Corse Net Infos - Pure player corse

Le coup de gueule de Michel Guillaumin à Bastia : "90% de lauzes proviennent de l'étranger"


Andrea Petitjean le Lundi 16 Décembre 2024 à 15:35

Ce lundi 16 décembre 2024 sur la place Saint-Nicolas, Michel Guillaumin, artisan et membre de l'association Promolauze, plaide une fois encore la cause de la lauze, matériau traditionnel corse en voie de disparition. Face à l'importation massive de pierres étrangères, le couvreur historique milite pour revitaliser l'exploitation des carrières locales et préserver le savoir-faire ancestral des tittaghji corsi.



Michel Guillaumin
Michel Guillaumin

Ce lundi 16 décembre 2024, sous une tente installée sur la place Saint-Nicolas, face au marché de Noël, Michel Guillaumin, artisan passionné et membre de l’association Promolauze, se bat pour faire revivre ce matériau traditionnel : la lauze. Ce matériau traditionnel, utilisé depuis des siècles pour la couverture des toits en Corse, est aujourd’hui en voie de disparition. Face à l'épuisement des carrières locales et à l'importation massive de pierres étrangères, Guillaumin se bat pour redonner sa place à a teghja nustrale, à la fois durable et respectueuse de l'environnement, au cœur de l’architecture insulaire.

Qu'est-ce qu'une lauze ?
​ Pierre plate et fine, généralement en schiste, utilisée pour recouvrir les toits, la lauze permet une pose étanche tout en laissant le toit respirer, ce qui est particulièrement adapté aux climats méditerranéens. Traditionnellement, les toitures en lauze sont réalisées selon un procédé très spécifique où chaque pierre, en s’enchevêtrant, assure stabilité et étanchéité du toit. La pose suit la méthode traditionnelle, où c'est la pierre elle-même qui permet d'assurer  l'assemblage. Système de pose reconnu pour sa robustesse et sa longévité, il est aussi apprécié pour l’aspect esthétique qu'il apporte aux constructions anciennes.

En Corse, utilisation et pose de la lauze relèvent d'un savoir-faire ancestral, comme en témoignent tous ces toits omniprésents sur l’île, que l'on trouve notamment dans les villages de montagne, où ces pierres ont longtemps été extraites des carrières locales.
Mais aujourd'hui, cette ressource locale est en danger.

90 % des lauzes viennent de l'étranger
Selon Michel Guillaumin, 90 % des lauzes proviennent de l'étranger. "Cela a des conséquences dramatiques pour l’artisanat local, la qualité des toitures et le respect des traditions. Les raisons de cette disparition sont multiples, mais l'une des principales réside dans l’épuisement des carrières locales et le manque de volonté politique pour en ouvrir de nouvelles ", déplore-t-il ?

En effet, bien que la Corse possède des sites d’extraction potentiels, ceux-ci restent sous-exploités. "C'est vraiment un problème, car nous avons des sites d'extraction locaux. Il n’y a qu’une seule carrière actuellement, mais il serait possible d’en ouvrir trois ou quatre autres ; des études de faisabilité ont déjà été réalisées. Une des carrières envisagées, par exemple, est celle que l’on voulait ouvrir, avec des lauzes de qualité supérieure, comme vous pouvez le voir. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à la faire fonctionner, malgré un dossier que nous avions présenté il y a quelques années, ce n’est pas une situation récente" explique Michel Guillaumin.

Des enjeux économiques et éthiques
Les difficultés d'approvisionnement en lauze corse ont aussi des répercussions sur le prix du matériau et sur l’environnement de travail dans les carrières. "Les lauzes importées proviennent souvent de pays où les conditions de travail sont bien loin des standards européens. Ceux qui importent les lauzes prennent le matériau dans des carrières à l’étranger, où les conditions de travail sont souvent proches de l’esclavage. C’est pourquoi ces lauzes sont parfois moins chères"  rappllle encore Michel Guillaumin.

Pour lui, il semble absurde que l'on doive faire venir même les pierres de l’extérieur, alors même que la Corse est ce qu'il appelle un "rocher au milieu de la mer". Il poursuit : "Ce fonctionnement nuit à la durabilité de l’architecture traditionnelle et prive les artisans locaux d’une ressource précieuse. Ce n'est vraiment pas normal. Cette situation soulève des questions éthiques importantes, tant sur le plan environnemental qu’en ce qui a trait aux enjeux sociaux. Pourquoi un territoire comme la Corse, riche de son paysage et de ses ressources naturelles, devrait-il se tourner vers l’extérieur pour un matériau qu'il possède déjà ?"

La lauze : un matériau écologique et durable
En plus de son caractère traditionnel, la lauze présente de nombreux avantages écologiques. Sa durée de vie, qui peut dépasser plusieurs dizaines d'années, en fait un investissement durable. Le toit en lauze, bien entretenu, est un gage de protection contre les intempéries et la chaleur. La lauze a également l’avantage d’être un produit naturel, extrait directement de la terre sans transformation chimique, contrairement à d’autres matériaux de toiture modernes.

Michel Guillaumin continue de se battre pour que ce matériau retrouve sa place au cœur des toitures corses. Selon lui, l’avenir des toitures corses passe par un retour aux sources, et un soutien fort aux producteurs locaux, pour que la lauze puisse de nouveau faire partie intégrante du paysage insulaire.