Corse Net Infos - Pure player corse

Les orgues de Cervioni, Luri et Corte jouent Guillaume de Machaut


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Vendredi 13 Octobre 2023 à 08:02

Vendredi 13 octobre, l’ensemble Motetus, sous la direction de Jean-Etienne Langianni, interprètera, à la cathédrale Saint-Erasme de Cervioni, la messe de Notre Dame, composée par Guillaume de Machaut, ainsi que diverses pièces d’orgue. L’occasion pour les mélomanes de découvrir ou redécouvrir un univers musical envoutant, qui nous vient d’un passé quelque peu oublié…



Crédit photo site internet Orgues en France et dans le monde.
Crédit photo site internet Orgues en France et dans le monde.
Un ensemble suisse dirigé par un Corse, voilà quelque chose de peu commun. Mais quand de surcroît, ils se retrouvent en Corse pour interpréter une œuvre du XIVe siècle, c’est un événement pour le moins exceptionnel. Chanteur autodidacte, compositeur également d’œuvres polyphoniques, Jean-Etienne Langianni est un véritable ambassadeur du chant traditionnel corse qu’il enseigne non seulement en Corse, mais aussi en France, en Espagne ou au Canada. Il se produit régulièrement dans des festivals, tout autour du monde. Membre du groupe Tavagna depuis 1981, mais également de l’ensemble Organum, il a fondé à Borgo en 2007 l’ensemble Seraphica, « qui s’intéresse à la prise en compte de la mémoire collective et aux phénomènes de transmissions orales ». La musique traditionnelle corse, la recherche artistique, la création… mais également les chansons de Brassens qu’il accompagne à la guitare : Jean- Etienne Langianni va manifestement là où le porte sa passion.

« Un véritable bijou de l’Ars Nova… »
C’est vers lui que s’est tourné l’Ocutor Motetus, un ensemble suisse, pour diriger le programme proposé le 13 octobre à Cervioni : un spectacle qui sera également interprété le 14 octobre à Luri et le 15 octobre à Corti. « La Messe de Notre Dame, composée au XIVe siècle par Guillaume de Machaut, est un véritable bijou de l’Ars Nova, expliquent les organisateurs. Il s’agit de la messe polyphonie complète la plus ancienne composée par un musicien identifié. Avec ses quatre voix, elle participe aux débuts de l’introduction d’une dimension artistique dans la composition sacrée. »

La chevalerie et l’aventure…
Les informations dont on dispose sur la vie de Guillaume de Machaut sont relativement lacunaires. Ainsi, on ignore la date exacte de sa naissance : était-ce en 1300 ? 1301 ? ou peut- être 1302 ? Mais ce roturier originaire du diocèse de Reims pourrait bien à lui tout seul incarner l’homme emblématique du Moyen-Âge, à deux doigts des chevaliers de la Table ronde : ayant embrassé les ordres mineurs dès sa jeunesse, ce personnage est un amoureux de la fauconnerie, de la chevalerie… et de l’aventure ! Secrétaire du duc Jean 1 er de Bohème, il le suit à travers l’Europe, au fil des chevauchés et des batailles… jusqu’à celle qui coûtera la vie à son protecteur, en 1346. Au service de différents princes, c’est alors un poète de cour qui évoluera à la frontière des monde profane et sacré… avant de devenir chanoine du chapitre de la cathédrale de Reims. Dans le domaine musical, c’est l’un des créateurs – et sans doute le plus important et le plus prolifique – de cet art nouveau, “l’Ars nova” qui se développe au XIVe siècle. Une vraie révolution… Quant à la messe de Notre Dame à proprement parler, les circonstances de sa composition ont fait couler beaucoup d’encre depuis des siècles. La réalité est sans doute plus simple. Elle a été composée entre 1360 et 1365, alors que Guillaume de Machaut, déjà âgé, devait songer à sa fin prochaine. Dans cette optique, avec son frère Jean également chanoine de la cathédrale, il avait fondé une messe votive à la Vierge, qui devait être célébrée chaque samedi en leur mémoire. Peut-être cette messe de Notre-Dame a-t-elle été écrite dans ce contexte…

Des orgues magnifiques 
Jean-Etienne Langianni « et avec lui, les chanteuses et chanteurs (issus de Suisse et d’Angleterre) ont cherché à exploiter l’espace de liberté laissé par une partition relativement sommaire pour apporter la richesse et la vibration de l’ornementation perpétrée par le chant corse », expliquent les organisateurs. Des mois de travail qui seront complétés par une semaine en résidence à Cervioni, avant les concerts prévus en Corse dans trois églises qui n’ont pas été choisies par hasard : c’est la qualité de leurs instruments, de « magnifiques orgues historiques » qui les a fait retenir. L’orgue sera tenu par Gabriel Wolfer, « organiste suisse expérimenté dans la pratique des instruments anciens ». Il « jouera, entre les parties chantées de la messe, des pièces tirées du répertoire, qui non seulement expriment la méditation ou à la contemplation, mais surtout mettent en valeur la riche palette de ces instruments corses ».

Un très beau spectacle en perspective.

En pratique, où et quand :
Vendredi 13 octobre, à 17 heures : Cervioni, Cathédrale Sant’Eramu.
Samedi 14 octobre, à 18 heures : Luri, Eglise San Petru.
Dimanche 15 octobre, à 17 heures: Corti, Eglise de l’Annunziata.