Toute puissante voiture. Sur la communauté de communes Sud-Corse (CCSC), elle s’accapare 87,7 % des déplacements domicile-travail, selon l’Insee (chiffres de 2020). C’est plus qu’en Corse du Sud (81,8%) et supérieur aussi à la moyenne nationale (70,3%). Face à une telle hégémonie, le réseau de transports en commun a le mérite d’exister. On pense à la navette A Citadina, qui est gratuite à Porto-Vecchio, ou à la Berlina qui dessert une bonne partie de l’Extrême-Sud, mais leurs passages sont trop peu fréquents pour constituer une solide alternative au véhicule individuel. Difficile de les intensifier, ces passages : il n’y a que 20 708 habitants dans le bassin de vie (soumis, il est vrai, à une forte saisonnalité). « On n’en est qu’au début d’une culture des transport en commun », ne peut que constater le vice-président bonifacien délégué au transport, Jean-Charles Orsucci.
Dans l'Extrême-Sud, 0,5 % des actifs prennent le vélo pour aller travailler
Dans ces conditions, quelle place pour le vélo ? Pour l’heure, les pistes cyclables sont quasiment absentes du territoire. Le vélo a bien des avantages, mais il ne faut s’attendre non plus à ce qu’il supplante la voiture sur le long terme. En France, la part des actifs qui l’utilisent pour aller travailler est de 2,6 % seulement. Sur le territoire de la CCSC, c’est 0,5 %. Mais cette mobilité du quotidien n’est pas le seul objectif. La CCSC en a listé deux autres : la mobilité touristique et la mobilité sport-santé. Jean-Christophe Angelini n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin. Il entend la population s’exprimer au quotidien : « Les pistes cyclables, c’est très demandé. Il y a une vraie appétence. Et ce maillage que nous voulons faire, il est fondamental pour continuer à rendre attractif notre territoire », éclaire le président porto-vecchiais de l’intercommunalité.
Quand tout est à créer, la première étape est de réaliser des études préalables. Cette étape vient de prendre fin. Le cabinet Immergis a sollicité les maires des sept communes de la CCSC pour qu’ils listent leurs besoins respectifs. Voici, dans le détail, les différentes bases de travail, commune par commune, selon les souhaits de leurs maires :
Bonifacio
- Besoins de liaisons entre le centre-ville et le parking Les Valli, ainsi qu’entre la zone d’activités et le stade de Musella ;
- Projet en cours de liaison vers le quartier Monte-Leone ;
- Réflexion autour du prolongement de l’aménagement de la RT 40, jusqu’à la Trinité (campings).
- Sécurisation de l’itinéraire cyclotouristique GT20 conçu en 2019 dans toute la Corse, et dont Bonifacio est à la fois le point de départ et d’arrivée.
Figari
- Besoins de liaisons vers la future halle des sports depuis l’école primaire et vers la Testa ;
- Nécessité de valoriser les itinéraires de randonnée existants, notamment pour rejoindre le barrage de Talza ;
- Valorisation de l’ancien axe de transhumance A Strada Antica.
Lecci
- Besoins de connexion entre les divers équipements de la commune (cinéma, stade, école, mairie), les campings et structures touristiques, la plage de Saint-Cyprien et le centre de la commune ;
- Nécessité d’aménagement cyclable le long de la RD 468 (la route des plages au nord de Porto-Vecchio, entre Pinarellu, Saint-Cyprien et Cala Rossa) ;
- Implantation de stationnements vélos sécurisés aux écoles maternelle et primaire.
Monacia-d’Aullène
- Nécessité d’apaisement de la circulation pour la traversée de la commune (zone 30) et déploiement de certains services : stationnements sécurisés (city stade, lavoir…) et stations de réparation de vélos ;
- Liaison vers la plage de Furnellu, avec une attention particulière par rapport au foncier (une partie du trajet se trouve sur le domaine privé) ;
- Rejoindre le hameau de Giannucco ;
- Liaison vers Pianottoli-Caldarello et la plage d’Arbitru.
