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VIDEO - Festival de Cannes 2024. "Le Royaume": la vengeance corse entre fiction et réalité


CNI avec AFP le Mardi 21 Mai 2024 à 12:00

"Le Royaume", présenté au festival de Cannes, est une fiction qui plonge au coeur de la cavale d'un chef de clan corse avec sa fille, réalisée par le fils d'un "parrain" de l'île, mort en 2006, organisateur de la French Connection.



Photo Facebook Antony Morganti
Photo Facebook Antony Morganti
 
"Le projet à l'origine est né il y a un peu plus de six ans lorsque ma femme m'a annoncé qu'elle était enceinte", a confié à l'AFP Julien Colonna, 42 ans, dont le premier film - remarquable - a été présenté à Un certain regard. "Je me suis demandé quel enfant j'allais avoir et quel père j'allais tenter d'être et, inévitablement, j'ai aussi pensé à l'enfant que j'avais été et aux parents que j'avais eus", a-t-il expliqué. Julien Colonna est le fils de Jean-Jérôme Colonna dit "Jean-Jé", considéré par un rapport parlementaire de 1998 comme "le seul véritable parrain" alors en Corse. Il est mort en novembre 2006 dans un accident de voiture en Corse-du-Sud. Il avait notamment été condamné en 1978 à Marseille à 17 ans de prison pour avoir été l'un des organisateurs de la French Connection, puissante organisation criminelle spécialisée dans le trafic de drogue entre la France et les Etats-Unis. Mais son procès en appel, retardé pour des raisons mal expliquées, n'avait jamais eu lieu. Les faits ont été prescrits en 1985, année de son retour en Corse au terme de 10 ans de cavale en Amérique latine.
Dans le film, le père confie à sa fille avoir vengé son propre père assassiné: "ni fier, ni honteux, j'ai fait ce que j'avais à faire", dit-il en évoquant la vingtaine d'assassinats liés à cette vendetta, soit "24 ans avec du sang sur les mains".

"Fantômes déjà morts" 
A l'annonce de cette future paternité, livre le réalisateur, "un souvenir assez vif de mon enfance est remonté à la surface". "Je devais avoir 10-11 ans, j'étais avec mon père et des amis à lui dans un campement de fortune en Corse, en bord de mer, sur la côte sauvage (...) on pêchait, on discutait toute la journée, on dormait à la belle étoile, c'était la vie sauvage et, des années plus tard, j'ai compris que ce que j'avais pris comme une petite escapade familiale avait été quelque chose d'un tout autre enjeu pour mon père".
Coécrit avec Jeanne Herry ("Pupille", "Je verrai toujours vos visages"), ce film "puise dans une véracité d'un contexte qui est connu de tous les Corses" mais, ensuite, "on a fait un travail de pure fiction", "un travail de scénariste et non pas un travail de mémoire", précise Julien Colonna. Je voulais "écrire une relation entre un père et une fille qui seraient en cavale et qui tenteraient de se comprendre, de s'aimer", détaille-t-il.


"La plus belle expérience de ma vie"
Ce film repose sur le jeu bluffant de Ghjuvanna Benedetti, 22 ans, "en formation d'aide-soignante" et qui voudrait "entrer en école d'infirmière", dit-elle, même si ce film est "la plus belle expérience" de sa vie.
Saveriu Santucci, qui incarne son père, est "guide de haute montagne, conférencier et ancien recordman du GR20 avec son frère", continue le réalisateur. Ils ont été choisis parmi "des centaines de personnes" dans un casting sauvage en Corse.
"Pour Ghjuvanna, ça a été évident, je lui ai donné la réplique et j'ai vu exactement tout ce que je voulais voir", confie Julien Colonna, qui a voulu "dépeindre la machine de la voyoucratie dans son extinction programmée". "Montrer ces hommes qui sont des pénitents de leur propre vie, des fantômes qui sont déjà morts mais qui ne le savent pas encore" avec "un reflet un petit peu plus fidèle", "loin des fantasmes", a-t-il développé. "La seule chose que je sais faire, c'est écrire des histoires et faire du cinéma", assure Julien Colonna, qui affirme qu'il n'a "pas vengé son père" avec cette histoire "née de quelque chose de très intime mais qui se détache véritablement de toute forme de réalité".
La sortie en salles est prévue le 30 octobre.