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Mission humanitaire : Hervé Cheuzeville (CorsicAmazônia) de retour du Mato Grosso


Philippe Jammes le Samedi 22 Février 2025 à 18:23

Lamission humanitaire de Hervé Cheuzeville a duré près d’un mois, principalement dans le village Enawenê Nawê de Dolowikwa/Kotakenãkwa, en pleine forêt du Mato Grosso. L’auteur, conférencier et humanitaire, a distribué des fournitures scolaires et des produits d’hygiène à des centaines d’élèves vivant dans des conditions précaires.



Hervé Cheuzeville a distribué des centaines de fournitures scolaires aux enfants Enawenê Nawê
Hervé Cheuzeville a distribué des centaines de fournitures scolaires aux enfants Enawenê Nawê

C’est en 2021 qu’Hervé Cheuzeville découvre le peuple Enawenê Nawê en préparant son émission hebdomadaire pour Radio Salve Regina. Après avoir noué contact avec un jeune du village, Iholalare, 22 ans, il entretient alors des rapports étroits avec ce peuple presque retiré du monde.
En 2024, Hervé Cheuzeville crée l’association CorsicAmazônia avec des amis pour structurer et amplifier son aide à ce peuple de 1 500 âmes, dont la moitié sont des enfants et adolescents, qui vit en harmonie avec la nature, dans des huttes disposées en rayons autour d’une grande esplanade centrale.
L’association entreprend notamment la construction d’une sommaire école en planches. Soutenue par des dons privés et une petite subvention de la Collectivité de Corse, l’association expédie régulièrement des fournitures scolaires et autres outils éducatifs. Fin 2024, Hervé Cheuzeville décide de franchir une nouvelle étape en se rendant sur place.

Un voyage marathon 
Il est parti de Bastia le 27 décembre pour un voyage marathon via Marseille, Paris, São Paulo, Cuiabá, en avion puis en bus (14 heures) avant de parcourir quatre heures de piste en 4x4 jusqu’à Dolowikwa/Kotakenãkwa où il est arrivé début janvier.
Avant certainement la publication d’un livre tiré de son carnet de bord, il a fait part à CNI de ses premières impressions.


« Le voyage a été long et compliqué. Une fois arrivé au Brésil, j’ai appris le décès de mon père à Bastia. Je ne savais plus que faire. Mais comme il m’a toujours encouragé dans ma démarche j’ai décidé de poursuivre mon projet »


Votre premier constat à votre arrivée ?
 A mon arrivée au village j’étais très fatigué, physiquement par le voyage, atteint moralement par le décès de mon père. Mais j’ai reçu un accueil enthousiaste de la part de ce peuple de Iholalare et des enfants et j’ai retrouvé très vite la sérénité malgré l’inconfort des lieux, les insectes et la chaleur. En fait, comme on avait correspondu pendant plusieurs années par mail, sms, vidéo, je me suis retrouvé en pays de connaissance, avec des visages connus, des lieux déjà vus. L’endroit n’était pas une découverte.


Comment votre séjour s’est-il articulé ?
J’ai vécu au milieu d’eux, partagé leur vie quotidienne, découvert leurs plantations, de quoi ils se nourrissaient, notamment le maïs et le manioc. J’ai suivi leurs rituels car ce peuple vit en contact constant avec les esprits célestes et ceux du monde souterrain. Ils passent beaucoup de temps dans des rites très longs avec des danses, des chants et des psalmodies sur la place centrale du village, autour d’un grand feu de camp. A l’origine c’était un peuple non carnivore, vivant de la pêche, légumes, fruits et miel sauvages. Aujourd’hui ils consomment aussi du poulet.


Au niveau de l’éducation ?
L’évolution est très lente. Il y a notre petite école que nous avons construite avec l’argent de l’association. Elle est actuellement en travaux car on l’agrandit et on va mettre une toiture avec des tuiles en fibrociment. Parallèlement l’État du Mato Grosso a entrepris la construction d’une école en dur mais ça avance très doucement. A terme, notre petite école deviendra complémentaire de celle-ci, pour donner aux enfants des cours de langues étrangères et d’autres matières non dispensées à l’école d’État.


Qui sont vos enseignants sur place ?
Iholalare lui-même, et quelques autres. Un certain nombre de jeunes hommes ont reçu une formation d’ « enseignants indigènes », ils n’ont certes pas le niveau des enseignants brésiliens mais ils sont capables d’enseigner aux enfants à lire et à compter. Ces derniers sont avides d’apprendre l’anglais mais j’estime qu’il est essentiel qu’ils commencent par le portugais, qui est la langue officielle du Brésil. Cette langue est la clé de leur futur, la clé pour devenir des citoyens brésiliens à part entière. J’ai pu constater sur place l’enthousiasme des enfants. Ils ont une réelle soif d’apprendre. Certains sont très doués pour le dessin, des dessins qui sont autant de documents ethnographiques, car ils représentent surtout leurs traditions, leur mode de vie. Sur place, grâce à Iholalare qui traduisait dans leur langue j’ai pu donner quelques cours. A la fin, j’ai même réussi à enseigner en l’absence d’Iholalare, ce qui prouve bien que les élèves et moi étions parvenus à bien nous comprendre !


Vous apportez aussi une aide médicale …
Nous apportons déjà une aide avec du matériel scolaire. Des centaines de cahiers et de crayons que j’ai apportées de Corse mais que j’ai aussi achetées sur place en ville. J’ai aussi acheté à Vilhena des médicaments de base que j’ai remis aux responsables du SESAI, l’organisation fédérale brésilienne qui gère le poste de santé du village. Cette organisation est en fait un département du ministère de la santé brésilien, responsable de la santé des populations autochtones. Lors de l’un de mes passages à Vilhena, j’ai emmené avec moi deux enfants à la dentition en très mauvais état. Une dentiste d’un cabinet dentaire a accepté de les examiner. Il en coûterait 1960 reais soit 484 € pour extraire 12 dents et en restaurer 5 autres pour le premier et 1000 reais pour le second. Notre association n’a hélas pas les moyens d’assurer ces frais pour l’instant, d’autant que beaucoup d’autres enfants et adolescents souffrent également de graves problèmes dentaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous distribuons des brosses à dents et du dentifrice aux élèves.


Comment envisagez-vous la suite ?
Nous allons poursuivre notre assistance avec notre association CorsicAmazônia*, en espérant que beaucoup de gens nous rejoignent. Ensuite, et peut-être que peu de gens le savent-ils, mais 2025 est l’année du Brésil en France et l’année de la France au Brésil. J’aimerais que ce soit aussi l’année du Brésil en Corse à travers plusieurs manifestations, telles que des conférences et des expositions consacrées aux Enawenê Nawê. En Corse, il existe une importante communauté brésilienne qui pourrait être associée à de tels événements.


Un livre ? 
En 2022, j’avais déjà publié un livre, intitulé « De la Corse au Mato Grosso » aux éditions Vincentello d’Istria. Ayant tenu un carnet de bord durant mon séjour chez les Enawenê Nawê, je pense en faire très prochainement un nouvel ouvrage.
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*Cagnotte Ici
 

Photos H.Cheuzeville