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Législatives. Comment les candidats imaginent-ils poursuivre le processus d’autonomie de la Corse ?


Francesca-Orsula Angelini le Vendredi 28 Juin 2024 à 13:17

Après deux ans de travaux entre Beauvau et la Corse, le processus d’autonomie de la Corse a été mis en suspens depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier. La composition du futur hémicycle pourrait en effet bien décider de l’avenir de l’évolution institutionnelle de l’île. Dans cette expectative, à quelques heures de la fin de la campagne des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, tour d’horizon des positions des différents candidats sur l’autonomie de la Corse.



En septembre dernier, devant l'Assemblée de Corse, Emmanuel Macron s'était prononcé en faveur d'une "autonomie à la Corse" (Photo : AFP/ Pascal Pochard-Casabianca)
En septembre dernier, devant l'Assemblée de Corse, Emmanuel Macron s'était prononcé en faveur d'une "autonomie à la Corse" (Photo : AFP/ Pascal Pochard-Casabianca)
Dans le camp nationaliste, Femu a Corsica, le Partitu di a Nazione Corsa (PNC), et Core in Fronte souhaitent bien entendu continuer le travail amorcé pour entériner le processus de Beauvau. Cependant, l'inquiétude demeure quant à son avenir. Une victoire du Rassemblement National, qui s’est toujours montré contre l’autonomie de la Corse pourrait en effet enterrer définitivement la perspective d’une évolution institutionnelle pour l’île. 
 
La totale opposition à l’autonomie du Rassemblement National se fait d’ailleurs sentir au travers les discours de ses candidats insulaires - Jean-Michel Marchal (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), Sylvie Jouart (candidat dans la 2e circonscription de Haute-Corse), François Filoni (candidat dans la 2e circonscription de Corse-du-Sud), Ariane Quarena-Natali (candidate dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud) –.  « La France est une et indivisible », affirme notamment Sylvie Jouart. La crainte pour le parti à la flamme est que de l'autonomie puisse découler l’indépendance, ce qui est une notion inconcevable pour le parti de Marine Le Pen. À la place, le principe d'une étroite coopération entre la Corse et Paris est privilégiée.
 
De son côté, Paul-André Colombani, le député sortant de la 2e circonscription de Corse-du-Sud et candidat du PNC, avertit que si le processus est stoppé, cela « créerait de nombreuses tensions en Corse ». « Le processus de Beauvau n'était pas loin de régler un certain nombre de problèmes. Donc, j'espère qu'on trouvera les chemins de le raccrocher », souligne-t-il. Michel Castellani, député sortant de la 1ère circonscription de Haute-Corse et candidat Femu a Corsica, enfonce le clou : « Les députés de la Corse devront avoir le sens des responsabilités et savoir se battre pour l’autonomie. Ce n’est pas une baguette magique. Ce n’est pas parce qu’on aura l’autonomie, que demain matin, tout ira bien. Mais l’autonomie, c’est de pouvoir donner les moyens à la Corse d’améliorer les choses en matière économique, sociale, culturelle… Ce ne sera pas facile, mais on en a besoin ». Une position partagée par son collègue Jean-Félix Acquaviva, député sortant de la 2e circonscription de Haute-Corse : « La question de l’autonomie est importante du point de vue du règlement d’un problème historique et politique qui se pose depuis des décennies, une quête de reconnaissance d’une identité, d’une langue, d’une culture et d’un peuple qui doit avoir la capacité de vie sur sa terre, mais c’est aussi de manière complémentaire et conjointe le moyen de résoudre les problèmes qui ne peuvent pas être résolus par la loi générale. Aujourd’hui 80 % de la loi générale n’est pas adaptée à la Corse ». 
 
Allié précieux du processus de Beauvau, le député sortant de la 1ère circonscription de Corse-du-Sud, Laurent Marcangeli, souhaite pérenniser les dialogues entre l'État et les élus corses. « C'est le combat de ma vie de faire en sorte que la Corse puisse avoir un dialogue politique qui soit serein et d'aller chercher des résultats. Il faudra convaincre le Gouvernement de s'intéresser à l'île parce qu'elle mérite qu'on l'écoute et qu'on l'entende », pointe avec force l'ancien maire d'Ajaccio en soulignant que « rien ne serait pire que le dialogue soit rompu ».
 
Romain Colonna, candidat Femu a Corsica dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud, appuie : « Quel que soit le gouvernement, qui demain présidera, aux destinées de la France, la question de la Corse devra être négociée, elle devra être inscrite à l'agenda, parce qu'il en va de la survie du peuple corse. Il en va également de la survie de la démocratie de la Corse ».

Le parti indépendantiste Core in Fronte et ses quatre candidats -  Jean-Baptiste Lucciardi (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), Antoine Carli (candidat dans la 2e circonscription de Haute-Corse), Emmanuelle Carli-Dominici (candidate dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud), Jean-Baptiste Cucchi (candidat dans la 2e circonscription de Corse-du-Sud) - souhaitent également appuyer avec force ce principe d'autonomie, afin d'arriver à une finalité bien définie : « l'indépendance populaire de la Corse est notre projection », martèlent-ils, tandis que Jean-Baptiste Lucciardi rappelle : « La question de l’évolution institutionnelle vers l’autonomie est une demande démocratique de la Corse validée à plus de 70% à l’Assemblée de Corse et que par conséquent, nous mettrons toutes nos forces dans la bataille pour aller vers une véritable solution politique globale pour la Corse ». 
 
