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Le centre de surtri à Monte divise l’Assemblée de Corse et rouvre le dossier sensible des déchets


le Jeudi 27 Mars 2025 à 18:31

Une question orale relative au centre de surtri de Monte posée par Serena Battestini, conseillère territoriale de Core in Fronte, ce jeudi dans l'hémicycle a causé quelques frictions entre la majorité et le parti indépendantiste. Et a été l'occasion de rouvrir le débat sur la gestion des déchets.



(Photos : Paule Santoni)
(Photos : Paule Santoni)
C’est un projet qui n’en finit pas de faire les gros titres de l’actualité. À l’occasion de la séance de questions orales de l’Assemblée de Corse de ce jeudi, la conseillère territoriale de Core in Fronte Serena Battestini, a interrogé l’exécutif sur le centre de surtri et de valorisation des déchets ménagers non dangereux (CTV) qui doit sortir de terre à Monte d’ici fin 2026, et sur l’intérêt du maintien du Syvadec.
 
Rappelant que le 15 mars dernier, deux semaines après la publication d’un arrêté préfectoral autorisant le Syvadec à exploiter ce CTV, le collectif de riverains « Piaghja di Golu » et le parti indépendantiste tenaient une conférence de presse sur le site afin de réclamer l’arrêt des travaux , dénonçant « un projet imposé par l’État avec l’accord tacite de l’Exécutif de Corse », la conseillère territoriale a martelé : « Cette réalité est la conséquence de l'incurie, des diverses majorités territoriales depuis de nombreuses années ». Dans ce droit fil, elle a argué que « depuis de nombreuses années, le marché des déchets est devenu très lucratif et est susceptible d'attiser tous les appétits financiers ». « Dans un moment où la Corse attend courage, clarification, justice, lucidité et paix retrouvée, nous vous demandons : êtes-vous toujours d’accord, après le rétropédalage qui vous a illustré, entre 2023 et 2024, avec ce nuisible projet de surtri de Monte ? Êtes-vous toujours favorables, selon la position sur l’autonomie que vous défendez, au maintien de l’équivoque Syvadec, premier obstacle à la généralisation du tri sélectif, au prélèvement à la source et à une gestion transparente, pour assurer le traitement des déchets en Corse ? », a-t-elle lancé. 
 
En réponse, le président de l’Office de l’Environnement de la Corse (OEC), Guy Armanet, a rappelé que le plan de de prévention et de gestion des déchets, adopté le 25 juillet 2024, est pour la première fois venu doter l’île « d’un outil unique et majeur qui s’impose à tous les acteurs concernés et concrétise les axes stratégiques soutenus par le conseil exécutif de Corse », au premier rang desquels la priorité donnée au tri à la source. « Désormais la Collectivité de Corse via l’OEC est engagée dans la bonne concrétisation de ces principes essentiels pour la transition écologique de notre île, y compris au-delà des strictes compétences à droit constant en assurant l’expertise, le suivi opérationnel des actions, et l’accompagnement financier des institutions compétentes », a-t-il posé.

Une position ferme sur le projet
 
Sur la création du CTV de Monte, le président de l’OEC assure qu’aucune des prises de position de l'Exécutif sur le projet « ne peut s’apparenter de près ou de loin à un rétropédalage ». « À maintes reprises, une position ferme a été maintenue sur le projet considéré comme une réalisation nécessaire, même si non suffisante pour éviter une crise majeure en matière de déchets dans les années à venir, notamment en matière de stockage ultime de déchets », note-t-il en détaillant que ce dernier donnera l’opportunité  «  de détourner 60 000 tonnes de déchets des centres d’enfouissement en situation actuelle d’oligopole, et toujours aux mains du privé, de réduire le coût du transport vers un centre de tri du continent, d’augmenter notablement les recettes de valorisation et de limiter les coûts de traitement des refus de tri ». Une infrastructure qu’il juge toutefois insuffisante « si elle n’intervient pas concomitamment à d’autres mesures de décisions relevant du Syvadec, des intercommunalités, de l’État et de la CdC, et surtout avec l’adhésion et le soutien de nos concitoyens en termes de tri ». Or c’est bien là que ce noud le problème. Guy Armanet souligne ainsi que l’Exécutif a fait part de cette position à maintes reprises aussi bien au Syvadec – avec qui ont eu lieu « pas moins de 11 échanges à ce sujet » - et à l’État. Pour autant, à l’heure de valider le financement du projet porté à 80% par l’État dans le cadre du PTIC et de l’Ademe et à 20% par le Syvadec, la collectivité a été écartée du processus. « En acceptant de bénéficier du contrôle par la CdC de la performance financière du CTV de Monte, le Syvadec aurait pu s’engager dans une logique stratégique collective, mettant au cœur de l’action l’ensemble des institutions du territoire. La neutralisation des contributions des EPCI jusqu’à la mise en exploitation du CTV de Monte aurait permis au territoire de s’engager dans le déploiement des actions de tri à la source nécessaires », déplore le président de l’OEC en rappelant que des recours contentieux ont été déposés près du tribunal administratif de Bastia contre les différentes délibérations du Syvadec, notamment celle actant le plan de financement du CTV de Monte. 
 

