucun juif à l'occupant pendant la Seconde Guerre mondiale. De nombreux enfants juifs ont été hébergés par des Corses pendant la guerre. »


À l’heure où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale s’éloigne peu à peu, le film « Le Secret de Zia Maria » d’Isabelle Balducchi rappelle que, même dans les moments les plus sombres de l’histoire, l’amitié et la fraternité qui lie les Juifs et les corses a permis de sauver de nombreuses vies.

A Marseille et Montpellier

Le Secret de Zia Maria sera projeté ce jeudi 19 septembre à 19  heures à la maison de la Corse de Marseille puis  le dimanche 29 septembre au Centre culturel juif Simone-Veil de Montpellier.


Ces deux projections sont faites en partenariat avec les Centres Culturels Juifs de Marseille et Montpellier, la Maison de la Corse de Marseille et l'Amicale des Corses de Montpellier.