Olivier Noblecourt délégué interministériel à la prévention et la lutte contre la pauvreté aux coté de la préfète de Corse / Photo Michel Luccioni
Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, ancien collaborateur de Najat Vallaud-Belkacem, devra veiller à la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté annoncé le 13 septembre dernier par Emmanuel Macron. Un plan de 8,5 milliards d’Euros sur 4 ans axé notamment sur les enfants et les jeunes.
Il était il y a quelques à Ajaccio dans les locaux du Centre du Sport et de la Jeunesse Corse afin de rencontrer les représentants des collectivités locales, les associations et entreprises concernées.
- Emmanuel Macron avait évoqué ‘’le pognon de dingue ‘’ que coûteraient les aides sociales à la France. Il annonce aujourd’hui ce plan de lutte contre la pauvreté de plus 8 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cette dichotomie ?
- Ce que le président a voulu dire c’est que compte tenu des moyens énormes que met l’Etat dans les politiques de solidarité, ce n’est pas acceptable que nous ayons 9 millions de personnes en situation de précarité. Il n’a pas dit qu’il fallait baisser les dépenses sociales, il veut que nous soyons plus efficaces dans les politiques sociales.
Il faut pour cela investir dans le sociale, dans l’accompagnement humains, dans l’accès aux droits. Donc oui en effet, il y a un effort supplémentaire de l’Etat pour une meilleure efficacité.
- Vous avez beaucoup ciblé votre plan sur l’enfance et la jeunesse. Pourquoi?
- Cette stratégie nationale que je porte sur les territoires, je l’ai élaborée avec les différents acteurs, associations, collectivités et Caisses de sécurité sociales.
Le constat est claire : une partie de la jeunesse est condamnée à la pauvreté parce qu’elle évolue dans un environnement pauvre. C’est inacceptable. Pour eux comme pour leurs parents. On ne peut pas accepter en tant que parents que les efforts que l’on fait ne servent finalement à rien, que son enfant aura une vie aussi difficile que la leur.
- Depuis aujourd’hui on peut constater une hausse de 4% des prix sur une partie des produits alimentaires de grande consommation. Dans trois mois, c’est le tarif de l’électricité qui va augmenter. Comment des familles en difficultés financières peuvent-elles faire face à ces augmentations?
- Nous voulons apporter des réponses sur le coût de l’alimentation. Il y a une initiative pour créer des banques alimentaires. Nous allons apporter des réponses pour les enfants, pour ceux qui arrivent le ventre vide à l’école le matin. On va aider les petites communes qui ne peuvent pas proposer une tarification sociale de leur cantine parce qu’elles perdraient trop d’argent.
Nous allons développer des aides avec les Caisses d’Allocations Familiales pour que les familles nécessiteuses puissent payer moins cher l’alimentation de leurs enfants.
- Les travailleurs pauvres, ceux qui touchent moins de 850 euros par mois, représentent 10 % de la population en Corse selon l’Insee. N’est-il pas très compliqué dans ce contexte d’aller vers une autonomie par le travail ?
- Il y a des réponses très fortes qui sont apportées pour les travailleurs pauvres avec l’augmentation des primes d’activité.100 euros de plus par mois sont alloués. C’est du pouvoir d’achat et du bonus pour les travailleurs pauvres. Après il y aura d’autres réformes notamment pour faciliter l’accès aux droits.
La sortie de ce contexte de précarité passe également par l’aide à la formation. En Corse, il y a des gens qui ne peuvent accéder à certains emplois car ils n’ont pas les qualifications requises. Trop de gens actuellement ont l’impression d’être livrés à eux-mêmes.
- Vous pensez que la situation sociale et économique est plus difficile en Corse qu’ailleurs ? Y a-t-il selon vous des spécificités corses ?
- La situation est actuellement difficile partout en France.
Bien sûr qu’il y a des spécificités insulaires. L’isolement dû aux difficultés de mobilité en est une. Il y a beaucoup de personnes seules dans la ruralité, des personnes âgées qui ne connaissent pas leurs droits. En Corse plus qu’ailleurs on trouve des personnes âgées en grande souffrance.