Pianottoli-Caldarello
- Projet de cheminement doux pour rejoindre le futur city-stade et la piscine mobile ;
- Volonté d’apaisement du centre de la commune, avec une priorité donnée aux piétons et à l’aménagement de la zone 30 ;
- Liaisons depuis le centre de la commune vers Monacia-d’Aullène et Figari en passant par Cagna ;
- Volonté de déploiement de services liés au vélo : libre-service, recharge électrique supplémentaire…
Porto-Vecchio
- Itinéraire de l’arrière-port vers la boucle de Palombaggia, avec un obstacle à prendre en compte : le marais salant qui se trouve sur le parcours est privé ;
- Liaison depuis le port au giratoire des Quatre-Chemins, voire depuis le giratoire du Stabiacciu ;
- Liaison entre Marina di Fiori et les Quatre-Chemins ;
- Sur les hauteurs, une liaison Ospedale – barrage ;
- Besoin de liaisons entre le coeur de ville et les nombreux villages et hameaux (Muratello, Arca, Palavesa…) ;
- Sur la RT 10, tenter d’exploiter les contre-allées de la Collectivité de Corse qui sont parallèles à la chaussée ;
- Réflexion en cours le long de la RT 10, avec un prolongement de la mobilité douce jusqu’à Santa Giulia ;
- Nécessité d’aménager les abords du collège et du lycée, en lien avec la Collectivité de Corse. Travailler aussi sur un cheminement reliant d’un côté le collège Maria-de-Peretti au complexe sportif du Prunellu, de l’autre côté le collège Léon-Boujot au stade Claude-Papi.
- Travailler sur la cohabitation des piétons et des cyclistes dans les zones piétonnes.
Sotta
- Besoins de connecter le centre de la commune aux nombreux hameaux ;
- Nécessité de valoriser et sécuriser le passage du GT 20 ;
- Besoin de réaliser la liaison Figari – stade de Sotta – Arca – Porto-Vecchio en empruntant partiellement l’ancienne voie ferrée.
Quels financements ?
Désormais, tout le travail qui va être entrepris consiste à étudier la faisabilité de ces nombreuses propositions d’aménagement. La communauté de communes Sud-Corse pilotera le projet, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité : « Ca ne se fera pas en un claquement de doigts », préfère prévenir Jean-Charles Orsucci. Mercredi soir, lors du conseil communautaire qui est venu valider ce schéma directeur, le maire de Bonifacio s’est dit inquiet au regard des turbulences budgétaires que s’apprête à traverser l’État : « L’État va devoir se serrer la ceinture. Ce maillage que nous proposons correspond pourtant à toutes les politiques publiques qu’on nous encourage à mener, via notamment le Fonds vert. Je dois dire que je doute un petit peu, mais j’espère que l’État sera à nos côtés, sous une forme ou sous une autre. » La question centrale est donc de savoir combien l’État acceptera de mettre de sa poche. Autre question : la Collectivité de Corse, gestionnaire de voirie, sera-t-elle au rendez-vous ? « Oui, elle pourrait contribuer aussi », a estimé Jean-Christophe Angelini.
Une grande inquiétude : la sécurité des cyclistes
Le territoire dispose d’atouts indéniables au développement des mobilités douces (le vélo, mais aussi la marche) : des paysages exceptionnels, la tenue d’événements valorisant la pratique du vélo, un potentiel intermodal important… L’étude y voit l’opportunité « d’apaiser la circulation dans les centres-bourgs » et de « créer une prise de conscience collective sur la nécessité de décarboner la mobilité ». Elle pointe aussi plusieurs faiblesses et menaces : « Le climat extrêmement chaud pour la pratique du vélo quatre mois de l’année », « l’isolement de certaines communes et des distances importantes incompatibles avec l’usage du vélo au quotidien », « la topographie dans les villages », « les difficultés sur les emprises foncières »
Mais la principale difficulté qu’il y aura à surmonter, selon le maire de Figari Jean Giuseppi, c’est la sécurité. « Je n’ai pas vu de paragraphe consacré à la sécurité dans cette étude. Pourtant je pense qu’il faut, dès aujourd’hui, travailler parallèlement sur le trafic routier. Les gens roulent très vite. » Le maire de Monacia-d’Aullène, Marc-Eugène Luciani, le rejoint sur le constat. En tant que cycliste, il se montre encore plus sévère : « Quand je fais du vélo, j’en vois des nôtres qui s’agacent au volant et qui nous collent parce qu’on les ralentit… Il faut faire une campagne de sensibilisation pour dire aux gens que les cyclistes, ça se respecte. » Jean-Charles Orsucci en est bien conscient : « Si on ne relève pas le défi du sentiment d’être en sécurité, il n’y aura pas de pratique, c’est certain. »
