L’annonce du refus de la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri a fait l’effet d’une bombe à l’Assemblée de Corse. La session de fin septembre, qui s’annonçait plutôt tranquille, sans dossier polémique, a subitement sombré dans le malaise, en début d’après-midi, quand la nouvelle est tombée à la fin de la pause déjeuner. Les visages se sont subitement fermés, et tous les groupes, pas seulement nationalistes, ont compris que le processus de discussion avec Paris venait d’en prendre un coup. La stupéfaction fait place à la colère et à l’incompréhension face à ce que tous ressentent comme un double langage de Paris, un langage qui envoie des signaux contradictoires et surtout néfastes, avec un risque non négligeable de regain de tension dans l’île. D’autant que ce jugement en appel n’est que la répétition à l’infini d’un scénario usé : une décision de première instance accorde la libération conditionnelle à Pierre Alessandri, elle est aussitôt attaquée en appel par le Parquet national antiterroriste. La décision en appel infirme le jugement en première instance et maintient les deux prisonniers du commando Erignac en prison. La situation est d’autant plus tendue que Pierre Alessandri est obligé de retourner en centrale sur le continent pour refaire une nouvelle demande de libération conditionnelle, ce qui revient à le renvoyer au point de départ.
Gilles Simeoni : Il faut rompre le cercle infernal ! »
Dès la reprise des débats, le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, confirme la nouvelle d’un ton grave où perce la colère, et déclare qu’il fallait prendre la mesure de la situation. « C’est une fois de plus, une fois de trop ! Nous sommes à un point de bascule alors que depuis des années, les uns et les autres, nous avons construit de façon déterminée, la paix. Nous sommes exactement ou nous avons craint d’être ! Il y a eu cent occasions pour ne pas arriver au point ou nous en sommes aujourd’hui. Chaque fois que, dans un pays, il y a un conflit, il y a des artisans de la paix et les autres. Je sais qu’à Paris il y a aussi des artisans de la paix et beaucoup d’autres qui ne le sont pas. Je pense à Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, conditionnables depuis 6 ans, ballotés de procédures en centre de détention, de conseils d’évaluation à des refus, je pense à leurs familles ». Il prévient : « Les décisions, que nous devons prendre, seront douloureuses ». Il s’insurge contre une décision judiciaire qui « repose sur une motivation incompréhensible et dangereuse, l’argument du juge d’appel est le « trouble à l’ordre public » que pourrait être la libération de Pierre Alessandri. Un homme est assassiné dans des conditions atroces et suspectes, la Corse s’indigne et s’embrase, le juge dit que la libération de Pierre Alessandri est un trouble à l’ordre public ! Comment pourrions-nous rompre ce cercle infernal ? ». Pour lui, une seule option : « Il faut que quelqu’un le dise à Paris avec nous. Si nous sommes les seuls à dire cela et que jamais notre voix ne rencontre aucun écho, nous n’aurons plus ni aucune crédibilité, ni aucune légitimité ». Il propose à l’Assemblée de se réunir en conférence des présidents pour « voir quel chemin emprunter. Pour nous, il n’y a qu’un chemin : le chemin de la libération, de la vérité, de la justice, de la démocratie et de la paix ».
Core in Fronte suspend sa participation aux discussions avec Paris
Puis, les présidents de groupe se sont brièvement exprimés. Le premier à prendre la parole est Core In Fronte qui prend, lui, une décisions immédiate, celle de suspendre sa participation aux discussions avec Paris. « Ce n’est pas une décision de justice qui est rendue, mais une décision d’Etat », réagit Paul-Félix Benedetti, le président du groupe. Il dénonce : « La colère et l’indignation sont palpables chez les Indépendantistes qui dénonce « un affichage du dialogue d’une construction politique et d’un autre côté une rupture des principes fondamentaux du droit », comme il l’explique à CNI :
Dès la reprise des débats, le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, confirme la nouvelle d’un ton grave où perce la colère, et déclare qu’il fallait prendre la mesure de la situation. « C’est une fois de plus, une fois de trop ! Nous sommes à un point de bascule alors que depuis des années, les uns et les autres, nous avons construit de façon déterminée, la paix. Nous sommes exactement ou nous avons craint d’être ! Il y a eu cent occasions pour ne pas arriver au point ou nous en sommes aujourd’hui. Chaque fois que, dans un pays, il y a un conflit, il y a des artisans de la paix et les autres. Je sais qu’à Paris il y a aussi des artisans de la paix et beaucoup d’autres qui ne le sont pas. Je pense à Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, conditionnables depuis 6 ans, ballotés de procédures en centre de détention, de conseils d’évaluation à des refus, je pense à leurs familles ». Il prévient : « Les décisions, que nous devons prendre, seront douloureuses ». Il s’insurge contre une décision judiciaire qui « repose sur une motivation incompréhensible et dangereuse, l’argument du juge d’appel est le « trouble à l’ordre public » que pourrait être la libération de Pierre Alessandri. Un homme est assassiné dans des conditions atroces et suspectes, la Corse s’indigne et s’embrase, le juge dit que la libération de Pierre Alessandri est un trouble à l’ordre public ! Comment pourrions-nous rompre ce cercle infernal ? ». Pour lui, une seule option : « Il faut que quelqu’un le dise à Paris avec nous. Si nous sommes les seuls à dire cela et que jamais notre voix ne rencontre aucun écho, nous n’aurons plus ni aucune crédibilité, ni aucune légitimité ». Il propose à l’Assemblée de se réunir en conférence des présidents pour « voir quel chemin emprunter. Pour nous, il n’y a qu’un chemin : le chemin de la libération, de la vérité, de la justice, de la démocratie et de la paix ».
