La Saint-Valentin, célébrée chaque année le 14 février, représente un véritable hymne à l’amour où traditions et modernité se rejoignent. Originaire des calendes grecques, cette fête a traversé diverses phases – d’abord religieuse, puis païenne, pour devenir aujourd’hui une célébration commerciale. Le mythe de Saint-Valentin, mort en défenseur de l’amour et du mariage, alimente toujours la symbolique de la journée : roses rouges, dîners romantiques et cadeaux se substituent aux gestes d’antan. Les échanges de bouquets et de chocolats témoignent d’un rituel dont la portée s’est étendue aux réseaux sociaux, où les « like » et les déclarations d’amour publiques sont à la devenus règle.
Dans son ouvrage, « Mythologies d’une langue » le linguiste Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi consacre un chapitre au langage amoureux et examine en profondeur les expressions spécifiques à la culture corse. Son « répertoire du langage amoureux », recueilli auprès de locuteurs corses, met en évidence « une dichotomie dans la langue quant à l’évocation de la femme et de l’homme ». Il observe « un langage vert qui qualifie souvent ‘le sexe faible’ » et rappelle que « la femme était souvent considérée comme un ennemi dont il fallait se méfier ». À travers proverbes et expressions, « on se rend compte que la vieille société patriarcale était ancrée dans une guerre des sexes ». Cette pensée, telle que le langage la fige, a engendré des clichés. Aujourd’hui, on ne retrouve plus ces expressions ; c’est très archaïque comme pensée. La femme corse d’aujourd’hui, c’est la femme d’ailleurs. Lorsqu’on évoque le couple, parler d’amour était énormément cerclé de pudeur ».
Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi détaille ensuite la palette des émotions que la langue corse sait nommer : « Fà l’amore » signifie simplement faire la cour, tandis que « u basgiu » (le baiser affectueux) se distingue du « basgiu in bocca » (le baiser d’amour). Selon lui, si ces vocables amènent parfois des expressions grivoises, « le Corse n’ignore ni la passion, ni la tendresse, ni l’érotisme ». L’auteur s’arrête notamment sur « tene caru », le verbe ‘tene’ ayant un double sens : garder et aimer. Il permet un glissement sémantique : ‘si tene una donna’, il faut comprendre qu’il ‘se’ la garde comme maîtresse. De la femme, en revanche, on dira ‘si tene cù un tale’, ce qui suppose que l’homme possède et la femme aime ».
Au-delà de ces subtilités, « appassiunatu » est considéré comme un abus de terme dans le domaine sentimental : « Il arrive que l’on soit appassiunatu pour la chasse ou la politique, mais on ne saurait l’être pour une personne du sexe opposé ». L’auteur conclut en soulignant « qu’évoquer le ‘dire l’amour’ en Corse, c’est s’interroger sur les non-dits de l’amour. Le véritable discours amoureux se trouve au-delà d’une frontière où cesse toute parole ».