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Rémi-François Paolini fait le bilan de ses premiers mois en tant que recteur de l’académie de Corse


le Mardi 31 Décembre 2024 à 10:50

Depuis sa prise de fonctions en septembre dernier, Rémi-François a sillonné sans relâche les différents territoires de l’Académie de Corse pour aller à la rencontre de la communauté éducative et des élèves. À l’heure où 2024 se termine, il tire le bilan de ses premiers mois en tant que recteur.



(Photos : rectorat de l'Académie de Corse)
(Photos : rectorat de l'Académie de Corse)
- Trois mois après votre première rentrée en tant que recteur de l’Académie de Corse, quel est votre impression ?
- Mon premier sentiment, nourri depuis la rentrée de septembre par près d’une cinquantaine de déplacements dans nos écoles, collèges et lycées, dans l’ensemble des secteurs, c’est que nous avons une académie dynamique, avec des personnels très engagés dans la formation de notre jeunesse. Je note d’ailleurs que nous sommes l’une des académies où il y a eu un des taux les plus importants d’inscription au concours des professeurs des écoles : cela montre que le métier d’enseignant continue à attirer dans notre région. Je constate aussi que notre académie présente deux aspects essentiels : au regard de la mise en œuvre des grandes politiques nationales, nous sommes une académie comme les autres mais nous avons aussi des particularités fortes, notamment la dimension de la ruralité, l’école prioritaire et, bien sûr, l’enseignement de la langue corse.
 
- Comment se sont passés les premiers mois après la réforme du choc des savoir en 6ème et 5ème ?
- La mise en œuvre de la réforme du choc des savoirs s’est bien passée dans notre académie, d’abord parce qu’il y a eu une grande préparation en amont par nos deux inspecteurs d’académie en mathématiques et en français, puis grâce à un important travail de pédagogie et d’accompagnement qui a permis de mettre en place les groupes de besoin dans des conditions satisfaisantes et qui ont été bien comprises par les enseignants. Ce que nous avons ressenti, c’est qu’un certain nombre d’enseignants de mathématiques ou de français qui au départ n’étaient pas en faveur de cette réforme, semblaient convaincus de son bien-fondé au retour des vacances de la Toussaint. Quand on constitue les groupes, cela redonne de la visibilité à des élèves - notamment ceux qui ont des besoins importants - qui étaient jusque-là un peu noyés dans leur classe, dont les difficultés n’étaient pas forcément bien détectées et dont l’accompagnement a pu être amélioré. Cela permet de leur redonner confiance, et d’adapter la pédagogie pour les faire progresser. L’idée est que tous atteignent le niveau requis grâce à une pédagogie différenciée selon les groupes de besoin. Il y a d’ailleurs eu des changements de groupes après les vacances de la Toussaint.
 
- Comment se sont passées les évaluations dans l’Académie de Corse ?
- Il y avait eu au niveau national un peu d’interrogations avec la généralisation des évaluations.
En Corse cela s’est bien passé. En réalité, ce n’est pas du tout une atteinte à la liberté pédagogique des enseignants, mais cela leur permet d’avoir une photographie, de pouvoir se comparer, voir où se situe leur établissement par rapport au niveau national et ensuite de travailler en finesse au niveau de leur classe pour améliorer les choses. En Corse, ces évaluations sont bonnes pour le 1er degré, nous sommes dans les strates supérieures des académies. Globalement, ce qu’il faut retenir de ces évaluations 2024, c’est une amélioration. Concernant le français, nos résultats pour 2024 aux évaluations nationales, tant en quatrième qu’en sixième, se situent au-dessus de la moyenne nationale. Concernant les mathématiques, il y a quelques années, les résultats en classe de sixième étaient très faibles. Grâce à la mise en place du « plan maths » et à la formation des enseignants, les résultats sont en hausse depuis 2018 et cette année, pour la première fois, nous nous situons au-dessus de la moyenne nationale. Les résultats en quatrième restent pour l’instant au-dessous de la moyenne nationale mais la mise en place effective des groupes de besoin et le travail engagé sur la didactique disciplinaire devraient permettre de faire évoluer positivement les résultats des élèves de quatrième. Nous avons d’ailleurs déjà réduit l’écart avec la moyenne nationale de plus de deux points entre 2023 et 2024. Mais nous avons encore des progrès à faire, même si tout le monde progresse. Il reste des points d’attention sur lesquels nous allons mener un travail dans le cours de l’année. 
 