Cohabitation forcée
Dans un monde idéal, les pistes cyclables seraient totalement indépendantes des axes routiers, mais à l’épreuve de la réalité, les contraintes techniques, financières ou topographiques rendent inévitable la cohabitation entre automobilistes et cyclistes. Reste à savoir dans quelle mesure. Le maire de Lecci, Georges Gianni, a rappelé que les voies communales, beaucoup moins fréquentées, sont tout indiquées pour faire la plus large place possible aux mobilités douces. Le projet prévoit de réaliser des sites propres (piste cyclable, aménagement mixte), comme de simples aménagements de voirie (bandes cyclables à côté de la route, marquages au sol, jalonnements…). Un œil sur les comptes, la DGS Laurence Giraschi, prévient : « On sera entre 100 000 et 200 000 euros le kilomètre. On ne pourra pas non plus créer des milliers de kilomètres... ». Jean-Charles Orsucci veut positiver : « On n’a pas encore les réflexes, ni l’habitude du vélo, mais je crois que chemin faisant, on va y arriver. »
Dans l'Extrême-Sud, 0,5 % des actifs prennent le vélo pour aller travailler
Dans ces conditions, quelle place pour le vélo ? Pour l’heure, les pistes cyclables sont quasiment absentes du territoire. Le vélo a bien des avantages, mais il ne faut s’attendre non plus à ce qu’il supplante la voiture sur le long terme. En France, la part des actifs qui l’utilisent pour aller travailler est de 2,6 % seulement. Sur le territoire de la CCSC, c’est 0,5 %. Mais cette mobilité du quotidien n’est pas le seul objectif. La CCSC en a listé deux autres : la mobilité touristique et la mobilité sport-santé. Jean-Christophe Angelini n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin. Il entend la population s’exprimer au quotidien : « Les pistes cyclables, c’est très demandé. Il y a une vraie appétence. Et ce maillage que nous voulons faire, il est fondamental pour continuer à rendre attractif notre territoire », éclaire le président porto-vecchiais de l’intercommunalité.
Quand tout est à créer, la première étape est de réaliser des études préalables. Cette étape vient de prendre fin. Le cabinet Immergis a sollicité les maires des sept communes de la CCSC pour qu’ils listent leurs besoins respectifs. Voici, dans le détail, les différentes bases de travail, commune par commune, selon les souhaits de leurs maires :
Bonifacio
- Besoins de liaisons entre le centre-ville et le parking Les Valli, ainsi qu’entre la zone d’activités et le stade de Musella ;
- Projet en cours de liaison vers le quartier Monte-Leone ;
- Réflexion autour du prolongement de l’aménagement de la RT 40, jusqu’à la Trinité (campings).
- Sécurisation de l’itinéraire cyclotouristique GT20 conçu en 2019 dans toute la Corse, et dont Bonifacio est à la fois le point de départ et d’arrivée.
Figari
- Besoins de liaisons vers la future halle des sports depuis l’école primaire et vers la Testa ;
- Nécessité de valoriser les itinéraires de randonnée existants, notamment pour rejoindre le barrage de Talza ;
- Valorisation de l’ancien axe de transhumance A Strada Antica.
Lecci
- Besoins de connexion entre les divers équipements de la commune (cinéma, stade, école, mairie), les campings et structures touristiques, la plage de Saint-Cyprien et le centre de la commune ;
- Nécessité d’aménagement cyclable le long de la RD 468 (la route des plages au nord de Porto-Vecchio, entre Pinarellu, Saint-Cyprien et Cala Rossa) ;
- Implantation de stationnements vélos sécurisés aux écoles maternelle et primaire.
Monacia-d’Aullène
- Nécessité d’apaisement de la circulation pour la traversée de la commune (zone 30) et déploiement de certains services : stationnements sécurisés (city stade, lavoir…) et stations de réparation de vélos ;
- Liaison vers la plage de Furnellu, avec une attention particulière par rapport au foncier (une partie du trajet se trouve sur le domaine privé) ;
- Rejoindre le hameau de Giannucco ;
- Liaison vers Pianottoli-Caldarello et la plage d’Arbitru.
