- Que ressentez-vous devant ce prix décerné par l’Assemblée de Corse ?
- Ce prix m’a procuré une belle émotion d’autant qu’il m’a été décerné pratiquement le jour de mon anniversaire. Quel plus beau cadeau pouvait m’être fait par un jury de l’Assemblée de Corse, cette assemblée à laquelle j’ai appartenu à l’époque héroïque de la première mandature ! J’ai retrouvé, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix, des visages familiers et, aussi, des amis. Je suis très reconnaissant parce qu’en général, on n’est pas prophète en son pays et d’être reconnu par les siens fait chaud au cœur.
- Croyiez-vous votre livre pas assez accessible pour être primé ?
- Je croyais mon livre difficile. Je suis content qu’il y ait eu des lecteurs qui ont surmonté ses difficultés. La belle analyse, qu’en a faite la Présidente du jury, Marie-Hélène Ferrandini, m’a révélé de mon livre ce que je n’avais pas vu, moi-même. Je suis heureux de ce prix, surtout dans ce contexte de violence.
- Pourquoi ?
- Mon livre contient une violence verbale, qui est dépassée par la création littéraire. Toute ma vie, je me suis battu pour la culture parce que, même chez les Grecs, elle est une manière de purifier les pulsions. Par delà les règlements de compte que constituent souvent les œuvres littéraires, il y a, dans ce livre, une réconciliation de la Corse avec elle-même. J’ai voulu un livre d’amour pour mon île, pour mes villages, pour ma ville et pour la Corse de demain.
- Quel rôle peut jouer la culture dans ce climat de violence ?
- Un rôle très important. Les auteurs grecs, Sophocle et surtout Eschyle, en présentant la violence de manière spectaculaire à travers des tragédies et des fictions, se guérissaient de leur propre violence. La violence de la cité était, en quelque sorte, purifiée par la représentation, on nommait cela la catharsis. Une œuvre littéraire constitue souvent une catharsis, une purification des pulsions. Si on remarque bien, dans mon livre, il y a souvent de l’oppression, même par une langue, l’oppression d’une langue sur une autre. La conquête d’une nouvelle langue se fait à partir aussi bien du français, du toscan que du corse. J’essaye de m’exprimer sur un registre linguistique varié.
- La littérature serait-elle un moyen d’exorciser la violence ?
- C’est une façon de résoudre le problème de la violence dans l’histoire. La littérature, à mon avis, est essentielle dans une perspective même politique. Dans la cité, il est primordial qu’existe une littérature qui exprime les difficultés et les pulsions, même de mort. Celles-ci sont dépassées, grâce à la création et à la fiction. Cette perspective politico-culturelle a toujours été la mienne.
- Quels regards jetez-vous sur la société corse actuelle ?
- Je ne suis ni pessimiste, ni défaitiste pour la Corse. L’histoire de l’humanité n’est pas un chemin de chansons et de fleurs, c’est une histoire tragique comme l’histoire des Corses. Mais qu’il s’agisse d’une crise économique ou d’une crise morale, on rebondit toujours, à partir de la crise, vers un avenir et des perspectives optimistes. La Corse connait des problèmes extrêmement graves, mais la destinée d’un pays et d’un peuple se forge dans la souffrance. Ces problèmes, à mon avis, préfigurent, au contraire, un avenir avec des perspectives d’amélioration et de transformation.
- Vous avez fait partie des premiers élus territoriaux. Que vous inspire le travail de l’assemblée de Corse, aujourd’hui ?
- La première Assemblée de Corse était une assemblée intéressante parce qu’elle donnait un souffle. C’était la première fois que, dans une assemblée régionale, pouvait s’exprimer, d’une façon parfois polyphonique et diversifiée, le peuple corse. Je crois beaucoup en cette prise de conscience des problèmes par l’Assemblée de Corse. Il ne lui appartient pas de résoudre tous les problèmes, l’Etat doit assumer sa grande part dans leur résolution, mais elle peut, à mon avis, jouer un rôle essentiel dans la pacification des esprits et dans la construction en commun d’un avenir meilleur.
- Que pensez-vous du combat pour la langue corse et du projet de statut de coofficialité ?
- Le problème de la langue est un problème très difficile surtout dans le contexte corso-français qui exclut la reconnaissance à part égales des deux langues et refuse la coofficialité. Mais je pense que, par la création littéraire, les écrivains corses, de langue corse, qui écrivent en corse, contribuent largement à la solution de ce problème. C’est par la culture que s’affirmera la personnalité corse et que s’imposera progressivement la langue. La littérature corse existe de plus en plus, il y a de plus en plus de romans, de pièces de théâtre et de poésies en langue corse. S’il n’y a pas d’expression en langue corse, la langue mourra parce qu’elle n’est plus la langue du pain. Il faudrait qu’elle le redevienne d’une certaine manière.
- Les Corses ont-ils, selon vous, les moyens de gagner ce combat de la langue ?