La Corse est une terre avec des contrastes plus vifs que sur le reste du territoire. Il y a beaucoup de richesses, de créations d’activités, d’initiatives. Mais en même temps il y a une très grande pauvreté et un taux de chômage très élevé chez les jeunes.
L’emploi saisonnier, très vertueux notamment parce qu’il créer de la richesse et de l’emploi, apporte en contrepartie de la précarité pour des travailleurs qui se retrouvent en grande souffrance pendant la saison basse.
- Pourquoi les politiques sociales sont si compliquées à mettre en place ?
- Tout d’abord ça vient de la multiplicité des intervenants, l’enchevêtrement des compétences et le fait que tout cela aboutisse à un dispositif ou chacun travaille de son côté. Aujourd’hui nous devons permettre aux gens de se coordonner autour des parcours de vie des personnes en difficultés et à analyser les besoins. Nous devons nous adapter à chaque territoire. Ici, les acteurs corses doivent porter ce projet en tenant compte des spécificités que nous avons évoqué.
- Et pour les zones enclavées où la population est vieillissante, quelles sont vos solutions?
- Il y a en effet un vieillissement de la population avec des personnes qui ont une double peine, à la fois avec de faibles ressources mais qui se sentent aussi totalement livrées à elles-mêmes. Pour ces personnes, nous voulons financer des moyens d’accompagnement pour aller vers les acteurs sociaux, que ce soit les associations, les caisses d’allocations familiales. La Collectivité travaille en ce sens. Nous allons l’aider. Je pense que ce sont les acteurs de terrain qui sont les mieux placés pour effectuer ces actions.
- Avez-vous rencontré les élus insulaires ?
- J’ai eu des échanges hier soir avec Gilles Simeoni, le président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse. Je lui ai exposé le cadre contractuel que l’Etat va proposer, les priorités et les moyens supplémentaires que ce plan pouvait apporter. La préfète va négocier le budget avec les Collectivités. Elle aura bientôt la notification des crédits dont elle dispose pour négocier avec les collectivités. Elle pourra bientôt annoncer le montant de cette aide.
- Etes-vous plutôt optimiste sur les échanges que vous pouvez avoir avec la Collectivité de Corse ?
- La Collectivité de Corse n’a pas attendu la stratégie nationale pour être engagée dans la lutte contre la pauvreté. Je sais qu’il y a déjà un plan qui a été voté par les élus insulaires.
La préfète elle-même est très engagée sur ce terrain qu’elle connait bien. La Caf et Pôle emploi sont mobilisés. La mise en œuvre de ce plan suppose que ce soit les représentants des territoires qui le porte. A partir du moment où la Collectivité elle-même souhaite aller plus loin, je pense que nous allons avancer.
Tout ne va pas changer du jour au lendemain, ne soyons pas démagogue, mais il faut apporter du concret, tout de suite.
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Noblecourt est encarté au Parti Socialiste depuis 1994 et n'a pas quitté le parti.
Il est le fils du journaliste du "Monde" Michel Noblecourt, fin connaisseur du PS mais surtout du monde social et syndical. Il fait ses études à Sciences Po Grenoble, sa ville natale.
Il y rencontre Michel Destot, le maire de la ville. Il fera du jeune socialiste son attaché parlementaire puis son directeur de cabinet à 23 ans.
A Grenoble, Olivier Noblecourt veut s'attaquer aux inégalités à la racine. Avec Michel Zorman, médecin spécialiste des sciences cognitives, il lance "Parler Bambin", un programme pour déceler les difficultés de langage dès 18 mois. Il travaille à l’amélioration de l'accès des enfants de familles pauvres à la crèche.
En 2014 il entre au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, en tant que conseiller spécial de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Il devient par la suite son directeur de cabinet.
