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Les brèves

Projet du téléphérique d’Ajaccio : La contribution à l’enquête publique de A Manca aiaccina  03/07/2023

Le texte : 



« En 2025, ici, sur terre, en mer, vous vous déplacerez autrement à
Ajaccio ».
Il reste deux ans pour que les Ajacciens, habitants et visiteurs, puissent
vérifier la pertinence de cette annonce alléchante et, aussi, très optimiste.
En 2019, le PDU était adopté et son élément majeur était le projet
« ANGELO », projet de téléphérique reliant le quartier St Joseph avec celui de
Mezzavia : présenté comme le dispositif central de la politique de « mobilité »
de la municipalité et de la CAPA, ce téléporté aurait, selon ses initiateurs, deux
objectifs : « améliorer la santé publique », en réduisant la pollution générée par
la mobilité (c’est à dire par l’utilisation excessive des véhicules à moteur) ; et
« fluidifier la circulation » en réduisant l’usage de la voiture.
Ces prétendus « objectifs » ne sont, en réalité, que des constructions
intellectuelles destinées à justifier le coût d’un équipement « aérien », original,
et potentiellement séduisant ; et, surtout, à faire oublier la faute politique qui
avait consisté à supprimer la voie routière directe Pietralba / Stiletto (bien
moins coûteuse, et prévue de longue date, pour relier ce grand quartier et les
nouveaux équipements du Stiletto, dont l’hôpital neuf).


Plutôt que de revenir sur une « promesse électorale » qui n’était qu’une
reculade sans gloire face à la mobilisation (très égoïste) de quelques dizaines
d’électeurs du quartier, il a été proposé une autre démarche « globale »
relative aux mobilités à Ajaccio, en incluant pour la partie orientale de la ville,
un équipement moderne, spectaculaire, qui pourrait flatter la vanité locale, et
faire oublier la faute initiale.
Si l’on prend la peine de revenir à la genèse du projet de téléporté, il
faudra convenir qu’il est assez « mal né », parce qu’il est le fruit d’une volonté
de camoufler ses motivations réelles derrière une réflexion générale
uniquement centrée sur les mobilités, sans analyse de fond sur le
fonctionnement urbain d’Ajaccio.
Au nom de La gauche municipale ajaccienne, Etienne Bastelica a déjà eu
l’occasion, à diverses reprises, devant le conseil municipal, de formuler les
réserves sérieuses qu’il émettait sur ce projet. Ces réserves s’enracinent dans
une exigence de diagnostic d’ensemble de notre espace urbain, sa
configuration particulière, les résultats des décisions antérieures relatives à son
aménagement, ses atouts et aussi ses contraintes. Par exemple, nous ne
voyons pas notre ville (comme le prétend bien trop schématiquement la
littérature destinée à justifier le choix du téléporté) divisée en deux zones, à
l’est et à l’ouest, qui s’ignoreraient et qu’il faudrait les relier par... un
téléphérique !
Nous préférons rappeler les grands principes d’aménagement fixés par
le Plan Local d’Urbanisme (PLU) adopté en 2013, annulé par le Tribunal
administratif de Bastia et (décision rarissime en Corse) réhabilité par la Cour
administrative d’appel de Marseille. Ces trois principes d’aménagement
tenaient compte de la configuration du territoire urbanisé d’Ajaccio et se
traduisaient concrètement dans le règlement : Protection-Valorisation dans la

partie ouest, de Capo di Feno-La Parata jusqu’au Parc Bertault ; Densification-
Requalification dans la partie centrale, du Parc Bertault au Boulevard Maréchal

Juin ; Renouvellement-Développement maîtrisé dans le secteur est, du
Boulevard Maréchal Juin au Stiletto-Mezzavia et au Vazzio. Ces principes
généraux permettent de conserver une vision équilibrée de l’aménagement
urbain qui respecte à la fois l’unicité du territoire, et la configuration
particulière et les caractéristiques propres de chacune de ses parties.

Visiblement, ce n’est pas ainsi que raisonne la majorité actuelle qui
voudrait accréditer l’idée que le téléporté pourrait avoir un effet curatif sur la
thrombose régulière de la circulation à Sarrola-Baleone, ou sur la route des
Sanguinaires ! Et nous n’évoquerons que pour mémoire la délivrance de permis
de construire qui ont aggravé la densification de l’habitat dans des zones mal
desservies...
S’agissant des mobilités, les arguments publics du maire, Stéphane
Sbraggia, en réponse à ses contradicteurs, ont pourtant été marqués par un
certain bon sens : le téléphérique ferait partie d’un ensemble de mesures
destinées à fluidifier le trafic automobile : couloirs bus, recherche de petits
emplacements disséminés dans le centre-ville pour créer de nouvelles places
de stationnement, minibus gratuits en centre-ville, agrandissement du parking
souterrain du Diamant, navette maritime... Rien de tout cela n’est inutile,
naturellement ; le téléphérique non plus.
Mais, ces propositions quel que soit leur intérêt technique, ne
représentent que de simples ajustements limités, localisés, et déconnectés
d’une vision globale des grandes tendances qui affectent le territoire et qui
engagent l’avenir de l’aménagement urbain : étendue de l’espace ajaccien et
croissance « tout en longueur » de l’urbanisation, système viaire notoirement
sous-dimensionné, déplacements domicile-travail toujours plus chronophages
du fait d’un arrière-pays de plus en plus résidentiel, création de nombreux
lotissements difficiles d’accès pour les transports publics...Bref, on ne perçoit
pas, malgré la réalisation ou la programmation d’équipements utiles, dans
quelle direction la majorité municipale veut orienter l’aménagement urbain.
« Préparer l’avenir », soit. Tout le monde comprend cette intention
louable. Mais de quel avenir s’agit-il ? Le téléporté, même s’il peut apporter à
la capitale régionale une note de modernité flatteuse, pourra - t - il répondre,
structurellement, aux besoins de la population en matière de fluidité du trafic
automobile ? Il aura sans doute une fonction localisée à l’est ; mais, on devrait
le vérifier dans quelques temps, il ne sera pas, hélas, l’instrument majeur de la
fluidité du trafic automobile à Ajaccio...


Pour ce qui concerne notre contribution à l’enquête publique, nous
refusons de nous laisser entraîner dans une polémique d’un autre âge où l’on
redouble de qualificatifs sommaires et définitifs (« inutile », « ruineux »,
« pharaonique », « curiosité touristique »...), sans rien proposer. En revanche,
nous émettons de sérieuses réserves sur la démarche d’ensemble, car, à notre
avis, cet équipement ne pourra pas atteindre les objectifs qu’on lui assigne. La
réflexion urbaine de la majorité municipale ne nous paraît pas à la hauteur des
enjeux et des défis que notre ville doit relever.
Une remarque pour conclure, provisoirement, notre propos : quand la
CAPA annonçait fièrement que « en 2025, ici, sur terre, en mer, vous vous
déplacerez autrement à Ajaccio » son engagement sera peut-être tenu, même
si, vraisemblablement, ce ne sera pas en 2025 !
Pourquoi ? Parce qu’ elle a promis que nous nous déplacerions
autrement. Pas que nous nous déplacerions mieux !

Etienne BASTELICA, conseiller municipal d’Ajaccio ;
Jean-Marc Ciabrini, ancien conseiller municipal d’Ajaccio ; Paul Antoine
Luciani, ancien premier adjoint au maire.