Jacqueline Gourault, ministre chargée de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d'Etat au Tourisme.
« La venue des ministres, Jacqueline Gourault et Jean Baptiste Lemoyne, doit être l’occasion d’envoyer des messages forts et positifs sur des dossiers structurants ». A quelques heures de la venue en Corse de la ministre chargée de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du Secrétaire d'Etat au Tourisme, dans un contexte de relations toujours aussi tendues avec l’Etat et son représentant dans l’île, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse (CdC), Gilles Simeoni, se refuse à toute surenchère. Mais, dans le peu qu’il dit, il ne cache pas ses doutes : « La réussite dans la gestion de l’épidémie et la relance de l’activité économique et sociale passent nécessairement par le dialogue entre la Collectivité de Corse et l’Etat, et la définition de réponses fortes et adaptées aux intérêts de la Corse et de son peuple. Je suis toujours prêt au dialogue, mais il faut être sérieux et pragmatique. Il y a déjà eu de multiples échanges avec les cabinets et des échanges directs avec la ministre Jacqueline Gourault où nous avons fait remonter tous nos points de désaccord, et il est temps que l’Etat clarifie ses positions. J’attends des réponses claires sur ces problèmes-là, surtout par rapport à l’attitude particulièrement fermée du Préfet. Nous verrons bien… ». Un dialogue qui, s’il est loin d’être au point mort, pêche, du côté de l’Etat par une volonté affirmée et réitérée de passer outre l’échelon territorial, en Corse comme ailleurs. Et ce, au mépris de la loi de décentralisation de 1982 qui a supprimé la tutelle à priori sur les collectivités locales. Le préfet n'a, en principe, que la possibilité de saisir à posteriori le juge administratif des illégalités qu’il croit déceler dans la gestion des collectivités. Et surtout au mépris en Corse d’un statut particulier que le gouvernement macronien aimerait bien passer par pertes et profits et qui se double d’animosité antinationaliste et d’arrière-pensées électorales même pas voilées. La tension a atteint son acmé avec l’arrivée d’un nouveau locataire au Palais Lantivy, le préfet Pascal Lelarge, qui a déclaré de facto une guerre ouverte à l’Exécutif corse. C’est dire si cette double visite ministérielle s’annonce déjà minée, surtout à la lecture de son déroulé officiel livré par Paris et qui laisse perplexe.
Le bras de fer du PTIC
Les dossiers structurants sont au nombre de cinq et font tous l’objet d’un bras de fer avec l’Etat. Le plus tendu est celui du PTIC, cet épineux Plan de transformation et d’investissement pour la Corse dont le président de l’Exécutif corse dénonce, sur tous les tons, depuis plusieurs mois, la méthode, les modalités et une violation de la loi. L’Assemblée de Corse a même voté une délibération pour fixer ladite méthode. Doté d’une enveloppe globale de 500 millions €, le PTIC a pris la relève du PEI pour rattraper le retard historique de la Corse en matière d’infrastructures. La CdC ayant la compétence exclusive en matière de développement économique, d’infrastructures et d’aménagement du territoire, c’est sa vision stratégique qui est censée primer. La mise en œuvre du PTIC passe, donc, légalement par une cogestion avec l’Etat sur la définition des projets à retenir. L’Exécutif corse avait, donc, légitimement, validé avec l’ancien préfet Robine près de 800 millions € de projets dans des domaines-clé, tels que l’eau, l’assainissement, les routes, la multi-modalité, le ferroviaire… Un accord que le préfet Lelarge a superbement ignoré en décidant de contractualiser en direct avec les communes et intercommunalités pour exclure la CdC. Il a même carrément refusé de communiquer la liste des crédits engagés dans chaque opération retenue et dont la CdC doit assumer financièrement une partie. C’est dire l’ambiance ! On ne voit pas comment, dans ces conditions, le ministère de Mme Gourault peut annoncer, dans son programme, la signature, lundi matin, du PTIC et d’un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) avec la mairie et la Communauté d’agglomération de Bastia, tenues par deux élus nationalistes proches de Gilles Simeoni. A cette heure-ci, la signature avec Bastia et la CAB semble rien moins que compromise ! Et ce n’est pas tout ! Si on fait la somme des engagements pris par le Préfet, elle dépasse largement les 500 millions € de l’enveloppe arrêtée par le gouvernement et atteint déjà près d’1,3 milliard €, alors même que de nombreuses communes et intercos n’ont pas fait remonter leurs projets. Mais il est vrai que ce ne sont pas des crédits confirmés, juste des déclarations d’intention...
