Que peut-on dire de l’architecture de l’emploi et du chômage en Corse ?
Le marché de l’emploi en Corse reflète fidèlement la structure économique de l’île. Le secteur touristique, qui domine largement, imprime une forte saisonnalité au marché du travail. De fait, la période de haute saison, d’avril à octobre, génère un afflux important d’emplois dans l’hôtellerie-restauration, les services et le commerce.
Quels sont les effets de cette saisonnalité sur les travailleurs ?
Cette dynamique saisonnière entraîne un phénomène de « double vitesse » : de nombreux travailleurs alternent entre des périodes d’activité intense et des phases de chômage. Durant l’été, l’île accueille environ 27 000 travailleurs saisonniers, principalement dans le tourisme, ce qui souligne le poids de ce secteur dans l’économie locale. L’hôtellerie-restauration représente à elle seule la majorité de ces emplois temporaires.
Quel est l’état actuel du chômage en Corse ?
Au troisième trimestre 2023, selon l’INSEE, le taux de chômage en Corse atteignait 7,2 %, avec des disparités notables entre la Corse-du-Sud (6,8 %) et la Haute-Corse (7,6 %). La répartition géographique de l’emploi accentue les inégalités : Ajaccio concentre 39 % des emplois de l’île, Bastia 35 %, tandis que les zones rurales de l’intérieur n’en regroupent que 8 %. Sur le littoral hors grandes agglomérations, on observe une part d’environ 18 % des emplois. La situation des jeunes reste préoccupante, avec un taux de chômage des moins de 25 ans atteignant 19 %. En revanche, les diplômés de l’enseignement supérieur bénéficient d’une meilleure insertion, avec 71 % d’entre eux en emploi un an après l’obtention de leur diplôme. Les dispositifs d’apprentissage et d’alternance jouent ici un rôle déterminant.
Quels secteurs dominent l’emploi en Corse ?
Le secteur tertiaire représente plus de 70 % des emplois insulaires (hôtellerie, commerce, tourisme, services aux entreprises, immobilier, transport, activités financières et assurances). Par ailleurs, la fonction publique joue un rôle stabilisateur essentiel, employant 31 % des salariés. En comparaison, le BTP, en difficulté sur le plan local comme national, représente un peu plus de 10 % des emplois. La répartition géographique accentue également les inégalités : Ajaccio concentre 39 % des emplois de l’île, Bastia 35 %, tandis que les zones rurales de l’intérieur n’en regroupent que 8 %.
Vous évoquez souvent que l’enchevêtrement des entreprises est une faiblesse structurelle de l’économie corse. Diriez-vous que le chômage est avant tout une conséquence de cette situation ?
Absolument. Si l’économie était plus dynamique, les entreprises seraient en recherche active de main-d’œuvre. Tout repose sur la consommation : pour que l’économie fonctionne, il faut écouler les marchandises. Cela génère du chiffre d’affaires, puis des résultats, du cash, et enfin des investissements. Mais pour cela, il faut des consommateurs dotés d’un pouvoir d’achat conséquent.
C’est d’ailleurs ce qui me surprend toujours quand j’entends que les avions sont pleins en saison. Pleins, oui, mais avec quel budget ? L’économie corse fonctionne comme un écosystème complexe, où l’interdépendance des acteurs crée à la fois une fragilité structurelle et une résilience particulière.
Le transport, par exemple, constitue la colonne vertébrale de l’économie insulaire. Ports, aéroports et routes régulent les flux économiques : approvisionnement des commerces, arrivée des touristes, acheminement des matériaux de construction, ou encore distribution des productions locales. Cette dépendance aux importations alourdit les coûts logistiques, avec des répercussions sur les prix. La saisonnalité complique encore les choses, avec des variations importantes dans les volumes à gérer.
Les artisans et PME locales sont particulièrement vulnérables dans ce système. Leur activité repose principalement sur la consommation locale et leurs marges, déjà limitées, subissent les contraintes du transport et des circuits de distribution. Hors saison, ces entreprises font face à une précarité financière chronique.
La commande publique joue alors un rôle stabilisateur crucial, notamment pour le BTP. Elle soutient l’activité hors saison et crée un effet d’entraînement sur les sous-traitants locaux. Mais la baisse des budgets des collectivités, combinée à l’arrêt des constructions à l’échelle nationale, porte un coup dur au secteur. La moindre diminution de la consommation locale déclenche un effet domino : chute des ventes au détail, réduction des commandes, contraction de l’emploi et baisse du pouvoir d’achat. Le cycle négatif est ainsi amplifié.
Dans ce contexte morose, certaines entreprises parviennent-elles à tirer leur épingle du jeu ?
Heureusement, oui. Malgré la dépendance structurelle et la saisonnalité, certaines entreprises démontrent une réelle capacité d’adaptation et d’innovation. Par exemple, dans le secteur agroalimentaire, plusieurs producteurs élargissent désormais leur distribution au-delà de la Corse, vers le continent ou l’international. C’est particulièrement vrai pour les vins, les spiritueux ou encore les produits du terroir. Le secteur touristique tente aussi de se réinventer. Si l’activité reste concentrée sur la période estivale, on observe des initiatives pour développer le tourisme d’affaires, le tourisme vert ou encore des séjours thématiques hors saison. Les résultats restent cependant mitigés.
Enfin, le secteur numérique et les services aux entreprises connaissent une certaine croissance, en captant des marchés nationaux tout en restant ancrés localement. Dans le BTP, certains acteurs se tournent vers l’éco-construction et la rénovation énergétique pour diversifier leurs activités.
Ce dynamisme montre qu’il est possible de créer de nouvelles opportunités, même dans un contexte économique marqué par des contraintes importantes.