« Nous n’avons jamais laissé courir ce genre de projet de manière tacite comme vous pouvez le dire », appuie-t-il dans ce droit fil, pointant en outre le fait qu’une requête en annulation contre la décision de financement de l’État a été formulée par l’Exécutif. « De votre côté, qu’avez-vous fait ? Vous êtes effectivement intervenu le 15 mars sur site, deux ans après la décision prise par l’État sur le financement du projet, permis accordé, travaux démarrés. Une intervention médiatique quelque peu maladroite et confuse, qui s’apparentait plutôt à un aquaplaning via une sortie de route des plus tendancieuses », tance-t-il par ailleurs.  
 
Une remarque pas au goût de Paul-Félix Benedetti qui demande à répondre au président de l’OEC aussitôt son intervention terminée. Une requête à laquelle la présidente de l’Assemblée lui oppose une fin de non-recevoir, estimant que le temps de parole accordé au groupe pour cette question a été largement utilisé. De quoi irriter le leader de Core in Fronte : « Le groupe a été insulté je fais une réponse ! », tonne-t-il sans obtenir plus de succès. Une opposition de la présidente qui n’a pour effet que de faire monter Paul-Félix Benedetti dans les tours. « Lorsqu’on pose une question, on attend de la sérénité et du respect », fustige-t-il, « Je n’entends pas ici qu’à l’occasion d’une question, on se fasse agresser verbalement. Qu’a-t-on fait ? Quand le terrain est passé en CTPNAF nous avons voté contre. Vous vous avez voté pour et l’avez laissé déclasser. Lorsqu’il y a eu le schéma territorial de déchets qui a entériné une logique de surtri qui est contraire aux intérêts du tri à la source, vous l’avez adopté, et vous venez dire aujourd’hui de dire que le projet est un maillon nécessaire, insuffisant et qu’il faut qu’il y en ait d’autres. On pense que vous orientez le schéma déchets sur une fausse stratégie, et je n’entends pas aujourd’hui que vous vous serviez d’une question pour essayer de marginaliser ou de discréditer une intervention politique. C’est inadmissible et intolérable ! ».
 
« Il faut changer la gouvernance du système »
 
Afin de calmer le jeu, Gilles Simeoni intervient alors à son tour afin de faire un rappel sur l’impératif respect des institutions et du règlement intérieur, mais aussi pour apporter certaines précisions sur le fond. « Y a-t-il aujourd’hui une seule intercommunalité en Corse qui est satisfaite de notre mode de gestion des déchets ? Non. Y a-t-il une seule intercommunalité qui pense que nous sommes sur une trajectoire qui nous conduit vers une amélioration ? Non. En termes budgétaire et financier, la trajectoire est ruineuse et elle le restera que le centre de tri de Monte entre en fonction ou non, que l’on fasse du tri ou pas, parce que dans le système actuel plus on trie, plus on paye. Il n’y a pas d’inaptitude des Corses au tri, il y a simplement aujourd’hui un système qui globalement détourne du tri, y compris pour des raisons budgétaires et financières », pose-t-il. Il évoque dans la foulée une réunion à la préfecture de Corse où l’Exécutif avait marqué son refus du financement du CTV de Monte décidé unilatéralement par l’État, estimant que les conditions n’étaient pas sécurisées. « Nous avons conditionné les travaux et l’ouverture de quel que centre de surtri que ce soit à une analyse sur la trajectoire budgétaire d’ensemble de la gestion des déchets. Nous avons dit et répété que si centre de tri de valorisation il devait y avoir, celui-ci devait être pensé et configurer par rapport à notre politique prioritaire qui est celle du tri à la source », explique-t-il en ajoutant : « Nous avons constaté devant l’État qu’il n’y avait aucun moyen pour les intercommunalités aujourd’hui d’assurer un tri à la source et que plutôt que de financer des investissements sans stratégie d’ensemble, l’État et l’Ademe devraient nous accompagner y compris sur les dépenses de fonctionnement pour organiser et financer le tri à la source ». 
 

Plus largement, Gilles Simeoni regrette que malgré l'opposition de l'Exécutif au projet de centre d’enfouissement à Ghjuncaghju et son souhait affirmé à maintes reprises de voir émerger des centres territorialisés, le Syvadec n’ait eu de cesse que de « fermer la porte » à ces alternatives de stockage. « Cela veut dire qu’on reste encore en l’état de situation de duopôle du privé et qu’on va revenir nous dire qu’on a besoin impérativement du centre d’enfouissement de Ghjuncaghju. Nous sommes aujourd’hui dans une stratégie qui nous conduit à l’échec », prédit-il, « Au-delà de la manifestation sur le centre de surtri de Monte, et au-delà des querelles politiques, il faut nous nous mettions vite autour de la table. Ma conviction est qu’il faut changer la gouvernance du système. Je pense que le Syvadec dysfonctionne ». Il assure encore que le plan de gestion des déchets voté par l’Assemblée de Corse l’été dernier « donne les clefs » pour avancer, mais que la collectivité ne possède pas à elle seule toutes ces clefs. « L’État ne peut pas se désintéresser de la question et renvoyer la situation d’échec actuelle en disant qu’elle serait la faute de la CdC. Nous prenons notre part de responsabilité, mais que chacun prenne la sienne », siffle-t-il en lançant encore un appel à l’opposition : « Parlons de cela tranquillement, prenons des décisions. Vous savez que nous ne sommes pas sur le bon chemin et que nous n’allons pas y arriver comme cela. Si on veut changer sur cette question, il faut que l’on change beaucoup de choses et il faut que l’État l’entende aussi ».