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A Via San Martinu : Sur les pas de saint Martin, l’Itinéraire culturel européen va relier la Corse à Albenga


Nicole Mari le Vendredi 11 Juin 2021 à 10:58

L’Assemblée générale des 14 centres culturels européens saint Martin s’est tenue, pour la première fois, cette année, à Bastia, à la Chambre des territoires sous la présidence de Christian Andreani, président d’u Centru culturale San Martinu Corsica et président dudit réseau pendant plus de deux ans. L’occasion de faire le point sur les avancées d’A Via san Martinu dans l’île, notamment sur le nouvel axe maritime qui pourrait se développer entre Patrimoniu, la commune d’Albenga et l’île de Gallinara en Ligurie. Un chemin interactif qui pose plus que jamais la Corse comme la porte d’entrée de l’Itinéraire culturel européen, A Via sancti Martini, en Méditerranée.



L’île de Gallinara en Ligurie, lieu d’exil de saint Martin pendant trois ans, est en train d’être rachetée par l’Etat italien pour en faire une réserve naturelle et la protéger de la spéculation immobilière. Photo Jean-Baptiste Andreani.
L’île de Gallinara en Ligurie, lieu d’exil de saint Martin pendant trois ans, est en train d’être rachetée par l’Etat italien pour en faire une réserve naturelle et la protéger de la spéculation immobilière. Photo Jean-Baptiste Andreani.
La réunion aurait du avoir lieu en mai 2020, mais crise sanitaire oblige, elle a été repoussée d’un an. C’est, donc, à Bastia, comme prévu que s’est tenue, il y a quelques jours, l’Assemblée générale annuelle du réseau des 14 Centres culturels européens saint Martin répartis sur 11 pays, en visioconférence de la Chambre des Territoires. Un lieu tout à fait symbolique et représentatif de la Via sancti Martini, le chemin de saint Martin, l’Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe, dont le principe même est de traverser les territoires sous l’égide du saint patron de l’Europe qui fut, au 4ème siècle de notre ère, le préfigurateur de cet espace communautaire fondé sur des valeurs de partage et de solidarité entre les populations. « La Via Sancti Martini relie l’Europe d’Est en Ouest par 4 grands chemins sur 2500 kms, à partir de Szombathely, la ville natale de saint Martin, jusqu’à Candes-Saint-Martin, la ville de sa mort, via Pavie, la ville de son enfance, Milan, la ville de son premier ermitage, et Tours, la ville de son épiscopat et de son tombeau. Elle traverse la chaine des Alpes, emprunte la via Francigena de Pavie à Aoste et les voies romaines du IVème siècle avec des étapes à Ljubljana, Venise, Peschiera-del-Guarda, Milan, Aoste, Lyon, Albertville, Vienne, Roanne, Chinon, Poitiers… Soit, au total, 11 pays : Hongrie, Croatie, Slovénie, Slovaquie, Italie région Lombardie, Italie région Vénétie, Corse, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, France… », rappelle Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica, et président du réseau depuis plus de deux ans. A Bastia, il a passé le flambeau de la présidence du réseau à son confrère du Centre saint Martin de Beveren, près d’Anvers, commune de Flandre en Belgique. C’est dire toute l’ampleur de ce chemin !