Core in Fronte suspend sa participation aux discussions avec Paris
Puis, les présidents de groupe se sont brièvement exprimés. Le premier à prendre la parole est Core In Fronte qui prend, lui, une décisions immédiate, celle de suspendre sa participation aux discussions avec Paris. « Ce n’est pas une décision de justice qui est rendue, mais une décision d’Etat », réagit Paul-Félix Benedetti, le président du groupe. Il dénonce : « La colère et l’indignation sont palpables chez les Indépendantistes qui dénonce « un affichage du dialogue d’une construction politique et d’un autre côté une rupture des principes fondamentaux du droit », comme il l’explique à CNI :
Jean-Baptiste Arena, élu de Core in Fronte, va beaucoup plus loin et pose la question d’un enjeu qui dépasse le cadre corse : « Face à ce prétendu acte judiciaire qui n’en est pas un, nous ressentons un profond sentiment d’injustice parce que le droit, non seulement n’est pas appliqué, mais est bafoué. Quand on voit qu’aujourd’hui en Belgique, la justice belge vient d’accorder la liberté conditionnelle à la femme de Marc Dutroux au bout de 26 ans de prison, sachant que ce ne sont pas les mêmes affaires judiciaires, ni la même lourdeur, on est en droit de se poser la question de savoir si des gens à Paris essaient de faire déraper la situation en Corse. Cela pose aussi la question du processus de discussions en cours. On se pose même la question de savoir s’il n’y a pas un jeu au sein du système étatique français en vue des prochaines présidentielles pour, peut-être, affaiblir le ministre de l’Intérieur qui est un candidat potentiel à la présidence de la République dans quatre ans. A partir de là, alors que nous demandons juste l’application du droit, on ne peut pas discuter avec un gouvernement qui ne respecte pas ses propres institutions. Donc, nous suspendons nos discussions avec Paris ».
Corsica Libera : « Il faut poser un rapport de forces »
« Nous continuons dans une vengeance d’État mécanique et déterminée. Il y a quelques mois, la prison à vie se transformait en condamnation à mort pour Yvan Colonna. On a décidé que ces hommes devaient vieillir et mourir en prison. On a travesti la justice. On se sert du droit comme d’un artifice. Plus rien ne s’oppose à leur liberté, à leur libération. Ces hommes sont libérables en droit, leur détention est devenue une arme de vengeance », estime Josepha Giacometti-Piredda, élue de Corsica Libera. Pas question, pour elle, d’accepter l’argument de l’indépendance de la justice : « la justice a tellement pris un triste visage que je n’entends plus un certain nombre de propos qui nous sont sans cesse opposés. Je crois qu’aujourd’hui, les élus de la Corse, que nous sommes, doivent aussi prendre leurs responsabilités . Un rapport de force doit être posé, tranquille, serein, mais déterminé ». Elle exprime « la consternation de plus suscitée par cette décision, ce coup. Je crois que le peuple corse, au-delà des nationalistes, et nous avons pu voir des réactions au sein de l'hémicycle, ne peut plus entendre certains arguments. On parle de paix, de résolution de conflits, mais la paix n’est pas le renoncement, et la résolution de conflits ne prononce pas par disparition. Il faut poser des gestes forts. Aujourd’hui, un geste fort a été posé, il n’est pas en faveur de la paix ».
