
À un an du scrutin municipal, le vote du budget primitif 2025 de la Ville d’Ajaccio, dernier de la mandature, s’est déroulé dans une atmosphère électrique. Les échanges se sont d’abord tendus lors de la présentation du rapport annuel de la SPL Ametarra, avant de franchement s’enflammer au moment du budget, exposé par Pierre Pugliesi, adjoint aux Finances. « Malgré une nette baisse des dotations, notamment de la Collectivité de Corse, nous maintenons le cap des investissements avec près de 28 millions d’euros programmés sur 2025, a-t-il souligné. Entre 2015 et 2025, plus de 285 millions d’euros ont été investis par la Ville, dont 130 millions en aménagements urbains et voiries. Ajaccio n’a plus du tout le même visage depuis notre arrivée. » Le budget fait également apparaître une hausse des charges de personnel de 4,9 % — « pour des raisons exogènes » — et une épargne brute à 7,3 %. Avec une dette évaluée à 86 millions d’euros, la capacité de désendettement est fixée à dix ans. « Nous avons tenu la barre malgré les difficultés », a conclu l’élu.
« C’est un budget de campagne électorale ! »
L’opposition municipale ne partage pas cette lecture. Jean-André Miniconi a été le premier à contre-attaquer : « Je suis très inquiet. Les dépenses de fonctionnement augmentent, les recettes baissent. Votre épargne nette est négative. On ne peut pas accumuler les déficits chaque année sans réagir. Vous tenez grâce à la subvention de la CAPA, qui vous apporte 20 millions d’euros par an. »
Danielle Antonini s’est alarmée d’un « nouvel emprunt de 10 millions d’euros », d’une « hausse de 15 % des charges de personnel en trois ans » et de « subventions en constante augmentation pour la Muvistrada ». Pour elle, « tous les ratios se dégradent, la situation devient inquiétante et rien n’est fait pour infléchir la trajectoire. La Ville est au bord de la faillite. »
Jean-François Casalta, enfin, y voit une manœuvre électorale : « C’est un budget de campagne électorale ! On nous dit que tout va bien, mais nous avons une vision radicalement différente. Heureusement que vous investissez, c’est votre rôle. Mais tout repose sur la dette. Est-ce vraiment si vertueux ? » Et de conclure, cinglant : « Votre bilan est-il si positif ? Est-ce qu’on se loge mieux à Ajaccio ? Est-ce qu’on circule mieux ? Peut-on se garer facilement ? Non seulement ces problèmes persistent, mais ils se sont même aggravés. »
Laurent Marcangeli, le Ministre de la Fonction Publique, n’apprécie pas et répond à l’opposition, avant un vif échange avec Basiliu Moretti: « J’observe un réveil particulièrement tonique chez tout un tas de personnes que j’ai trouvé silencieux par le passé, lorsqu’il s’agissait d’évoquer Ajaccio (…) Alors oui nous sommes en campagne électorale. J’ai entendu le réquisitoire de nos 11 ans de mandature. Concernant la CAPA, encore heureux qu’elle contribue à financer la Ville d’Ajaccio au vu des charges de centralité de notre ville par rapport aux neuf communes ! Concernant le bilan et les transformations d’Ajaccio, si quelques-uns ne veulent pas les voir, je vais leur rafraichir la mémoire : la route des Sanguinaires, le Cours Napoléon, la Place Campinchi, Sampiero, Place Diamant, le Casone l’Avenue Beverini, l’ANRU avec les Salines et les Cannes, etc… On a refait des stades de football dans les quartiers prioritaires. Ce n’est pas rien. Il y a une forme d’aveuglement qui n’est pas en phase avec la réalité ».
Mais, c’est finalement Alexandre Farina, qui va mettre le feu aux poudres, en défendant ardemment le bilan de la Majorité et en pointant l’absence de l’opposition en séance municipale ces derniers mois : « Notre opposition s’est réveillée après cinq années d’absence, de silence et de sièges vides. Vous n’étiez pas là ». Jean-Paul Carrolaggi proteste, le premier adjoint lui répond : « Vous n’êtes venus qu’une seule fois en 2024 et nous avons tous fini à Aspretto (en référence aux convocations de conseilleurs municipaux suite à l’affaire de la villa Simongiovanni, dénoncé à la Préfecture par Jean-Paul Carrolaggi). Je n’aurais jamais pensé qu’un nationaliste corse nous envoie devant les gendarmes (…) Si vous pensez que nous sommes des voleurs, moi je pense que vous êtes un indic’ ! » avant de s'en prendre à Danielle Antonini : "Au regard du désastre budgétaire de vos amis, avec 1,2 milliard d'euros de dettes, mon ami Jean-Christophe Angelini a parlé de naufrage, je pensais que vous auriez eu plus de décence. Nous, nous aurons un bilan à défendre à l'issue du mandat, pas sûr qu'il en soit de même pour tout le monde."
La température monte alors de plusieurs degrés dans la salle. De vifs échanges rappelant les joutes électorales de la dernière mandature éclatent ensuite entre notamment Laurent Marcangeli et les membres de l’opposition. Cris et invectives se font entendre dans la salle, Stéphane Sbraggia, Maire d’Ajaccio et Président de séance, tente alors de ramener le calme. En vain. Le refus de donner la parole à Jean-Paul Carrolaggi, « chaque fois que je vous donne la parole, les débats dérapent », sonne le départ des cinq membres de l’opposition dans la confusion et la tension. La bataille des élections municipales de mars 2026 est d’ores et déjà lancée dans la cité impériale.