Pas convaincu par le revenu universel, il n'a pas fait la campagne de Benoît Hamon. Il préconise une autre réforme : le revenu universel d’activité, promesse d'Emmanuel Macron.
Il est aujourd’hui délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, chargé au sein du gouvernement de la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.
Il était il y a quelques à Ajaccio dans les locaux du Centre du Sport et de la Jeunesse Corse afin de rencontrer les représentants des collectivités locales, les associations et entreprises concernées.
- Emmanuel Macron avait évoqué ‘’le pognon de dingue ‘’ que coûteraient les aides sociales à la France. Il annonce aujourd’hui ce plan de lutte contre la pauvreté de plus 8 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cette dichotomie ?
- Ce que le président a voulu dire c’est que compte tenu des moyens énormes que met l’Etat dans les politiques de solidarité, ce n’est pas acceptable que nous ayons 9 millions de personnes en situation de précarité. Il n’a pas dit qu’il fallait baisser les dépenses sociales, il veut que nous soyons plus efficaces dans les politiques sociales.
Il faut pour cela investir dans le sociale, dans l’accompagnement humains, dans l’accès aux droits. Donc oui en effet, il y a un effort supplémentaire de l’Etat pour une meilleure efficacité.
- Vous avez beaucoup ciblé votre plan sur l’enfance et la jeunesse. Pourquoi?
- Cette stratégie nationale que je porte sur les territoires, je l’ai élaborée avec les différents acteurs, associations, collectivités et Caisses de sécurité sociales.
Le constat est claire : une partie de la jeunesse est condamnée à la pauvreté parce qu’elle évolue dans un environnement pauvre. C’est inacceptable. Pour eux comme pour leurs parents. On ne peut pas accepter en tant que parents que les efforts que l’on fait ne servent finalement à rien, que son enfant aura une vie aussi difficile que la leur.
- Depuis aujourd’hui on peut constater une hausse de 4% des prix sur une partie des produits alimentaires de grande consommation. Dans trois mois, c’est le tarif de l’électricité qui va augmenter. Comment des familles en difficultés financières peuvent-elles faire face à ces augmentations?
- Nous voulons apporter des réponses sur le coût de l’alimentation. Il y a une initiative pour créer des banques alimentaires. Nous allons apporter des réponses pour les enfants, pour ceux qui arrivent le ventre vide à l’école le matin. On va aider les petites communes qui ne peuvent pas proposer une tarification sociale de leur cantine parce qu’elles perdraient trop d’argent.
Nous allons développer des aides avec les Caisses d’Allocations Familiales pour que les familles nécessiteuses puissent payer moins cher l’alimentation de leurs enfants.
- Les travailleurs pauvres, ceux qui touchent moins de 850 euros par mois, représentent 10 % de la population en Corse selon l’Insee. N’est-il pas très compliqué dans ce contexte d’aller vers une autonomie par le travail ?
- Il y a des réponses très fortes qui sont apportées pour les travailleurs pauvres avec l’augmentation des primes d’activité.100 euros de plus par mois sont alloués. C’est du pouvoir d’achat et du bonus pour les travailleurs pauvres. Après il y aura d’autres réformes notamment pour faciliter l’accès aux droits.
La sortie de ce contexte de précarité passe également par l’aide à la formation. En Corse, il y a des gens qui ne peuvent accéder à certains emplois car ils n’ont pas les qualifications requises. Trop de gens actuellement ont l’impression d’être livrés à eux-mêmes.
- Vous pensez que la situation sociale et économique est plus difficile en Corse qu’ailleurs ? Y a-t-il selon vous des spécificités corses ?
- La situation est actuellement difficile partout en France.
Bien sûr qu’il y a des spécificités insulaires. L’isolement dû aux difficultés de mobilité en est une. Il y a beaucoup de personnes seules dans la ruralité, des personnes âgées qui ne connaissent pas leurs droits. En Corse plus qu’ailleurs on trouve des personnes âgées en grande souffrance.
