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9 septembre 1943 : Bastia première ville libérée de France avant Ajaccio


La rédaction le Lundi 9 Septembre 2024 à 07:45

Il y a 81 ans, jour pour jour et presque heure pour heure, Bastia devenait la première ville française à se libérer du joug nazi. Quelques heures plus tard, Ajaccio rejoignait cette liberté, mais avec une distinction notable : aucun combat n’a secoué la cité impériale. Bastia, en revanche, fut ravagée par les explosions et la violence durant toute une nuit. Bien que pour beaucoup Ajaccio soit perçue comme la première ville libérée de France, la réalité est différente, ne serait-ce que pour quelques jours.



Sylvain Gregori, directeur du musée de Bastia détaille les combats qui ont permis à Bastia de se libérer de l'occupation nazie.
Sylvain Gregori, directeur du musée de Bastia détaille les combats qui ont permis à Bastia de se libérer de l'occupation nazie.

Pour comprendre la libération de la Corse, qui a débuté le matin du 9 septembre 1943, il est essentiel de remonter de quelques mois en arrière. Le 25 juillet 1943, à 22h45, la radio italienne annonce la démission du « Duce » Benito Mussolini, marquant l’effondrement du régime fasciste italien. « Après la chute de Mussolini, la signature de l’armistice n’était plus qu’une question de jours. Et ça, tout le monde le savait », explique Sylvain Gregori, directeur du musée de Bastia et spécialiste de la résistance corse, nous éclaire sur ces événements historiques. La résistance corse, sous la houlette du Parti Communiste Français et du Front National, se prépare pour le soulèvement. À Bastia, Léo Micheli et Raoul Benigni dirigent les opérations.

Le 8 septembre 1943, à 19 heures, la radio annonce enfin la signature de l’armistice entre l’Italie et les Alliés. Cette nouvelle, bien que tardive, provoque une vague d’espoir à Bastia. Le peuple se rassemble dans les rues, célébrant la fin imminente de la guerre. Coïncidence du calendrier, le 8 septembre est également la fête de la Nativité de la Vierge Marie, une célébration importante en Corse. « Beaucoup de témoignages de l’époque s’accordent à dire que les Bastiais attribuent la signature de l’armistice à la Vierge Marie », précise Sylvain Gregori.

Premiers affrontements entre Italiens et Allemands
Le même soir, un plan secret est mis en place par les Allemands pour désarmer les Italiens, leurs anciens alliés. À Bastia, les troupes allemandes tentent de s’emparer des navires italiens, mais les Italiens, désormais alliés des Corses, résistent avec acharnement. Des combats éclatent dans le port, marquant le début de la nuit sanglante du 8 septembre. « Les Italiens prennent finalement l’avantage et capturent des centaines de soldats allemands », relate l'historien.

L’insurrection éclate
Aux premières heures du matin du 9 septembre, la résistance corse passe à l’action. Les forces menées par Léo Micheli et Raoul Benigni prennent rapidement le contrôle des points stratégiques de Bastia. Quant aux Italiens, ils soutiennent discrètement leurs nouveaux alliés. « Certains Italiens étaient même invités à écouter clandestinement Radio-Alger avec les Corses », raconte Sylvain Gregori. Cependant, cette alliance n’a pas toujours été paisible. À la fin juillet 1943, plus de 150 Corses avaient été arrêtés par les Italiens sous des prétextes fallacieux. Pourtant, à l’approche de l’armistice, les soldats italiens, démoralisés, n’avaient plus qu’un seul souhait : rentrer chez eux.

La libération d'Ajaccio, sans violence
Le même jour, à Ajaccio, les résistants appliquent leur plan d’insurrection. Mais, contrairement à Bastia, aucun combat n’éclate. « Les Allemands sont peu nombreux dans la cité impériale, leur priorité étant de reprendre le port de Bastia », explique Gregori. Ainsi, Ajaccio se libère sans violence, une scène presque théâtrale jouée devant la préfecture.

L’assaut allemand sur Bastia
Le 12 septembre, les Allemands lancent une offensive pour reprendre Bastia. La bataille de Casamozza fait rage, mais après de violents affrontements, la colonne de blindés allemands parvient à avancer vers Bastia. « Les Allemands mettront une journée entière pour parcourir les 20 kilomètres entre Casamozza et Bastia », précise Sylvain Gregori. Bastia, déserte, attend une nouvelle fois son sort.

Occupation allemande et libération définitive
Le 13 septembre, Bastia retombe sous occupation allemande. « Ce fut une occupation paradoxale, marquée à la fois par la terreur, mais aussi par des gestes d’humanisme de certains soldats allemands », raconte le directeur du musée de Bastia. Cette occupation ne durera cependant qu’un mois. Le 4 octobre 1943, la Corse est définitivement libérée.

Bastia, première ville corse à être libérée le 9 septembre 1943, retrouvera sa liberté pour de bon le 4 octobre, après la prise de Teghime. « Bastia restera la capitale de la résistance insulaire », conclut Sylvain Gregori, rappelant que cette ville, marquée par la guerre, symbolise la lutte héroïque de tout un peuple pour sa liberté.

(Cet article a initialement publié le 9 septembre 2021)

Une colonne de Tabors du 2ème GTM progresse vers le port de Bastia à la fin de l’opération « Vésuve » menée pour la libération de la Corse. Crédit photo FONDATION CHARLES DE GAULLE
Une colonne de Tabors du 2ème GTM progresse vers le port de Bastia à la fin de l’opération « Vésuve » menée pour la libération de la Corse. Crédit photo FONDATION CHARLES DE GAULLE