Christian Andreani devant une des colonnes de granit qui viendraient de Corse. Photo JB Andreani.
Christian Andreani devant une des colonnes de granit qui viendraient de Corse. Photo JB Andreani.
Le chemin historique
Les Centres culturels Saint Martin, déjà ouverts dans onze pays, forment un réseau européen très connecté qui n’aspire qu’à s’étendre sur les pas de saint Martin. Christian Andreani revenait, d’ailleurs, tout juste d’un voyage qui l’a mené de Monaco à Imperia et Albenga en Ligurie. A Imperia, il a été reçu par le maire Claudio Scagliola, Gianni de Moro, et la confrérie San Pietro de Porto Maurizio. A Albenga, il a, avec Antoine Selosse, président du centre culturel européen Saint Martin de Tours et Délégué général du réseau européen des centres culturels, rencontré le maire Riccardo Tomatis, son adjoint Alberto Passino, le délégué à la valorisation de l’île Gallinara, Giorgio Cangiano, et le responsable de l’Office du Tourisme, Selene Pollini. « Un voyage important où, à Albenga, nous avons aussi rencontré Don Mauro Marchiano, le directeur du musée Diocésain et du Baptistère, l’historienne Josepha Costa Restagno et le professeur Giorgio Barbaria », précise Christian Andreani. Le but était de poser les jalons de la création d’une nouvelle étape de l’Itinéraire dans un lieu hautement historique : « L’itinéraire, aujourd’hui, passe déjà par les villes de Milan et de Pavie. L’idée est de relier ces étapes à la Méditerranée par le parcours historique qui a mené saint Martin en Ligurie, plus précisément à Albenga où il a séjourné sur l’île de Gallinara qui a été son lieu d’exil pendant trois ans avant qu’il ne fonde la première abbaye d’Occident, Ligugé près de Poitiers, et ne devienne ensuite évêque de Tours. Nous allons commencer là-bas un pré-inventaire du patrimoine martinien pour développer la partie maritime de l’itinéraire, un axe méditerranéen à partir de la Corse. Notre voyage a été le catalyseur de la relance de ce lien entre la Ligurie, la Corse et le reste du réseau européen de saint Martin. C’est la Corse qui est allée en Ligurie, pas l’inverse ! », se réjouit-il. « Ce chemin sera interactif entre la Ligurie et la Corse et le reste du Réseau européen de saint Martin. Il permettra d’expliquer beaucoup de choses de l’histoire de la Corse qui restent encore méconnues, par exemple la création du premier Aiacciu ligure au XIIIe siècle. Le baptistère d’Albenga a été construit au Ve siècle avec des colonnes de granit qui viendraient de Corse. On connait peu cette histoire qui s’étend sur 1700 ans ».

Un axe méditerranéen
L’idée, donc, est de continuer, pas à pas, à étendre l’Itinéraire en rayonnant par voie de mer ou voie de terre. « Je pense que saint Martin n’a jamais repris les mêmes voies romaines à l’aller et au retour, par exemple la Via Augusta, Il serait intéressant d’étudier cela, dans la partie scientifique et universitaire qui accompagne le développement de l’Itinéraire. Le culte de Saint-Martin a dû se propager à partir de sa venue à Albenga, peut-être en bateau vers la Corse, peut-être par la voie romaine vers la Côte d’Azur. La voie longe les bords de la Méditerranée et lie les différents pays qui ont une façade maritime : l’Italie avec la Ligurie, la France avec la Corse, et Monaco évidemment. Le patrimoine immatériel et la légende circulent avec la venue de saint Martin en Corse », estime Antoine Selosse. L’Assemblée générale à Bastia a, d’ailleurs, été suivie d’un colloque international sur le culte du saint dans ces trois pays. « Elle a, aussi, permis au réseau de se repositionner en fonction de ses avancées. Christian Andreani et la présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC) ont annoncé la mise en place de la Via San Martinu qui sera la continuité de la Via sancti Martini avec un parcours qui va aussi du Nord au Sud et se faire étape par étape ». Les trois grands parcours européens sont déjà géolocalisés et empruntés par des marcheurs. A Via Caesar Augustana relie Saragosse, la capitale de l’Aragon à Tours, via les Pyrénées et Bordeaux. A Via Treverorum part de Trèves en Allemagne, traverse le Luxembourg puis la Belgique en direction de Paris vers Tours. A Via Trajectensis part d’Utrecht aux Pays-Bas, une cité qui lui est totalement dédiée, passe par Beveren en Belgique, région Flandre, jusqu’à Amiens, la ville où Martin partage son manteau avec un pauvre, avant de poursuivre jusqu’à Paris, puis Tours. Pour sa part, U Centru culturale San Martinu Corsica a présenté un film de promotion d’a Via San Martinu Corsica, réalisé avec le soutien de l’ATC.