La Corse est une terre avec des contrastes plus vifs que sur le reste du territoire. Il y a beaucoup de richesses, de créations d’activités, d’initiatives. Mais en même temps il y a une très grande pauvreté et un taux de chômage très élevé chez les jeunes.
L’emploi saisonnier, très vertueux notamment parce qu’il créer de la richesse et de l’emploi, apporte en contrepartie de la précarité pour des travailleurs qui se retrouvent en grande souffrance pendant la saison basse.
- Pourquoi les politiques sociales sont si compliquées à mettre en place ?
- Tout d’abord ça vient de la multiplicité des intervenants, l’enchevêtrement des compétences et le fait que tout cela aboutisse à un dispositif ou chacun travaille de son côté. Aujourd’hui nous devons permettre aux gens de se coordonner autour des parcours de vie des personnes en difficultés et à analyser les besoins. Nous devons nous adapter à chaque territoire. Ici, les acteurs corses doivent porter ce projet en tenant compte des spécificités que nous avons évoqué.
- Et pour les zones enclavées où la population est vieillissante, quelles sont vos solutions?
- Il y a en effet un vieillissement de la population avec des personnes qui ont une double peine, à la fois avec de faibles ressources mais qui se sentent aussi totalement livrées à elles-mêmes. Pour ces personnes, nous voulons financer des moyens d’accompagnement pour aller vers les acteurs sociaux, que ce soit les associations, les caisses d’allocations familiales. La Collectivité travaille en ce sens. Nous allons l’aider. Je pense que ce sont les acteurs de terrain qui sont les mieux placés pour effectuer ces actions.
- Avez-vous rencontré les élus insulaires ?
- J’ai eu des échanges hier soir avec Gilles Simeoni, le président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse. Je lui ai exposé le cadre contractuel que l’Etat va proposer, les priorités et les moyens supplémentaires que ce plan pouvait apporter. La préfète va négocier le budget avec les Collectivités. Elle aura bientôt la notification des crédits dont elle dispose pour négocier avec les collectivités. Elle pourra bientôt annoncer le montant de cette aide.
- Etes-vous plutôt optimiste sur les échanges que vous pouvez avoir avec la Collectivité de Corse ?
- La Collectivité de Corse n’a pas attendu la stratégie nationale pour être engagée dans la lutte contre la pauvreté. Je sais qu’il y a déjà un plan qui a été voté par les élus insulaires.
La préfète elle-même est très engagée sur ce terrain qu’elle connait bien. La Caf et Pôle emploi sont mobilisés. La mise en œuvre de ce plan suppose que ce soit les représentants des territoires qui le porte. A partir du moment où la Collectivité elle-même souhaite aller plus loin, je pense que nous allons avancer.
Tout ne va pas changer du jour au lendemain, ne soyons pas démagogue, mais il faut apporter du concret, tout de suite.
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Noblecourt est encarté au Parti Socialiste depuis 1994 et n'a pas quitté le parti.
Il est le fils du journaliste du "Monde" Michel Noblecourt, fin connaisseur du PS mais surtout du monde social et syndical. Il fait ses études à Sciences Po Grenoble, sa ville natale.
Il y rencontre Michel Destot, le maire de la ville. Il fera du jeune socialiste son attaché parlementaire puis son directeur de cabinet à 23 ans.
A Grenoble, Olivier Noblecourt veut s'attaquer aux inégalités à la racine. Avec Michel Zorman, médecin spécialiste des sciences cognitives, il lance "Parler Bambin", un programme pour déceler les difficultés de langage dès 18 mois. Il travaille à l’amélioration de l'accès des enfants de familles pauvres à la crèche.
En 2014 il entre au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, en tant que conseiller spécial de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Il devient par la suite son directeur de cabinet.
Pas convaincu par le revenu universel, il n'a pas fait la campagne de Benoît Hamon. Il préconise une autre réforme : le revenu universel d’activité, promesse d'Emmanuel Macron.
Il est aujourd’hui délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, chargé au sein du gouvernement de la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.