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Restaurant éphémère de l’EREA : Entretien avec Dominique Campinchi et José Giovanni


Lydie Colonna le Samedi 12 Avril 2014 à 18:28

Cette semaine de rêve s’achève pour ces élèves de l’EREA qui ont pris le pari d’ouvrir un restaurant depuis lundi et de le faire tourner. « La révolte des animaux », c’est le nom de ce restaurant éphémère tenu par une vingtaine d’élèves de 3ème en enseignement adapté, issus pour la plupart des classes de 4ème Segpa (section d'enseignement général et professionnel adapté) du collège Arthur-Giovoni à Ajaccio. A l’heure du bilan nous avons rencontré, Dominique Campinchi, chargé de travaux et José Giovanni, professeur spécialisé, les deux piliers de ce projet qui, avec une équipe dynamique et motivée, ont porté à bout de bras leurs élèves pour les aider à mener à bien cette expérience.



Quelques élèves du projet "La révolte des animaux"
Quelques élèves du projet "La révolte des animaux"
- Demain s’achève cette semaine expérimentale d’ouverture d’un restaurant éphémère à Ajaccio pour une vingtaine de vos élèves, quel est votre bilan ? En terme de viabilité ?
- En terme de viabilité nous sommes au delà de nos espérances puisque nous avions fait un prévisionnel bas avec 20 couverts par jour, un moyen à 30 couverts et un super à 40. Tous les jours nous avons fait près de 50 couverts en refusant du monde. C’est donc complètement une réussite.

- En terme d’expérience pour les élèves ?
- Il y a de tout. Il y en a qui se sont absentés, ça c’est le côté négatif. Après ça reste des élèves, il ne faut pas non plus voir tout rose même si nous nous sommes là pour le côté rose du tableau. Maintenant il n’y a pas que du rose : ça se fait aux forceps. Ça reste des scolaires difficiles, je viens, je viens pas… je me dispute avec le copain… et puis après il y a le positif comme la petite Selma qui est là, qui est complètement valorisée à travers ce projet. Elle dépasse un handicap certain. Une autre, qui bégaie, qui a donc des difficultés dans sa vie quotidienne, qui a voulu être en salle et qui prend ses commandes, parlent aux clients, les sert. C’est le côté rose, et c’est pour ça que je travaille.
 
Avez-vous senti une évolution dans leur comportement par rapport au poste qu’ils occupent ?
) Pour certains oui. Pour tout ceux qui se sont invertit. D’abord ils ont fait des progrès dans le métier pour lequel ils n’avaient aucune formation. Ils sont plus à l’aise, quasi autonomes sur un petit service de 2 ou 3 tables.
Mais il y a aussi une évolution sur le savoir être. Ils ont su travailler ensemble, malgré les conflits. Il y a eu des moments difficiles mais contrairement à d’habitude, la dynamique du projet a permis à ce que tout le monde parvienne au-delà de ses contingences personnelles. Ils ont réussi, et ce doit être la première fois pour eux dans un projet d’école, à travailler ensemble, à aller ensemble dans la même direction. On entend de moins en moins « ah non ça c’est pas à moi de le faire ». C'est-à-dire que pour eux d’habitude un petit détail prend des proportions énormes. A ce niveau là ils ont progressés parce qu’ils ont appris à prendre de la distance avec le conflit. Et ça c’est assez positif.
Le groupe s’est soudé avec cette expérience et ça je pense que nous allons le retrouver dans la classe après.
 
Le premier objectif des élèves était de promouvoir le bio, est il atteint ?
- Je pense qu’ils ont été sensibilisés à la démarche. Je pense qu’il y a une prise de conscience pour eux. Maintenant sensibiliser les gens, peut être pas à travers nos élèves. Les gens ont été sensibilisés que nos élèves participent à cette démarche. Mais il ne faut pas oublié qu’au niveau de la communication oral, ces élèves sont limités et ne peuvent pas forcément argumenter même s’il y a une prise de conscience. Maintenant est ce que cela va rayonner, ça c’est un pari sur l’avenir.
 
- Et dans leur combat pour la protection des animaux ? Ont-ils réussi leur pari de sensibiliser la population ?
- Pareil. L’idée du restaurant végétarien part d’une étude de marché réalisée sur Ajaccio. Après il a fallu justifier ce choix auprès des clients. On leur a donné une grille de lecture des images qu’ils peuvent voir à la télévision. Par exemple, les poulets élevés en batterie dans des conditions horribles. Ils ne comprenaient pas trop pourquoi, on leur a amené une capacité à interpréter ce qu’ils voient. Maintenant ils savent pourquoi les poulets élevés en batterie ce n’est pas bon pour la santé, que la vache sous antibiotiques ce n’est pas bon non plus parce que les antibiotiques arrivent à l’être humain…

- Se sentent ils plus motivés pour le concours qui peut les conduire à renouveler l’expérience à Paris ?
- Pour l’instant on n’a pas eu le temps d’en parler. Il faut le préparer ce concours, préparer les cinq élèves qui vont devoir défendre ce projet. Motivés, je pense que oui. Ils ont pris vraiment du plaisir à travers cette affaire, ça les a valorisés et je pense qu’ils garderont cela en mémoire toute leur vie. Le concours est le 20 mai et je pense qu’on va avoir une équipe de cinq très motivée, d’autant plus qu’on a plein d’idées. Notre challenge était de s’amuser en le faisant, c’est fait et je pense qu’ils vont aussi s’amuser en le défendant. La cerise sur le gâteau se serait qu’on gagne le régional et qu’on puisse partir à Paris. Pour eux et pour nous ce serait formidable. Il ne faut pas oublié que ce sont des gamins issus de l’enseignement adapté qui se confrontent à d’autres issus de l’enseignement ordinaire. Donc si ils gagnent là c’est d’autant plus valorisant. Ca  leur montre aussi qu’ils sont dans un cursus où on réussi des choses. Et là déjà ils ont vu qu’ils ont réussi quelque chose, ils nous entendent parler quand on refuse 20 couverts par jour. En fait nous on a déjà gagné. Le concours ce serait la cerise sur le gâteau.
 
- Vous pensez avoir suscité des vocations ?
- On ne peut pas le dire encore. Chez certains peut être. Mais ça n’a jamais été le but. Pour nous c’est une aventure à part. ils font déjà des stages pour ça. Là c’était surtout pour vivre une aventure humaine.