PNC- Avanzemu : « Il faut trouver les moyens de sortie de cette crise »
Stupéfaction et colère également chez Jean-Christophe Angelini. Le leader du PNC-Avanzemu avoue qu’il était « persuadé, comme de très nombreux Corses, que Pierre Alessandri allait retrouver la liberté, conformément au droit, après presqu’un quart de siècle de détention, et à la volonté populaire. Cette décision met brutalement fin à cet espoir. Elle nous inquiète profondément ». Il redit son soutien à Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et leurs familles, à l’ensemble des prisonniers politique : « Ce qui est en train de s’écrire sous nos yeux, à mon avis, sans surenchère, ni polémique d’aucune sorte, n’est en rien annonciateur de temps de paix ». Pour lui, il faut « parler sans délai entre nationalistes et au delà, entre sensibilités politiques très différentes, et examiner les voies et moyens de sortie de crise parce que cette décision est belle et bien synonyme d’entrée dans la crise. Elle vient impacter le processus, on ne peut pas faire comme si les deux étaient déconnectés. On ne peut pas dire que cette décision n’existe pas ! Il faut un débat ouvert, notamment entre les composantes du mouvement national ». Il n’exclut pas le fait que cette décision a peut-être pour objectif de porter atteinte aux discussions engagées, « peut-être même d’y mettre un terme avant même qu’elles débutent dans un état d’esprit assez ouvert jusqu’ici. Il faut considérer globalement les paramètres ».
Fa Populu Inseme : « Nous sommes confrontés à une épreuve de vérité de la volonté ou non de l’Etat d’avancer »
Pour le député Jean-Félix Acquaviva, élu de Fa Populu Inseme : « La décision politique ne fait aucun doute. On continue dans certaines sphères à réitérer la dimension politique d’une vengeance qui se perpétue et qui donne encore une fois la confirmation que l’on veut une prison à vie pour ces personnes. Cela intervient au moment où l’on nous dit que l’on peut parler de tout à travers un dialogue politique. Cela met à mal les fonds baptismaux de ce dialogue politique puisque cette injustice est flagrante, elle ne peut pas être acceptée, elle déshonore la République française au moment où il fallait des actes forts d’apaisement. De surcroît, le motif qui justifie le maintien en détention « troubles à l’ordre public » est inacceptable et insupportable ! On sait très bien que les manifestations ont été suscitées par le refus d’application du droit, et on invoque cela pour continuer à refuser le droit. C’est le signe d’une vengeance d’Etat obstinée qui ne se cache plus dans certaines sphères à l’encontre des bonnes volontés qui veulent avancer. La réconciliation par le dialogue passe par des actes forts, et un acte fort est l’application d’un droit simple qui vise à la libération conditionnelle de ces personnes qui ont payé et ont effectué une peine de prison conséquente. On se retrouve face à un mur qu’il faut dépasser, l’Etat doit montrer qu’il est capable de le dépasser parce que devant ce mur, il y aura forcément une réaction qu’on ne souhaite pas, on ne veut pas revenir dans des cycles passés qu’on a trop connu et qui se sont nourris de l’injustice. C’est une injustice flagrante et à l’Etat d’y répondre de manière rapide. Nous sommes confrontés à une épreuve de vérité de la volonté de l’Etat d’avancer ou non ».
La recherche d’une position commune
Un sentiment largement partagé dans les rangs de la droite et du groupe Soffiu Novu : « Nous partageons la même indignation dans la permanence de ce que nous avons dit. Un Etat de droit doit être animé d’un sentiment de recherche de pacification des esprits. Nous répétons ce que nous avons dit depuis des mois, nous avons le sentiment que ces deux personnes ont très largement payé la peine de leurs fautes et qu’ils doivent très rapidement retrouver la voie de la liberté », commente sobrement Jean Martin Mondoloni.
La séance suspendue, les groupes se sont, dans un premier temps, réunis chacun de leur côté avant la tenue d’une conférence des présidents pour essayer de trouver une position commune et de parler d’une même voix face à Paris.
N.M.
« Nous continuons dans une vengeance d’État mécanique et déterminée. Il y a quelques mois, la prison à vie se transformait en condamnation à mort pour Yvan Colonna. On a décidé que ces hommes devaient vieillir et mourir en prison. On a travesti la justice. On se sert du droit comme d’un artifice. Plus rien ne s’oppose à leur liberté, à leur libération. Ces hommes sont libérables en droit, leur détention est devenue une arme de vengeance », estime Josepha Giacometti-Piredda, élue de Corsica Libera. Pas question, pour elle, d’accepter l’argument de l’indépendance de la justice : « la justice a tellement pris un triste visage que je n’entends plus un certain nombre de propos qui nous sont sans cesse opposés. Je crois qu’aujourd’hui, les élus de la Corse, que nous sommes, doivent aussi prendre leurs responsabilités . Un rapport de force doit être posé, tranquille, serein, mais déterminé ». Elle exprime « la consternation de plus suscitée par cette décision, ce coup. Je crois que le peuple corse, au-delà des nationalistes, et nous avons pu voir des réactions au sein de l'hémicycle, ne peut plus entendre certains arguments. On parle de paix, de résolution de conflits, mais la paix n’est pas le renoncement, et la résolution de conflits ne prononce pas par disparition. Il faut poser des gestes forts. Aujourd’hui, un geste fort a été posé, il n’est pas en faveur de la paix ».