- Comme dit le proverbe corse : « S'acconcianu e somu pè viaghju », qui signifie : « C’est en chemin qu’on arrange le faix, le poids que nous portons ». Il y a, dans ce peuple, dans ce pays, assez de ressources, d’intelligence et de foi en lui-même, pour arriver, un jour, à résoudre ce problème. Donc, il faut sur ce chemin difficile, ne jamais perdre la foi. Il faut de plus en plus écrire et parler dans notre langue. Le combat n’est pas terminé ! Il ne fait même que commencer.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Ce prix m’a procuré une belle émotion d’autant qu’il m’a été décerné pratiquement le jour de mon anniversaire. Quel plus beau cadeau pouvait m’être fait par un jury de l’Assemblée de Corse, cette assemblée à laquelle j’ai appartenu à l’époque héroïque de la première mandature ! J’ai retrouvé, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix, des visages familiers et, aussi, des amis. Je suis très reconnaissant parce qu’en général, on n’est pas prophète en son pays et d’être reconnu par les siens fait chaud au cœur.
- Croyiez-vous votre livre pas assez accessible pour être primé ?
- Je croyais mon livre difficile. Je suis content qu’il y ait eu des lecteurs qui ont surmonté ses difficultés. La belle analyse, qu’en a faite la Présidente du jury, Marie-Hélène Ferrandini, m’a révélé de mon livre ce que je n’avais pas vu, moi-même. Je suis heureux de ce prix, surtout dans ce contexte de violence.
- Pourquoi ?
- Mon livre contient une violence verbale, qui est dépassée par la création littéraire. Toute ma vie, je me suis battu pour la culture parce que, même chez les Grecs, elle est une manière de purifier les pulsions. Par delà les règlements de compte que constituent souvent les œuvres littéraires, il y a, dans ce livre, une réconciliation de la Corse avec elle-même. J’ai voulu un livre d’amour pour mon île, pour mes villages, pour ma ville et pour la Corse de demain.
- Quel rôle peut jouer la culture dans ce climat de violence ?
- Un rôle très important. Les auteurs grecs, Sophocle et surtout Eschyle, en présentant la violence de manière spectaculaire à travers des tragédies et des fictions, se guérissaient de leur propre violence. La violence de la cité était, en quelque sorte, purifiée par la représentation, on nommait cela la catharsis. Une œuvre littéraire constitue souvent une catharsis, une purification des pulsions. Si on remarque bien, dans mon livre, il y a souvent de l’oppression, même par une langue, l’oppression d’une langue sur une autre. La conquête d’une nouvelle langue se fait à partir aussi bien du français, du toscan que du corse. J’essaye de m’exprimer sur un registre linguistique varié.
- La littérature serait-elle un moyen d’exorciser la violence ?
- C’est une façon de résoudre le problème de la violence dans l’histoire. La littérature, à mon avis, est essentielle dans une perspective même politique. Dans la cité, il est primordial qu’existe une littérature qui exprime les difficultés et les pulsions, même de mort. Celles-ci sont dépassées, grâce à la création et à la fiction. Cette perspective politico-culturelle a toujours été la mienne.
- Quels regards jetez-vous sur la société corse actuelle ?
- Je ne suis ni pessimiste, ni défaitiste pour la Corse. L’histoire de l’humanité n’est pas un chemin de chansons et de fleurs, c’est une histoire tragique comme l’histoire des Corses. Mais qu’il s’agisse d’une crise économique ou d’une crise morale, on rebondit toujours, à partir de la crise, vers un avenir et des perspectives optimistes. La Corse connait des problèmes extrêmement graves, mais la destinée d’un pays et d’un peuple se forge dans la souffrance. Ces problèmes, à mon avis, préfigurent, au contraire, un avenir avec des perspectives d’amélioration et de transformation.
- Vous avez fait partie des premiers élus territoriaux. Que vous inspire le travail de l’assemblée de Corse, aujourd’hui ?
- La première Assemblée de Corse était une assemblée intéressante parce qu’elle donnait un souffle. C’était la première fois que, dans une assemblée régionale, pouvait s’exprimer, d’une façon parfois polyphonique et diversifiée, le peuple corse. Je crois beaucoup en cette prise de conscience des problèmes par l’Assemblée de Corse. Il ne lui appartient pas de résoudre tous les problèmes, l’Etat doit assumer sa grande part dans leur résolution, mais elle peut, à mon avis, jouer un rôle essentiel dans la pacification des esprits et dans la construction en commun d’un avenir meilleur.
- Que pensez-vous du combat pour la langue corse et du projet de statut de coofficialité ?
- Le problème de la langue est un problème très difficile surtout dans le contexte corso-français qui exclut la reconnaissance à part égales des deux langues et refuse la coofficialité. Mais je pense que, par la création littéraire, les écrivains corses, de langue corse, qui écrivent en corse, contribuent largement à la solution de ce problème. C’est par la culture que s’affirmera la personnalité corse et que s’imposera progressivement la langue. La littérature corse existe de plus en plus, il y a de plus en plus de romans, de pièces de théâtre et de poésies en langue corse. S’il n’y a pas d’expression en langue corse, la langue mourra parce qu’elle n’est plus la langue du pain. Il faudrait qu’elle le redevienne d’une certaine manière.
- Les Corses ont-ils, selon vous, les moyens de gagner ce combat de la langue ?
- Comme dit le proverbe corse : « S'acconcianu e somu pè viaghju », qui signifie : « C’est en chemin qu’on arrange le faix, le poids que nous portons ». Il y a, dans ce peuple, dans ce pays, assez de ressources, d’intelligence et de foi en lui-même, pour arriver, un jour, à résoudre ce problème. Donc, il faut sur ce chemin difficile, ne jamais perdre la foi. Il faut de plus en plus écrire et parler dans notre langue. Le combat n’est pas terminé ! Il ne fait même que commencer.
Propos recueillis par Nicole MARI