Les dossiers structurants sont au nombre de cinq et font tous l’objet d’un bras de fer avec l’Etat. Le plus tendu est celui du PTIC, cet épineux Plan de transformation et d’investissement pour la Corse dont le président de l’Exécutif corse dénonce, sur tous les tons, depuis plusieurs mois, la méthode, les modalités et une violation de la loi. L’Assemblée de Corse a même voté une délibération pour fixer ladite méthode. Doté d’une enveloppe globale de 500 millions €, le PTIC a pris la relève du PEI pour rattraper le retard historique de la Corse en matière d’infrastructures. La CdC ayant la compétence exclusive en matière de développement économique, d’infrastructures et d’aménagement du territoire, c’est sa vision stratégique qui est censée primer. La mise en œuvre du PTIC passe, donc, légalement par une cogestion avec l’Etat sur la définition des projets à retenir. L’Exécutif corse avait, donc, légitimement, validé avec l’ancien préfet Robine près de 800 millions € de projets dans des domaines-clé, tels que l’eau, l’assainissement, les routes, la multi-modalité, le ferroviaire… Un accord que le préfet Lelarge a superbement ignoré en décidant de contractualiser en direct avec les communes et intercommunalités pour exclure la CdC. Il a même carrément refusé de communiquer la liste des crédits engagés dans chaque opération retenue et dont la CdC doit assumer financièrement une partie. C’est dire l’ambiance ! On ne voit pas comment, dans ces conditions, le ministère de Mme Gourault peut annoncer, dans son programme, la signature, lundi matin, du PTIC et d’un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) avec la mairie et la Communauté d’agglomération de Bastia, tenues par deux élus nationalistes proches de Gilles Simeoni. A cette heure-ci, la signature avec Bastia et la CAB semble rien moins que compromise ! Et ce n’est pas tout ! Si on fait la somme des engagements pris par le Préfet, elle dépasse largement les 500 millions € de l’enveloppe arrêtée par le gouvernement et atteint déjà près d’1,3 milliard €, alors même que de nombreuses communes et intercos n’ont pas fait remonter leurs projets. Mais il est vrai que ce ne sont pas des crédits confirmés, juste des déclarations d’intention...
La feuille de route du tourisme
Deuxième dossier à l’ordre du jour de mardi : la feuille de route territoriale pour la relance du tourisme qui sera prochainement présentée à l’Assemblée de Corse. Sur ce point, les choses semblent un peu mieux engagées. Le Secrétaire d’Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne a, à plusieurs reprises, notamment en mai et en septembre 2020 à Bunifaziu, donné des garanties sur ce sujet. Il rejoint la totalité des huit actions spécifiques contenues dans la feuille de route élaborée par la présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC), Nanette Maupertuis, en collaboration avec les socioprofessionnels insulaires, Atout France et les services de l’Etat. Restent à acter leur concrétisation. En matière de formation, de CDI des saisonniers, de lutte contre le para-commercialisme, de défense des structures hôtelières ou de transition écologique, la Corse espère des mesures à la hauteur de ses attentes. Mais il y a, là aussi, un point litigieux : la modification du décret du 24 mars dernier qui a exclu, des mesures de prise en charge des coûts fixes, des dizaines d’entreprises insulaires implantées sur les territoires de montagne et de l’intérieur. Un sujet que l’Exécutif devrait remettre sur la table, tout comme les transports et la gestion des flux de touristes avec l’impérieuse nécessité, à l’aube de la saison estivale, de concilier sécurité sanitaire et attractivité touristique.
Le retard sur le plan Salvezza
Pas prévu au programme, l’Exécutif corse devrait, néanmoins, saisir l’occasion de discuter d’un autre dossier urgent où les attentes sont tout aussi fortes : le retard pris sur le calendrier du Plan Salvezza, voté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse le 27 novembre 2020, avec le soutien des Chambres consulaires et des socioprofessionnels. A la clé, des mesures d’aides aux entreprises corses qui font face à un mur de dettes, notamment une demande d’abandon d’une partie des remboursements dus au titre des PGE (Prêt garanti par l’Etat) et d’une partie des charges sociales et fiscales. Mais aussi des mesures de soutien à l’emploi, à la formation, à l’innovation… Lors d’une rencontre en préfecture le 17 février dernier, en présence de tous les partenaires, le Préfet Lelarge s’était dit ouvert à ces évolutions et avait annoncé un retour sous quinzaine, début mars. Depuis, rien de nouveau !
