Le président du GHR-Corsica, César Filippi (à gauche), avait invité à Porto-Vecchio plusieurs représentants du monde économique insulaire : des taxis, agriculteurs, pêcheurs ou professionnels du bâtiment.
Il perd patience, César Filippi. Des mois qu’il demande une table ronde entre toutes les composantes du tourisme en Corse, qu’elles soient économiques, sociales ou politiques, afin de traiter les sujets brûlants qui mettent à mal l’industrie touristique : « La baisse effective de la fréquentation, amorcée par le Covid, suivie de l’inflation, a porté le coup de grâce après toutes les problématiques récurrentes et restées sans solution que nous subissons depuis des décennies dans l’indifférence générale », a fustigé le dirigeant de l’hôtel-restaurant Le Belvédère.
Les problématiques en question, il les évoque régulièrement par voie de presse : en premier lieu, l’insularité et son corollaire, le transport, qui engendrent un surcoût d’exploitation dans l’île que « l’enveloppe de continuité territoriale est censée compenser, or il n’en est rien ». Et de brandir les conclusions de l’étude Goldwill-Management, réalisée en 2018 suite à une commande de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse, qui estimait entre « 700 millions d’euros et 1,5 milliard d’euros » le surcoût total pénalisant notre économie. Un surcoût qui se répercute, selon César Filippi, sur les tarifs pratiqués durant la saison en Corse, et que d’aucuns pourraient juger prohibitifs : « Il faut amortir les frais, s’en agace l'hôtelier porto-vecchiais. Le point mort (le moment où l’entreprise devient suffisamment rentable pour couvrir ses charges, NDLR), c’est à l’année que ça se calcule. Je paie 42 000 euros par an d’assurance. Ca vous plombe... »
"Pourquoi ne parvient-on pas à attirer des gens de chez nous ?"
Dans son viseur aussi, la parahôtellerie, « ces 600 000 lits qui génèrent un travail au noir incontrôlable », et que César Filippi accuse de « tuer lentement, mais très sûrement, l’industrie touristique professionnelle ». En novembre, la législation française a évolué, le Parlement ayant notamment décidé d’abaisser de 120 à 90 jours le nombre maximal de jours de location touristique pour une résidence principale. Et à Porto-Vecchio, des mesures de régulation sont en train d’être prises localement. Des mesures insuffisantes selon César Filippi, qui estime ne pas être logé à la même enseigne que les loueurs de meublés de tourisme : « Louez, mais mettez-vous à égalité avec nous, que ce soit fiscalement, administrativement ou socialement », les enjoint-il.
Dans la salle du centre culturel de Porto-Vecchio, une centaine de personnes avait répondu présent. Pour la plupart, des professionnels de la restauration ou de l’hôtellerie partageant le point de vue du GHR-Corsica. « Le transport pour venir en Corse, c’est beaucoup trop cher », pointe l’un d’entre eux. Un autre, gérant d’une paillote, s’étonne : « Sur 140 employés que j’ai eu en 25 ans, il n’y a eu que trois Corses. Comment se fait-il qu’on ne parvienne pas à employer des gens de chez nous ? » César Filippi lui a répondu : « Je comprends les parents qui n’envoient pas leurs enfants dans le tourisme. Pourquoi ? Parce que dans le meilleur des cas, c’est pour un CDD de quatre mois. Voilà pourquoi je milite pour un CDI des quatre saisons. Si on allait vers un tourisme à l’année, vous verriez les vocations ! »
L'école d'hôtellerie ? "On attend de voir"
Parmi les autres griefs, César Filippi juge coresponsables du marasme actuel les banques, « trop frileuses » pour accompagner les TPE, la Collectivité de Corse qui « délaisse » le Padduc, « un bon outil pourtant », ou bien le manque d’offre en formations touristiques qui contraint la Corse à « importer 90 % de ses collaborateurs ». Sur ce dernier point, César Filippi a pris acte de l’annonce par la Collectivité de Corse d’ouvrir à Ajaccio, en septembre, une école d’hôtellerie. Il ne parvient néanmoins pas à s’en réjouir : « On ne critique pas, on attend de voir. Mais l’école d’hôtellerie qu’on aurait souhaitée, c’était pas ça du tout. Nous, on voulait une école publique-privée de 350 places, ouverte sur l’international. Car du jour au lendemain, on n’aura malheureusement pas 350 candidats en Corse. Mais bon, on jugera sur pièces. »
