La parole était résolument pluri-générationnelle. Aux côtés de leurs aînées, les plus jeunes avaient en effet été sollicitées, notamment via une représentante de l'Assamblea di a Ghjuventù, Sonia Battistelli, et une syndicaliste lycéenne, Marie-Alice Orlandetti, membre par ailleurs du groupe culturel I Maistrelli.
Joints à un riche fond iconographique mêlant photographies, cartes postales et représentations des femmes insulaires dans l'art, la publicité et la mode, la variété des sujets abordés mais aussi leur traitement, battant en brèche clichés éculés et discours manichéens, ont fait le succès de ces Journées.
Du combat actuel de militantes investies dans les Associations pour la défense du littoral, de l'identité corse et des Droits de l'homme, à des questions d'ordre historique, les conférences et débats ont porté sur des domaines très divers. L'éclectisme volontaire dans le choix des sujets était allié à une grande rigueur des contributions. C'est le cas des conférences portant sur la Préhistoire, la période médiévale, les figures féminines des Guerres d'indépendance, présentées par Jean-Marie Arrighi, de la contribution sur Suzanne Orsini, alias d'Aloisi, pionnière de la presse corse, exhumée de l'oubli par Christian Peri, sur les femmes dans les rituels magico-religieux, évoquées par Dumè Colonna, ou également sur les Résistantes. Antoine Poletti, membre du bureau de l'ANACR, et Angelica Catellaggi, coordinatrice Mémoire/Communication à l'Onac (Office des Anciens Combattants), ont réalisé un tour d'horizon magistral de ce champ de recherche, que Jackie Poggioli avait investi en ce qui concerne les femmes corses déportées, objet de son documentaire produit par ViaStella.
Par ailleurs, deux appels ont été lancés par Jackie Poggioli et Olga Natali. Le premier concerne la demande de rapatriement en Corse d'une statue insulaire du Néolithique, conservée au British Museum depuis plus d'un siècle. Découverte à Campu Fiureddu (commune de Grossa), elle est à ce jour la première représentation féminine attestée réalisée dans l'île. Sa petite taille est donc inversement proportionnelle à son importance historique et symbolique. La CTC a été expressément sollicitée pour la ramener... sur sa terre natale.
L'autre demande formulée par les organisatrices des Journées d'Aullene a pour objectif d'en finir avec la quasi invisibilité des femmes dans la dénomination des rues insulaires. A Ajaccio et Bastia, selon les recherches menées par Olga Natali et Jackie Poggioli, sur quelques 160 rues dont le nom évoque un personnage célèbre, 28 seulement renvoient à des figures féminines. Et encore: pour 15 d'entre elles, il s'agit en fait de ...saintes! Presque toutes les autres sont des membres de la famille impériale, rappelées en tant que telles.Seules trois femmes corses ayant eu un engagement politique, social ou culturel ont des rues à leur nom! Pour les organisatrices des Ghjurnati d'Auddè, cette marginalisation mémorielle des femmes, reflétée par leur absence quasi totale dans le marquage de l'espace public, doit cesser, comme a enfin cessé leur longue sous-représentation politique. Ainsi que l'Exposition le prouve, ce ne sont pas les figures féminines du Mouvement social, les héroïnes, les intellectuelles et les artistes féminines corses qui manquent! Gageons que les élus concernés prendront en considération cette revendication, en phase avec la mise en œuvre de la parité. Comme le rapatriement de la statue de Grossa, c'est donc une affaire à suivre.
Ces initiatives émanant d'Aullene, tout comme la qualité de ces Journées culturelles témoignent en tout cas du nouveau dynamisme qui se fait jour dans ce village. Relance depuis 2016 de la Foire de Sant'Antiocu, développement de manifestations sportives diverses, initiatives multiples des Associations Nanzi è oghji et Tutti in paesi, site internet et blog très dynamique: la localité de l'Alta Rocca recommence à faire entendre sa voix, qui fut si longtemps forte et atypique à bien des égards.