PNC- Avanzemu : « Il faut trouver les moyens de sortie de cette crise »
Stupéfaction et colère également chez Jean-Christophe Angelini. Le leader du PNC-Avanzemu avoue qu’il était « persuadé, comme de très nombreux Corses, que Pierre Alessandri allait retrouver la liberté, conformément au droit, après presqu’un quart de siècle de détention, et à la volonté populaire. Cette décision met brutalement fin à cet espoir. Elle nous inquiète profondément ». Il redit son soutien à Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et leurs familles, à l’ensemble des prisonniers politique : « Ce qui est en train de s’écrire sous nos yeux, à mon avis, sans surenchère, ni polémique d’aucune sorte, n’est en rien annonciateur de temps de paix ». Pour lui, il faut « parler sans délai entre nationalistes et au delà, entre sensibilités politiques très différentes, et examiner les voies et moyens de sortie de crise parce que cette décision est belle et bien synonyme d’entrée dans la crise. Elle vient impacter le processus, on ne peut pas faire comme si les deux étaient déconnectés. On ne peut pas dire que cette décision n’existe pas ! Il faut un débat ouvert, notamment entre les composantes du mouvement national ». Il n’exclut pas le fait que cette décision a peut-être pour objectif de porter atteinte aux discussions engagées, « peut-être même d’y mettre un terme avant même qu’elles débutent dans un état d’esprit assez ouvert jusqu’ici. Il faut considérer globalement les paramètres ».
Fa Populu Inseme : « Nous sommes confrontés à une épreuve de vérité de la volonté ou non de l’Etat d’avancer »
Pour le député Jean-Félix Acquaviva, élu de Fa Populu Inseme : « La décision politique ne fait aucun doute. On continue dans certaines sphères à réitérer la dimension politique d’une vengeance qui se perpétue et qui donne encore une fois la confirmation que l’on veut une prison à vie pour ces personnes. Cela intervient au moment où l’on nous dit que l’on peut parler de tout à travers un dialogue politique. Cela met à mal les fonds baptismaux de ce dialogue politique puisque cette injustice est flagrante, elle ne peut pas être acceptée, elle déshonore la République française au moment où il fallait des actes forts d’apaisement. De surcroît, le motif qui justifie le maintien en détention « troubles à l’ordre public » est inacceptable et insupportable ! On sait très bien que les manifestations ont été suscitées par le refus d’application du droit, et on invoque cela pour continuer à refuser le droit. C’est le signe d’une vengeance d’Etat obstinée qui ne se cache plus dans certaines sphères à l’encontre des bonnes volontés qui veulent avancer. La réconciliation par le dialogue passe par des actes forts, et un acte fort est l’application d’un droit simple qui vise à la libération conditionnelle de ces personnes qui ont payé et ont effectué une peine de prison conséquente. On se retrouve face à un mur qu’il faut dépasser, l’Etat doit montrer qu’il est capable de le dépasser parce que devant ce mur, il y aura forcément une réaction qu’on ne souhaite pas, on ne veut pas revenir dans des cycles passés qu’on a trop connu et qui se sont nourris de l’injustice. C’est une injustice flagrante et à l’Etat d’y répondre de manière rapide. Nous sommes confrontés à une épreuve de vérité de la volonté de l’Etat d’avancer ou non ».
La recherche d’une position commune
Un sentiment largement partagé dans les rangs de la droite et du groupe Soffiu Novu : « Nous partageons la même indignation dans la permanence de ce que nous avons dit. Un Etat de droit doit être animé d’un sentiment de recherche de pacification des esprits. Nous répétons ce que nous avons dit depuis des mois, nous avons le sentiment que ces deux personnes ont très largement payé la peine de leurs fautes et qu’ils doivent très rapidement retrouver la voie de la liberté », commente sobrement Jean Martin Mondoloni.
La séance suspendue, les groupes se sont, dans un premier temps, réunis chacun de leur côté avant la tenue d’une conférence des présidents pour essayer de trouver une position commune et de parler d’une même voix face à Paris.
N.M.