Ceux qui ont assisté à des procès placés sous le signe de la justice d'exception, soit comme journalistes pour en rendre compte, soit comme apparentés aux occupants du box, ont eu une impression tenace : celle d'une magistrature en mission, celle que sous le décorum, l'étiquette imposée, l'affaire était jugée d'avance.
Ils sont neuf à comparaître devant la cour d'assises spéciale de Paris, composée de magistrats professionnels et compétente en matière de terrorisme. Ces nationalistes corses (dont Pierre Paoli, présenté comme le « chef du FLNC » Corse-du-Sud) doivent répondre d'une série d'attentats perpétrés en 2012 contre des résidences secondaires, que l'organisation clandestine avait revendiqués au nom de la lutte contre la spéculation immobilière.
Cet événement judiciaire - portant sur une association de malfaiteurs à visées terroristes - s'inscrit dans une actualité étrangement décalée, le FLNC ayant déposé les armes depuis plus de quatre ans, et le terrorisme s'étant incarné dans d'autres modes opératoires, autrement plus graves, que les nuits bleues corses.
Il s'agit néanmoins d'un procès politique, un des derniers que la communauté insulaire aura à connaître. Les actes visés – attentats contre des particuliers – ne mettent pas directement en cause la suprématie de l’État ni ses biens ; on vise le discours qui les justifie et qui argumentait sur une substitution de population programmée. On passe du côté de ce que l'ordre républicain n'admet pas. Depuis (et même avant) le nationalisme ethnique a fait son temps. Le scénario simplificateur de l'insécurité insulaire à éradiquer n'aurait donc plus de raison d'être. Mais, dans sa définition déviante du système pénal, le procès politique, par sa sévérité, se veut dissuasif : il punit des actes et, au-delà, il punit pour l'exemple. Reste à savoir, si compte tenu de la situation historique, la dissuasion sera encore de mise.
L’État, seul détenteur de la violence légitime, va néanmoins demander réparation, en invoquant, comme toujours en pareille circonstance, la criminalisation en droit commun de revendications politiques. C'est en fonction de l'argumentation de cette demande, de sa sévérité ou de sa clémence, qu'on pourra – le 22 juin, jour du verdict - apprécier l'impact de la nouvelle réalité corse sur l'appareil judiciaire, donc la superstructure et le pays en général. Soit le tribunal répond favorablement aux demandes d'acquittement qui seront formulées, soit il condamne, et c'est l'appréciation de ce postulat qui sera significative, entre sévérité et peines symboliques.
Les présidents de l'exécutif et de l'assemblée de Corse interviendront à la barre, non pour jouer le rôle d'avocats qui reste le leur, mais pour témoigner devant la cour de ce que signifie en Corse un changement d'époque. L'idéologie de l'action militante violente s'est désactivée d'elle-même, et ce signe d'apaisement mérite contrepartie ; autant acter celle-ci à cette occasion. Si on juge hier avec les yeux d'hier, cela prouvera que la Corse est encore à l'écart de ce que l'on pourrait appeler la normalité nationale.
Ils sont neuf à comparaître devant la cour d'assises spéciale de Paris, composée de magistrats professionnels et compétente en matière de terrorisme. Ces nationalistes corses (dont Pierre Paoli, présenté comme le « chef du FLNC » Corse-du-Sud) doivent répondre d'une série d'attentats perpétrés en 2012 contre des résidences secondaires, que l'organisation clandestine avait revendiqués au nom de la lutte contre la spéculation immobilière.
Cet événement judiciaire - portant sur une association de malfaiteurs à visées terroristes - s'inscrit dans une actualité étrangement décalée, le FLNC ayant déposé les armes depuis plus de quatre ans, et le terrorisme s'étant incarné dans d'autres modes opératoires, autrement plus graves, que les nuits bleues corses.
Il s'agit néanmoins d'un procès politique, un des derniers que la communauté insulaire aura à connaître. Les actes visés – attentats contre des particuliers – ne mettent pas directement en cause la suprématie de l’État ni ses biens ; on vise le discours qui les justifie et qui argumentait sur une substitution de population programmée. On passe du côté de ce que l'ordre républicain n'admet pas. Depuis (et même avant) le nationalisme ethnique a fait son temps. Le scénario simplificateur de l'insécurité insulaire à éradiquer n'aurait donc plus de raison d'être. Mais, dans sa définition déviante du système pénal, le procès politique, par sa sévérité, se veut dissuasif : il punit des actes et, au-delà, il punit pour l'exemple. Reste à savoir, si compte tenu de la situation historique, la dissuasion sera encore de mise.
L’État, seul détenteur de la violence légitime, va néanmoins demander réparation, en invoquant, comme toujours en pareille circonstance, la criminalisation en droit commun de revendications politiques. C'est en fonction de l'argumentation de cette demande, de sa sévérité ou de sa clémence, qu'on pourra – le 22 juin, jour du verdict - apprécier l'impact de la nouvelle réalité corse sur l'appareil judiciaire, donc la superstructure et le pays en général. Soit le tribunal répond favorablement aux demandes d'acquittement qui seront formulées, soit il condamne, et c'est l'appréciation de ce postulat qui sera significative, entre sévérité et peines symboliques.
Les présidents de l'exécutif et de l'assemblée de Corse interviendront à la barre, non pour jouer le rôle d'avocats qui reste le leur, mais pour témoigner devant la cour de ce que signifie en Corse un changement d'époque. L'idéologie de l'action militante violente s'est désactivée d'elle-même, et ce signe d'apaisement mérite contrepartie ; autant acter celle-ci à cette occasion. Si on juge hier avec les yeux d'hier, cela prouvera que la Corse est encore à l'écart de ce que l'on pourrait appeler la normalité nationale.
(Jacques Mossot)