La présidente de l’ATC, Nanette Maupertuis, entourée notamment de Christian Andreani, de Michel Rossi, maire de Ville-di-Pietrabugnu, et d'Antoine Selosse à la Chambre des territoires à Bastia.
La présidente de l’ATC, Nanette Maupertuis, entourée notamment de Christian Andreani, de Michel Rossi, maire de Ville-di-Pietrabugnu, et d'Antoine Selosse à la Chambre des territoires à Bastia.
Un parcours touristique
La présidente de l’ATC, présente à la réunion, n’a pas caché son enthousiasme : « L’ATC s’est engagée fortement pour soutenir u Centru culturale San Martinu sur ce projet d’Itinéraire culturel européen lié à Saint-Martin de Tours qui est très vénéré sur notre île ». Un engagement à multiples intérêts. « Le premier, évidemment, est patrimonial. L’héritage martinien est très important en Corse, nous souhaitons le mettre en valeur en collaboration avec la Direction du patrimoine de la Collectivité de Corse. Le deuxième est touristique parce qu’un parcours de ce type apporte une offre touristique nouvelle, inscrite dans la perspective d’un tourisme durable et dans la nécessité de rééquilibrer les flux dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace parce qu’a Via San Martinu en Corse ne concerne pas que le littoral : plus de 110 communes abritent un objet patrimonial, matériel ou immatériel, relevant de l’héritage martinien. Dans le temps, parce que ces parcours-là peuvent être suivis, pas vraiment pendant les fortes chaleurs, mais plutôt au printemps ou à l’automne, donc hors saison. Ce qui permettra de rallonger la saison dans des territoires ruraux et de l’intérieur qui ont aussi besoin de fréquentation touristiques avec les activités culturelles, d’hébergement et de restauration qui vont avec ». Le troisième intérêt, poursuit la présidente de l’ATC, est environnemental : « C’est un itinéraire écologique dans le sens de la mobilité douce avec une empreinte carbone très faible, ce qui va permettre d’entretenir des sentiers. C’est très positif. Enfin, il y a un intérêt économique évident pour l’intérieur notamment et pour l’attractivité de la Corse puisque le réseau est connecté à onze pays européens, donc, là aussi, c’est très positif ! En tant que conseillère exécutive en charge des affaires européennes, je suis ravie que la Corse soit raccordée à ce parcours européen qui permet d’ouvrir encore plus la Corse sur le reste de l’Europe, de la connecter notamment vers le Nord et l’Est. Sans oublier, évidemment, la défense de valeurs communes européennes fondées sur l’héritage martinien, la solidarité, le partage, le respect mutuel et l’interconnaissance entre les peuples. Des valeurs essentielles dans le contexte que nous connaissons et qu’il est important de rappeler ».
 
La bande bleue et citoyenne
A Via sancti Martini promeut effectivement un nouveau modèle de tourisme axé sur le concept de « Bande verte et citoyenne », une bande de dix kilomètres à droite et à gauche du chemin où doit se développer un écotourisme citoyen, solidaire, durable et responsable, moteur de nouveaux comportements et d’une nouvelle économie. « Un tourisme lent et de citoyenneté s’appuyant sur la valeur du Partage citoyen avec pour ambition de faire émerger des pratiques qui vont au-delà de celles communément développées autour des chemins de randonnée. L’objectif est de faire de ce parcours, un chemin du XXIe siècle : exemplaire, éthique, social et environnemental…, un lieu de partage et d’échanges entre les locaux et les passants autour de projets concrets se structurant en relation avec l’Homme et la nature », explique Antoine Selosse. La « Bande verte et citoyenne » deviendrait sur le parcours en mer : « la Bande bleue et citoyenne : La Corse est un point stratégique en Méditerranée et est au cœur des enjeux de demain en matière de protection de la biodiversité. La Bande bleue peut être une opportunité importante, l’occasion de mettre en place une politique exemplaire en matière environnementale », déclare Christian Andreani. En attendant, la première étape terrestre d’a Via san Martinu entre Patrimoniu et Ville-di-Pietrabugnu est en cours de finalisation. U Festivale d’autunnu di a ruralità, qui fait vivre cet Itinéraire sur le territoire et le rend lisible depuis plus d’une décennie, continue son travail d’inventaire et de découverte du patrimoine martinien. « Un Itinéraire ne peut pas se construire sans la population et les acteurs. Il y a donc un travail de médiation à faire sur les territoires pour intégrer cet itinéraire dans l’offre touristique de la Corse. Nous allons travailler avec l’ATC sur des chartes en matière d’hébergement et de restauration ». L’Itinéraire culturel, labellisé par le Conseil de l’Europe, est expertisé, tous les trois ans, pour vérifier s’il répond toujours aux critères dudit label. La réunion à Bastia a été l’occasion de s’accorder sur les différents points à présenter à l’occasion de la future certification.
 
N.M.

Photos Jean-Baptiste Andreani.

Les chemins de la Via Sancti Martini, Itinéraire culturel européen saint Martin de Tours.
Les chemins de la Via Sancti Martini, Itinéraire culturel européen saint Martin de Tours.