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Sébastien Ristori : " La situation économique en Corse va devenir pénible"


MP le Dimanche 1 Septembre 2024 à 18:39

Analyste financier et enseignant en finance d’entreprise à l’Université de Corse, Sébastien Ristori livre son analyse sur la dégradation que connait actuellement l’économie corse. Selon lui, l’île souffre avant tout d’un manque d’attractivité pour les consommateurs qui impacte quasiment tous les secteurs par ricochets.



Sébastien Ristori : " La situation économique en Corse va devenir pénible"
L’économie corse est-elle sur le point de connaitre une crise importante ? C’est l’avis de nombreux observateurs avertis qui pointent des signes de dégradation importants. Mi-juillet, un rapport de l’INSEE mettait déjà en exergue que l’activité économique de l’île a diminué de 0,3% au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023, alors qu’elle a progressé de 0 ,3% au niveau national. Un constat partagé par Sébastien Ristori, analyste financier et enseignant en finance d’entreprise à l’Université de Corse qui pointe des difficultés rencontrées par les entreprises insulaires, liées à un « cocktail de trois facteurs explicatifs ». 
 
« D’abord, il y a un facteur macro-économique lié à la baisse de la consommation en général, c’est-à-dire moins de chiffre d’affaires pour nos entreprises, et par ricochet, moins de cash », indique-t-il en détaillant : « Cette baisse est chronique depuis la crise de l’après Covid-19 et le boom de consommation de 2022. Or nos entreprises sont fortement dépendantes du volume de consommation touristique et dans notre écosystème, nos entreprises sont fortement interdépendantes les unes des autres, notamment par les réseaux de grande distribution et par les transports. Le nombre de consommateurs touristiques et leur pouvoir d’achat sont la clé de voute de notre modèle économique actuel, de l’aviation au maritime, de la grande distribution à nos artisans ». 
 
« La Corse n’est plus du tout compétitive »
 
Sébastien Ristori relève aussi que les entreprises corses « sont confrontées à un mur de dettes ». « La dette est un accélérateur de crise, certes, mais elle n’est pas la cause première du décès de la société. La baisse de chiffre d’affaires, l’accroissement des coûts des matières premières entrainent un effet ciseau qui raréfie la trésorerie disponible. L’entreprise ne peut alors plus faire face à la fois aux échéances liées aux factures (matière première, charges externes, salaires) et à la fois aux échéances de la dette. La dette étant exigible, la société se retrouve en situation de sauvegarde préventive, de redressement, où pire, de liquidation judiciaire », précise l’analyste financier. 
 
Enfin, il souligne également que « la Corse n’est plus du tout compétitive ». « On attend ce que j'appelle le « touriste providence ». Or la Corse est devenue une destination extrêmement chère avec une compagnie aérienne qui n’est pas gérée comme une entreprise, mais comme un service public. Et en même temps, nous n’avons plus rien à offrir en Corse : nous ne disposons pas de marque territoriale, ni de rien de structuré. La Corse pas à rougir des Cyclades en Grèce, ni de Malte ou de la Sardaigne, mais il n’existe pas de stratégie touristique par communauté de communes, on est incapables de créer une offre territoriale parce qu'il y a des guerres de chapelle et pas de vision », déplore-t-il. « Un des gros problèmes de la Corse, c'est qu'elle est incapable de se vendre. Le modèle d’espoir des 50 dernières années basé sur l’arrivée du « touriste-providence » ne fonctionnera pas, notamment tant que nous nous ne réinventerons pas – et cela collectivement - au niveau macro-économique. Cela fonctionne pour des iles semblables, peut-être est-il temps d’investir en infrastructures et de développer une véritable marque territoriale, pour attirer le chaland de qualité et promettre autre chose que des paysages à couper le souffle, au prix d’un coût environnemental qui commence à être important », insiste-t-il.
 
« Il faut que collectivement, tout le monde se réinvente »
 
Pour Sébastien Ristori, afin de redonner un coup de boost à l’économie insulaire, une des solutions majeures passe avant tout par la restructuration financière des entreprises. « Cela inclut de trouver de l’argent frais sur la base d’un nouveau modèle économique. Il faut réinventer la stratégie de son entreprise, trouver de nouveaux débouchés et adapter des produits et services qui, de toute évidence, ne trouvent plus d’élan auprès des consommateurs », explique-t-il en déroulant : « Notre île souffre d’un faible apport en capitaux propres, notamment dû au fait que les sociétés sont de tailles relativement petites, que beaucoup d’entrepreneurs n’ont pas souhaité pendant longtemps, où n’ont pas pu où n’ont pas eu accès à des investisseurs où des partenaires financiers pour entrer au capital, et développer la boîte sur de nouveaux aspects. Un autre des problèmes moteurs de notre île est la forte dépendance d’un pan entier de nos activités aux services publics, et un autre pan entier aux consommateurs touristiques, lui-même enchevêtré dans les réseaux de grande distribution et de transport ». 
 
En attendant, conséquence directe de la dégradation de la situation économique sur l’île, l’analyste financier prévoit une envolée des taux de chômage en Corse. « Le salut va venir du fait que tout le monde, collectivement, à un moment, va devoir se réinventer », commente-t-il en estimant : « Je crois que la situation économique en Corse va devenir pénible et on ne peut pas sans cesse tirer sur un motif qui n'existe pas. Il faut que vraiment, collectivement, tout le monde se réinvente et se demande ce que l'on veut comme consommateur pour la Corse ? Parce qu’il nous faut absolument des consommateurs. Et les seuls consommateurs supplémentaires qu'on ait, ils viennent de notre attractivité ».