Deuxième dossier à l’ordre du jour de mardi : la feuille de route territoriale pour la relance du tourisme qui sera prochainement présentée à l’Assemblée de Corse. Sur ce point, les choses semblent un peu mieux engagées. Le Secrétaire d’Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne a, à plusieurs reprises, notamment en mai et en septembre 2020 à Bunifaziu, donné des garanties sur ce sujet. Il rejoint la totalité des huit actions spécifiques contenues dans la feuille de route élaborée par la présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC), Nanette Maupertuis, en collaboration avec les socioprofessionnels insulaires, Atout France et les services de l’Etat. Restent à acter leur concrétisation. En matière de formation, de CDI des saisonniers, de lutte contre le para-commercialisme, de défense des structures hôtelières ou de transition écologique, la Corse espère des mesures à la hauteur de ses attentes. Mais il y a, là aussi, un point litigieux : la modification du décret du 24 mars dernier qui a exclu, des mesures de prise en charge des coûts fixes, des dizaines d’entreprises insulaires implantées sur les territoires de montagne et de l’intérieur. Un sujet que l’Exécutif devrait remettre sur la table, tout comme les transports et la gestion des flux de touristes avec l’impérieuse nécessité, à l’aube de la saison estivale, de concilier sécurité sanitaire et attractivité touristique.
Le retard sur le plan Salvezza
Pas prévu au programme, l’Exécutif corse devrait, néanmoins, saisir l’occasion de discuter d’un autre dossier urgent où les attentes sont tout aussi fortes : le retard pris sur le calendrier du Plan Salvezza, voté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse le 27 novembre 2020, avec le soutien des Chambres consulaires et des socioprofessionnels. A la clé, des mesures d’aides aux entreprises corses qui font face à un mur de dettes, notamment une demande d’abandon d’une partie des remboursements dus au titre des PGE (Prêt garanti par l’Etat) et d’une partie des charges sociales et fiscales. Mais aussi des mesures de soutien à l’emploi, à la formation, à l’innovation… Lors d’une rencontre en préfecture le 17 février dernier, en présence de tous les partenaires, le Préfet Lelarge s’était dit ouvert à ces évolutions et avait annoncé un retour sous quinzaine, début mars. Depuis, rien de nouveau !
L’arrêté de dotation
Quatrième dossier brûlant : le reliquat de la Dotation de Continuité territoriale (DCT). Cette dotation, d’un montant de 187 millions d’€, est versée chaque année intégralement au mois d’avril. Son reliquat, 18 millions € par an en moyenne depuis 2016, est affecté par l’Exécutif corse au financement de projets structurants - ports et aéroports, routes et ferroviaires, développement de l’intérieur - dans les conditions définies par une loi négociée avec le ministre Baylet en fin de quinquennat Hollande. Conditions que le Préfet Lelarge remet en cause, exigeant désormais des justificatifs au versement de ladite dotation qui ne se fera plus que par paiement fractionnés. En d’autres termes, la CdC doit annoncer par avance les projets qu’elle envisage de financer avec le reliquat. Lors de la session du 21 décembre, Gilles Simeoni, fort en colère, avait alerté l’Assemblée de Corse qui s’en était, une fois n’est pas coutume, unanimement émue. Le tollé a été général. Il faut dire que cette décision préfectorale est une atteinte sans précédent aux compétences conférées par la loi et le statut particulier de la Corse et conduit à passer subrepticement d’un contrôle de légalité à posteriori à un contrôle d’opportunité à priori. L’Assemblée a suspecté le préfet de vouloir s’immiscer dans les choix qui relèvent de la libre décision d’une institution en exerçant un chantage financier et budgétaire. Cela n’a guère troublé Pascal Lelarge qui vient de prendre un arrêté organisant le paiement fractionné de la DCT, ce qui devrait, dans l’immédiat, priver la CdC de 30 millions € de trésorerie. L’Exécutif corse n’a pas encore réagi, mais ça ne devrait pas tarder !