- On se souvient de plusieurs faits de violence perpétrés à l’encontre de professeurs et personnels de la communauté éducative l’année dernière. Quelles mesures ont été mises en place pour renforcer leur sécurité ?
- Il est vrai que ces faits existent aussi ici, mais beaucoup moins qu’ailleurs. De ce côté, nous sommes une académie qui est largement préservée. Depuis le début de l’année, nous avons eu trois situations graves à gérer. Par rapport à d’autres académies où il y en a tous les jours, cela reste limité. L’important c’est de traiter ces cas avec un soutien immédiat et fort pour les enseignants et la communauté éducative : on ne laisse rien passer. Comme cela leur a été demandé, les chefs d’établissement mettent en œuvre les instances disciplinaires auxquelles il appartient de donner les sanctions adaptées, et puis, quand les faits sont susceptibles de revêtir une qualification pénale, les faits sont signalés au procureur de la République, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. On a d’ailleurs eu un cas à la cité Montesoro au début d’année. Nous avons un très bon partenariat avec la justice, ce qui est essentiel. La rapidité de la réponse pénale sur des sujets comme celui-ci est importante pour les victimes, afin qu’elles voient qu’il y a des suites, mais aussi pour l’établissement et les autres élèves qui réalisent qu’on ne peut pas impunément insulter ou menacer un professeur, un personnel administratif, un agent de l’établissement ou un camarade de classe. C’est important aussi pour les élèves auteurs, pour les aider à prendre la mesure de ce qu’ils ont fait et leur permettre, on peut l’espérer, de corriger leur comportement pour la suite. À la suite de précédents incidents l’an dernier, trois groupes de travail avaient été mis en place sur la gestion des situations complexes ; nous avons en tiré le bilan à la fin de l’année, avec des propositions d’action très concrètes. Nous travaillons sur le rôle que chacun doit jouer, mais aussi sur le traumatisme qui peut être généré par de tels faits. Nous avons des contacts avec des partenaires pour l’accompagnement psychologique. Nous menons aussi, en lien avec les collectivités concernées, en premier lieu la Collectivité de Corse, un travail sur la sécurité des bâtiments. 
 
- En matière de harcèlement scolaire, quelles sont les avancées dans l’académie ? 
- Nous sommes vraiment une académie pilote. Au mois de septembre, nous avons réuni dans un grand séminaire à Corte, tous nos partenaires, notamment les deux procureurs de la République, avec lesquels nous avons signé la première convention de partenariat prise après la publication, à la fin du mois d’août, de la circulaire de la Chancellerie sur le sujet. Cette convention académique permet de fluidifier les relations et clarifier les procédures de donner les process. Le harcèlement, voire le cyberharcèlement, existent en Corse mais moins qu'ailleurs. Toutefois un cas, c'est toujours un cas de trop. L'an dernier, 102 faits étaient remontés, dont trois graves. La plupart des faits sont pris en compte très vite et réglés immédiatement dans l’établissement. Ce sujet est un point d’attention très important parce qu’en situation de harcèlement et du cyberharcèlement, ce sont des enfants qui sont en souffrance, qui ont du mal parfois à dire les choses, qui ne se confient pas. Cela les déstructure, conduit au décrochage scolaire, à des phobies scolaires, peut leur donner une perte de confiance pour la suite. Donc on ne peut pas laisser passer de tels faits. Il faut être présent. C'est un travail sans relâche et qui doit être poursuivi.
 
- Au-delà de la détection et du traitement, une meilleure prévention de ces faits de harcèlement est aussi nécessaire. Quel travail menez-vous en la matière ?
- Prévention, détection, traitement, ce sont vraiment les items sur lesquels nous travaillons et que nous souhaitons renforcer par des partenariats avec le barreau, avec la justice, avec les forces de l'ordre pour expliquer aux enfants ce qu’est le harcèlement, où il commence, pourquoi c’est grave… Ce qui est très important dans le dispositif, c'est qu'il y a aussi des jeunes qui parlent à d’autres jeunes. Ce sont nos élèves ambassadeurs. On voit que cela aide énormément. Nous sommes très investis, et nous travaillons aussi avec les associations Umani et l'association Jean Toussaint qui font un très gros travail.
 
- Quid des suites de la réforme de la voie professionnelle en Corse ?
Le sujet pour nous est de mieux faire connaître nos offres de formations et de favoriser la mobilité. Les jeunes ont encore des visions trop limitées des possibilités de formation. Par exemple, au lycée de Balagne, il existe une formation maintenance nautique, c'est un secteur extrêmement porteur. Mais si on ne sait pas qu’il y a cette offre de formation, on se prive de débouchés attractifs dans les nombreux ports de l’île. C’est pour cela que nous organisons des salons de l’orientation, pour faire connaître ces offres de formations, ouvrir les horizons des élèves qui parfois restent trop centrés sur leur micro-région. Chaque secteur géographique ne peut pas offrir toutes les formations professionnelles, que nous sommes obligés de répartir dans l'île. Donc, il faut aussi faire connaître et développer les possibilités d’internat et d’hébergement pour ouvrir davantage de perspectives. Et puis nous avons une académie qui survalorise encore trop, par rapport à d'autres académies, la voie générale et technologique, alors que certains élèves s’épanouiraient davantage dans une voie professionnelle. C’est un travail à conduire là encore avec les partenaires de l’académie, et notamment le milieu socio-économique. Ce sera l’un des chantiers du projet académique qui va nous mobiliser au premier semestre 2025.