Le Nouveau Front Populaire et ses quatre candidats - Hélène Sanchez (candidate dans la 2e circonscription de Haute-Corse), Sacha Bastelica (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), Marc-Antoine Leroy (candidat dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud), Jean Baptiste Luccioni (candidat dans la 2e circonscription de Corse-du-Sud) – ont des positions contrastées. Au sein de cette coalition des partis de gauche, Sacha Bastelica se montre plutôt en faveur du processus d’autonomie et estime que son groupe pourrait être la meilleure alternative pour encourager les négociations, si demain il avait la majorité. « Nous attendons cependant des garanties économiques et sociales », ajoute-t-il toutefois.  Mais Marc-Antoine Leroy considère pour sa part que l'évolution institutionnelle de l'île n'est pas « une priorité dans cette campagne ». 

Du côté de la 2e circonscription de Corse-du-Sud Valérie Bozzi reconnaît que « la Corse a un réel intérêt à être inscrite dans la Constitution ». Pour la maire de Grosseto-Prugna, les textes de loi ne sont en effet pas appropriés à l'insularité. À l'image du transfert des compétences de l'eau, par exemple, aux communautés de communes et la loi SRU qui selon elle « n'est pas adapté sur nos communes de plus de 3500 habitants ». Actrice du processus de Beauvau, elle souhaite réitérer les discussions sur les intérêts insulaires et les « défendre avec toute la puissance d'une députée ». 

François-Xavier Ceccoli, issu de la droite, mais candidat sans étiquette de la 2e circonscription de Haute-Corse, encourage lui aussi l'autonomie, « mais pas suivant la forme qui lui a été donnée ». Pour le maire de San Giulianu, « donne uniquement la parole au président de l’Exécutif a été une erreur ». « Dans chaque processus institutionnel, il y a un volet financier très important, un rattrapage historique comme le PEI (ndlr : Plan Exceptionnel d'Investissement) de Jospin, en 2002. Moi ce qui m’intéresse ce sont les moyens financiers exceptionnels pour que la Corse rattrape son retard exceptionnel, car je suis très inquiet », ajoute-t-il.

Julien Morganti (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), déplore lui aussi « un échec de ce début de législature, en grande partie due à une relation enfermée entre Emmanuel Macron et Gilles Simeoni ». « Je veux être un député qui remet la question de l'autonomie au cœur des préoccupations quotidiennes des Corses. Nous proposons un pouvoir d'adaptation sans transfert de pouvoir législatif, qui serait validé par référendum. Nous voulons que les Corses aient le dernier mot », indique-t-il
 
Le candidat du Parti Radical, Jean-François Paoli (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), regrette l'arrêt des discussions du processus de Beauvau : « Je pense que nous étions bien partis. Ce processus était destiné à lister les grandes questions qui concernaient la Corse. Il est clair que l'ile est un territoire méditerranéen qui répond à des problématiques particulières. Je crois vraiment qu'il faut que la situation évolue ». 


Le mouvement identitaire Mossa Palatina et ses trois prétendants à l'Assemblée nationale - Nicolas Battini (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse), Lisandru Luciani (candidat dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud), Michel Chiocca (candidat dans la 2e circonscription de Corse-du-Sud) – se disent de leur côté « déçus des négociations sur l’autonomie », mais souhaitent que le peuple corse soit reconnu et pointent les liens qu’ils ont développé avec Reconquête !, Marion Maréchal ou encore certains acteurs du Rassemblement National. « C'est précisément par ces liens établis sur la convergence civilisationnelle et sur les grandes questions migratoires que nous souhaitons miser sur notre capacité à convaincre dans les années qui viennent. Nous ne désespérons pas, à terme, de convaincre les droites dans toutes leurs diversités écologiques, de la nécessité pour la Corse d'avoir son autonomie, et de voir son peuple reconnu », indique Nicolas Battini. 

Seul candidat de Reconquête! en Corse, Jean-Michel Lamberti (1ère circonscription de Haute-Corse) croit d’ailleurs « au potentiel de l'autonomie ». Pour lui, la Corse fait certes partie intégrante de la France, mais elle doit garder sa particularité : « Éric Zemmour et moi-même, reconnaissons l'importance de préserver les identités régionales »,affirme-t-il. Alexis Fernandez (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse) revendique pour sa part sa volonté d'organiser un référendum adressé aux Corses, afin de voter sur l'avenir institutionnel de l'ile. Souverainiste et conservateur, le jeune Bastiais reste ouvert à ce principe, mais redoute une autonomie « à la Polynésienne »

La Baronne Maire-Louise Mariani (candidate sans étiquette de la  2e circonscription de Haute-Corse), veut continuer à défendre le principe d'autonomie. Tout cela en élaborant des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens et des élus.
 
Enfin, les trois candidats du parti Lutte Ouvrière - Didier Quilichini (candidat dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud) ; Olivier Josué (candidat dans la 1ère circonscription de Haute-Corse) ; Viviane Rongione (candidate dans la 2e circonscription de Haute-Corse) - privilégient la parole du peuple sur l'avenir de la Corse, sans montrer de parti pris : « Ceux qui ne sont pas autonomes, aujourd’hui, ce sont les travailleurs avec des salaires et des retraites minables qui ne permettent pas de vivre décemment. Cette autonomie-là, il faut que le monde du travail la conquière par la lutte et il en a largement les moyens. Le pouvoir des travailleurs c’est la véritable autonomie. Voter pour les candidats de Lutte Ouvrière, c’est affirmer cette nécessité », glisse Didier Quilicchini.