Le financement du tri
Dernier dossier tout aussi corrosif : les déchets. La pomme de discorde porte sur le financement de la politique de tri généralisé à la source qu’entend mettre en œuvre la CdC. Le gouvernement avait pris l’engagement, certes oral, de conserver ouverte une ligne budgétaire de 40 millions €, affectée au secteur déchets dans le PEI, lequel a pris fin au 31 décembre 2020. Lors de la session du 26 février dernier, l’Assemblée de Corse avait demandé par délibération que cette ligne budgétaire soit utilisée pour financer la montée du tri généralisé à la source, notamment en soutenant financièrement les intercommunalités, y compris en fonctionnement. Une délibération dont le Préfet vient de contester la légalité, estimant le plan Déchets trop exigeant en matière de « juste dimensionnement des centres de sur-tri par rapport aux objectifs de tri ». De plus, il envisage de financer, avec des crédits du PTIC, les deux usines de sur-tri de la CAPA et de Monte, mais refuse de discuter avec la CdC de leur dimensionnement. Il y a fort à parier que Jacqueline Gourault sera interpellée sur cette question qui touche également aux choix stratégiques du pouvoir territorial. L’Exécutif corse, qui n’a pas l’intention de se laisser abuser, espère, sans y croire vraiment, que la visite ministérielle permettra d’avancer de façon significative sur ces cinq dossiers majeurs, de clarifier la position du gouvernement, de lever les blocages et les ambiguïtés, et surtout de stopper cette mécanique infernale de l’escalade préfectorale. Mais, à moins de deux mois de l’élection territoriale, rien n’est moins sûr !
N.M.
Quatrième dossier brûlant : le reliquat de la Dotation de Continuité territoriale (DCT). Cette dotation, d’un montant de 187 millions d’€, est versée chaque année intégralement au mois d’avril. Son reliquat, 18 millions € par an en moyenne depuis 2016, est affecté par l’Exécutif corse au financement de projets structurants - ports et aéroports, routes et ferroviaires, développement de l’intérieur - dans les conditions définies par une loi négociée avec le ministre Baylet en fin de quinquennat Hollande. Conditions que le Préfet Lelarge remet en cause, exigeant désormais des justificatifs au versement de ladite dotation qui ne se fera plus que par paiement fractionnés. En d’autres termes, la CdC doit annoncer par avance les projets qu’elle envisage de financer avec le reliquat. Lors de la session du 21 décembre, Gilles Simeoni, fort en colère, avait alerté l’Assemblée de Corse qui s’en était, une fois n’est pas coutume, unanimement émue. Le tollé a été général. Il faut dire que cette décision préfectorale est une atteinte sans précédent aux compétences conférées par la loi et le statut particulier de la Corse et conduit à passer subrepticement d’un contrôle de légalité à posteriori à un contrôle d’opportunité à priori. L’Assemblée a suspecté le préfet de vouloir s’immiscer dans les choix qui relèvent de la libre décision d’une institution en exerçant un chantage financier et budgétaire. Cela n’a guère troublé Pascal Lelarge qui vient de prendre un arrêté organisant le paiement fractionné de la DCT, ce qui devrait, dans l’immédiat, priver la CdC de 30 millions € de trésorerie. L’Exécutif corse n’a pas encore réagi, mais ça ne devrait pas tarder !
Le financement du tri
Dernier dossier tout aussi corrosif : les déchets. La pomme de discorde porte sur le financement de la politique de tri généralisé à la source qu’entend mettre en œuvre la CdC. Le gouvernement avait pris l’engagement, certes oral, de conserver ouverte une ligne budgétaire de 40 millions €, affectée au secteur déchets dans le PEI, lequel a pris fin au 31 décembre 2020. Lors de la session du 26 février dernier, l’Assemblée de Corse avait demandé par délibération que cette ligne budgétaire soit utilisée pour financer la montée du tri généralisé à la source, notamment en soutenant financièrement les intercommunalités, y compris en fonctionnement. Une délibération dont le Préfet vient de contester la légalité, estimant le plan Déchets trop exigeant en matière de « juste dimensionnement des centres de sur-tri par rapport aux objectifs de tri ». De plus, il envisage de financer, avec des crédits du PTIC, les deux usines de sur-tri de la CAPA et de Monte, mais refuse de discuter avec la CdC de leur dimensionnement. Il y a fort à parier que Jacqueline Gourault sera interpellée sur cette question qui touche également aux choix stratégiques du pouvoir territorial. L’Exécutif corse, qui n’a pas l’intention de se laisser abuser, espère, sans y croire vraiment, que la visite ministérielle permettra d’avancer de façon significative sur ces cinq dossiers majeurs, de clarifier la position du gouvernement, de lever les blocages et les ambiguïtés, et surtout de stopper cette mécanique infernale de l’escalade préfectorale. Mais, à moins de deux mois de l’élection territoriale, rien n’est moins sûr !
N.M.