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Législatives. La Corse résistera-t-elle à la vague RN ?


le Vendredi 5 Juillet 2024 à 21:52

Dimanche dernier, à l'occasion du premier tour des élections législatives, une déferlante inattendue a frappé la Corse. Un vote massif des électeurs insulaires en faveur du RN, certainement lié à de multiples facteurs. Mais le parti à la flamme a-t-il atteint son plafond de verre ou peut-il encore faire plus lors du 2ème tour de ce scrutin ?



(Photo d'illustration Paule Santoni)
(Photo d'illustration Paule Santoni)
Un tsunami. Dimanche dernier, 46 127 électeurs ont accordé leur voix au Rassemblement National (RN), lors du premier tour des élections législatives en Corse. Si le parti à la flamme a fait la course en tête des derniers scrutins présidentiel et européen, c’est la première fois qu’il enregistre de tels scores aux législatives dans l’île. Au point que plébiscités dans les quatre circonscriptions, ses candidats sont tous parvenus à se sélectionner pour le deuxième tour – bien que, prise dans le cadre d’une triangulaire, la candidate de la 2èmecirconscription de Haute-Corse, Sylvie Jouart, se soit depuis désistée -.  Des scores inédits qui trouvent en partie leur explication dans un taux de participation plus atteint depuis plusieurs décennies. Le signe d’une adhésion de la société corse aux idéaux du parti de Marine Le Pen ? Pour Ariane Quarena, candidate du RN dans la 1ère circonscription de Corse-du-Sud, c’est en tous cas « le cri du cœur d’un peuple qui ne veut pas mourir ». « Je pense que les gens ne veulent plus de cette immigration sauvage et savent que c’est le RN qui va leur permettre de rester eux-mêmes », commente-t-elle. 
 
François Filoni, le délégué régional du parti à la flamme et candidat dans la 2nde circonscription de Corse-du-Sud considère pour sa part que ces résultats sont le fruit d’un travail entrepris sur le terrain. « Cela fait trois ans que j’arpente cette circonscription alors qu’il n’y a plus aucun élu sur le terrain. En supprimant les conseils généraux on a aussi supprimé la proximité », souffle-t-il. « Le RN n’a pas su convaincre les Corses », analyse à l’inverse Paul-André Colombani. Pour le député sortant de la 2ème circonscription de Corse-du-Sud, qui accuse près de 3000 voix de retard sur le délégué du RN, le score du parti est avant tout lié « à une marée noire qui a inondé l’Europe ». « Le contexte des européennes toutes proches ne nous a pas favorisé », souligne-t-il en ajoutant : « Cette dissolution brutale ne nous a pas permis de faire campagne correctement. Et on a polarisé le débat autour d’un choix entre Jordan Bardella ou Jean-Luc Mélanchon. C’est uniquement sur ce thème là que les gens ont voté ». 
 
« Prendre acte de ce que désirent les électeurs »
 
La déferlante RN a aussi ébranlé la 1ère circonscription de Haute-Corse où le député sortant, Michel Castellani, conserve malgré tout une belle avance. « Je suis un démocrate. Je considère qu’il faut toujours prendre acte de ce que désirent les électeurs. Il y a un vote important du RN partout. Malgré tout le boulot que j’ai pu fournir depuis 7 ans, je vois qu’un candidat inconnu me talonne, cela veut dire qu’il y a une détresse sociale. Nous avons beaucoup poussé à Paris pour que le Gouvernement adopte une politique plus solidaire. Il ne nous a jamais suivi et recueille les fruits amers de la politique qu’il a semé », constate-t-il. Du côté du RN, Tony Cardi, suppléant de son challenger (Jean-Michel Marchal), estime pour sa part : « Après le raz-de-marée du 9 juin, nous avons assisté à un tsunami d’espérance le 30. La population française souffre énormément et nous avons eu cet appel de tous ces gens qui ne votaient plus depuis 25 ans qui ont compris qu’ils avaient besoin de nous et se sont manifestés ».
 
« Les électeurs ont manifesté une colère, une contestation parce qu’il y a une fracture sociale, de la misère, de la précarité, parce qu’ils pensent que rien ne va et que ça n'avance pas assez vite, notamment au niveau national », commente de son côté Jean-Félix Acquaviva le député sortant et candidat de Femu a Corsica dans la 2ème circonscription de Haute-Corse en renchérissant : « Je crois qu'il y a un bon populisme de discours au niveau communication de Jordan Bardella qui s'est développé. Il y a surtout aussi des thèmes qui font peur et sur lesquels il faut apporter des solutions sur la question de la sécurité, sur l'immigration. On ne peut pas dire que la Corse soit la Seine-Saint-Denis aujourd'hui en termes d'insécurité. Par contre, il y a une peur que ça se développe ici et il faut être à la fois clair, objectif, mais en même temps donner des réponses ». « Aujourd’hui le peuple reproche sans doute aux autres familles politiques de ne pas l’avoir assez écouté sur certaines questions comme le pouvoir d’achat, la sécurité ou l’immigration. On ne peut plus faire l’économie de répondre à ces problématiques », abonde François-Xavier Ceccoli, candidat sans étiquette dans la 2ème circonscription de Haute-Corse et maire de San Giuliano, tout en relevant : « Le RN a l’écoute des électeurs sur ces sujets. Mais il a une faculté que n’ont pas les autres partis politiques, c’est qu’il n’a jamais été confronté à l’exercice du pouvoir ». 
 
Si les deux candidats de cette circonscription n’auront finalement pas à faire face à un candidat du parti de Marine Le Pen, dans les trois autres circonscriptions où le RN est toujours en course, difficile de savoir en cette fin de campagne s’il a atteint son plafond de verre ou s'il peut encore progresser sur l'île. Depuis le début de la semaine, les appels à faire barrage à Ariane Quarena (1ère circonscription de Corse-du-Sud), François Filoni (2ème circonscription de Corse-du-Sud) et Jean-Michel Marchal (1ère circonscription de Haute-Corse) se multiplient de toutes parts. De plus, le report de voix de la grande majorité des candidats qui n’ont pas franchi le premier tour et qui ont appelé à ne pas laisser passer le parti à la flamme, devraient en théorie permettre à Laurent Marcangeli, Paul-André Colombani et Michel Castellani de l’emporter. Quant au RN, il semble que sa réserve de voix soit bien plus réduite. Mais arithmétique et politique ne vont pas toujours de pairs. Et l’abstention pourrait-elle aussi jouer un rôle majeur.