Agriculteurs et professionnels du bâtiment en soutien
Durant la réunion qui aura duré plus de trois heures, des représentants d’autres secteurs d’activité ont pris la parole, tels que Joseph Colombani, président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse ou Pierre Agostini, membre du bureau de la fédération du BTP de Corse-du-Sud. Ils ont été invités par le GHR-Corsica à faire cause commune, dans la convergence des intérêts. « L’objectif, c’est bien le même : créer des emplois chez nous, in Corsica », a souligné Joseph Colombani, après avoir évoqué « la déliquescence » de l’activité agricole insulaire. « Tourisme et agriculture, on est un binôme inséparable, harangue César Filippi. On doit marcher la main dans la main en Corse. »
Quant au BTP, le secteur aimerait bien construire autre chose que des résidences secondaires, admet Pierre Agostini. D’ailleurs il n’en construit plus actuellement : « Il n’y pas plus de permis de construire. » Or, le représentant de la fédération de Corse-du-Sud souhaiterait plus de commandes publiques : « Le BTP, c’est un outil qui sert à bâtir des réseaux hydrauliques, d’énergie, des infrastructures routières, des ports, des aéroports… Mais si on n’a pas de programmes… On a besoin d’une prise de conscience du monde politique. » « A Porto-Vecchio, on a essayé de booster la commande publique avec le chantier d’extension du port », a plaidé en retour la conseillère porto-vecchiaise déléguée au tourisme, Santina Ferracci.
Le GHR se dit sans nouvelles de l'Etat
En tentant de fédérer tous ces acteurs de la vie économique en Corse, César Filippi espère enfin se faire entendre de l’État, qu’il sollicite depuis deux ans. En vain : « Pour la dernière fois, nous demandons la mise en place immédiate d’une cellule de crise en Corse, avec tous les services de l’État, de la Collectivité de Corse, des composantes économiques et sociales et des représentants syndicaux de l’ensemble des secteurs d’activité concernés. » Car sa patience a des limites : « La détermination des acteurs du secteur du tourisme pourra aller jusqu’à la désobéissance civile en matière économique, prévient-il. Nous ne souhaitons pas en arriver là, bien évidemment. Mais s’il le faut, nous n’hésiterons pas à opter pour le même statut que tous ceux qui, en toute impunité, s’affranchissent des règles sociales, fiscales et administratives. »
Les problématiques en question, il les évoque régulièrement par voie de presse : en premier lieu, l’insularité et son corollaire, le transport, qui engendrent un surcoût d’exploitation dans l’île que « l’enveloppe de continuité territoriale est censée compenser, or il n’en est rien ». Et de brandir les conclusions de l’étude Goldwill-Management, réalisée en 2018 suite à une commande de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse, qui estimait entre « 700 millions d’euros et 1,5 milliard d’euros » le surcoût total pénalisant notre économie. Un surcoût qui se répercute, selon César Filippi, sur les tarifs pratiqués durant la saison en Corse, et que d’aucuns pourraient juger prohibitifs : « Il faut amortir les frais, s’en agace l'hôtelier porto-vecchiais. Le point mort (le moment où l’entreprise devient suffisamment rentable pour couvrir ses charges, NDLR), c’est à l’année que ça se calcule. Je paie 42 000 euros par an d’assurance. Ca vous plombe... »
"Pourquoi ne parvient-on pas à attirer des gens de chez nous ?"
Dans son viseur aussi, la parahôtellerie, « ces 600 000 lits qui génèrent un travail au noir incontrôlable », et que César Filippi accuse de « tuer lentement, mais très sûrement, l’industrie touristique professionnelle ». En novembre, la législation française a évolué, le Parlement ayant notamment décidé d’abaisser de 120 à 90 jours le nombre maximal de jours de location touristique pour une résidence principale. Et à Porto-Vecchio, des mesures de régulation sont en train d’être prises localement. Des mesures insuffisantes selon César Filippi, qui estime ne pas être logé à la même enseigne que les loueurs de meublés de tourisme : « Louez, mais mettez-vous à égalité avec nous, que ce soit fiscalement, administrativement ou socialement », les enjoint-il.
Dans la salle du centre culturel de Porto-Vecchio, une centaine de personnes avait répondu présent. Pour la plupart, des professionnels de la restauration ou de l’hôtellerie partageant le point de vue du GHR-Corsica. « Le transport pour venir en Corse, c’est beaucoup trop cher », pointe l’un d’entre eux. Un autre, gérant d’une paillote, s’étonne : « Sur 140 employés que j’ai eu en 25 ans, il n’y a eu que trois Corses. Comment se fait-il qu’on ne parvienne pas à employer des gens de chez nous ? » César Filippi lui a répondu : « Je comprends les parents qui n’envoient pas leurs enfants dans le tourisme. Pourquoi ? Parce que dans le meilleur des cas, c’est pour un CDD de quatre mois. Voilà pourquoi je milite pour un CDI des quatre saisons. Si on allait vers un tourisme à l’année, vous verriez les vocations ! »
L'école d'hôtellerie ? "On attend de voir"
Parmi les autres griefs, César Filippi juge coresponsables du marasme actuel les banques, « trop frileuses » pour accompagner les TPE, la Collectivité de Corse qui « délaisse » le Padduc, « un bon outil pourtant », ou bien le manque d’offre en formations touristiques qui contraint la Corse à « importer 90 % de ses collaborateurs ». Sur ce dernier point, César Filippi a pris acte de l’annonce par la Collectivité de Corse d’ouvrir à Ajaccio, en septembre, une école d’hôtellerie. Il ne parvient néanmoins pas à s’en réjouir : « On ne critique pas, on attend de voir. Mais l’école d’hôtellerie qu’on aurait souhaitée, c’était pas ça du tout. Nous, on voulait une école publique-privée de 350 places, ouverte sur l’international. Car du jour au lendemain, on n’aura malheureusement pas 350 candidats en Corse. Mais bon, on jugera sur pièces. »
Agriculteurs et professionnels du bâtiment en soutien
Durant la réunion qui aura duré plus de trois heures, des représentants d’autres secteurs d’activité ont pris la parole, tels que Joseph Colombani, président de la chambre d’agriculture de Haute-Corse ou Pierre Agostini, membre du bureau de la fédération du BTP de Corse-du-Sud. Ils ont été invités par le GHR-Corsica à faire cause commune, dans la convergence des intérêts. « L’objectif, c’est bien le même : créer des emplois chez nous, in Corsica », a souligné Joseph Colombani, après avoir évoqué « la déliquescence » de l’activité agricole insulaire. « Tourisme et agriculture, on est un binôme inséparable, harangue César Filippi. On doit marcher la main dans la main en Corse. »
Quant au BTP, le secteur aimerait bien construire autre chose que des résidences secondaires, admet Pierre Agostini. D’ailleurs il n’en construit plus actuellement : « Il n’y pas plus de permis de construire. » Or, le représentant de la fédération de Corse-du-Sud souhaiterait plus de commandes publiques : « Le BTP, c’est un outil qui sert à bâtir des réseaux hydrauliques, d’énergie, des infrastructures routières, des ports, des aéroports… Mais si on n’a pas de programmes… On a besoin d’une prise de conscience du monde politique. » « A Porto-Vecchio, on a essayé de booster la commande publique avec le chantier d’extension du port », a plaidé en retour la conseillère porto-vecchiaise déléguée au tourisme, Santina Ferracci.
Le GHR se dit sans nouvelles de l'Etat
En tentant de fédérer tous ces acteurs de la vie économique en Corse, César Filippi espère enfin se faire entendre de l’État, qu’il sollicite depuis deux ans. En vain : « Pour la dernière fois, nous demandons la mise en place immédiate d’une cellule de crise en Corse, avec tous les services de l’État, de la Collectivité de Corse, des composantes économiques et sociales et des représentants syndicaux de l’ensemble des secteurs d’activité concernés. » Car sa patience a des limites : « La détermination des acteurs du secteur du tourisme pourra aller jusqu’à la désobéissance civile en matière économique, prévient-il. Nous ne souhaitons pas en arriver là, bien évidemment. Mais s’il le faut, nous n’hésiterons pas à opter pour le même statut que tous ceux qui, en toute impunité, s’affranchissent des règles sociales, fiscales et administratives. »