Pianottoli-Caldarello
- Projet de cheminement doux pour rejoindre le futur city-stade et la piscine mobile ;
- Volonté d’apaisement du centre de la commune, avec une priorité donnée aux piétons et à l’aménagement de la zone 30 ;
- Liaisons depuis le centre de la commune vers Monacia-d’Aullène et Figari en passant par Cagna ;
- Volonté de déploiement de services liés au vélo : libre-service, recharge électrique supplémentaire…
Porto-Vecchio
- Itinéraire de l’arrière-port vers la boucle de Palombaggia, avec un obstacle à prendre en compte : le marais salant qui se trouve sur le parcours est privé ;
- Liaison depuis le port au giratoire des Quatre-Chemins, voire depuis le giratoire du Stabiacciu ;
- Liaison entre Marina di Fiori et les Quatre-Chemins ;
- Sur les hauteurs, une liaison Ospedale – barrage ;
- Besoin de liaisons entre le coeur de ville et les nombreux villages et hameaux (Muratello, Arca, Palavesa…) ;
- Sur la RT 10, tenter d’exploiter les contre-allées de la Collectivité de Corse qui sont parallèles à la chaussée ;
- Réflexion en cours le long de la RT 10, avec un prolongement de la mobilité douce jusqu’à Santa Giulia ;
- Nécessité d’aménager les abords du collège et du lycée, en lien avec la Collectivité de Corse. Travailler aussi sur un cheminement reliant d’un côté le collège Maria-de-Peretti au complexe sportif du Prunellu, de l’autre côté le collège Léon-Boujot au stade Claude-Papi.
- Travailler sur la cohabitation des piétons et des cyclistes dans les zones piétonnes.
Sotta
- Besoins de connecter le centre de la commune aux nombreux hameaux ;
- Nécessité de valoriser et sécuriser le passage du GT 20 ;
- Besoin de réaliser la liaison Figari – stade de Sotta – Arca – Porto-Vecchio en empruntant partiellement l’ancienne voie ferrée.
Quels financements ?
Désormais, tout le travail qui va être entrepris consiste à étudier la faisabilité de ces nombreuses propositions d’aménagement. La communauté de communes Sud-Corse pilotera le projet, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité : « Ca ne se fera pas en un claquement de doigts », préfère prévenir Jean-Charles Orsucci. Mercredi soir, lors du conseil communautaire qui est venu valider ce schéma directeur, le maire de Bonifacio s’est dit inquiet au regard des turbulences budgétaires que s’apprête à traverser l’État : « L’État va devoir se serrer la ceinture. Ce maillage que nous proposons correspond pourtant à toutes les politiques publiques qu’on nous encourage à mener, via notamment le Fonds vert. Je dois dire que je doute un petit peu, mais j’espère que l’État sera à nos côtés, sous une forme ou sous une autre. » La question centrale est donc de savoir combien l’État acceptera de mettre de sa poche. Autre question : la Collectivité de Corse, gestionnaire de voirie, sera-t-elle au rendez-vous ? « Oui, elle pourrait contribuer aussi », a estimé Jean-Christophe Angelini.
Une grande inquiétude : la sécurité des cyclistes
Le territoire dispose d’atouts indéniables au développement des mobilités douces (le vélo, mais aussi la marche) : des paysages exceptionnels, la tenue d’événements valorisant la pratique du vélo, un potentiel intermodal important… L’étude y voit l’opportunité « d’apaiser la circulation dans les centres-bourgs » et de « créer une prise de conscience collective sur la nécessité de décarboner la mobilité ». Elle pointe aussi plusieurs faiblesses et menaces : « Le climat extrêmement chaud pour la pratique du vélo quatre mois de l’année », « l’isolement de certaines communes et des distances importantes incompatibles avec l’usage du vélo au quotidien », « la topographie dans les villages », « les difficultés sur les emprises foncières »
Mais la principale difficulté qu’il y aura à surmonter, selon le maire de Figari Jean Giuseppi, c’est la sécurité. « Je n’ai pas vu de paragraphe consacré à la sécurité dans cette étude. Pourtant je pense qu’il faut, dès aujourd’hui, travailler parallèlement sur le trafic routier. Les gens roulent très vite. » Le maire de Monacia-d’Aullène, Marc-Eugène Luciani, le rejoint sur le constat. En tant que cycliste, il se montre encore plus sévère : « Quand je fais du vélo, j’en vois des nôtres qui s’agacent au volant et qui nous collent parce qu’on les ralentit… Il faut faire une campagne de sensibilisation pour dire aux gens que les cyclistes, ça se respecte. » Jean-Charles Orsucci en est bien conscient : « Si on ne relève pas le défi du sentiment d’être en sécurité, il n’y aura pas de pratique, c’est certain. »
Cohabitation forcée
Dans un monde idéal, les pistes cyclables seraient totalement indépendantes des axes routiers, mais à l’épreuve de la réalité, les contraintes techniques, financières ou topographiques rendent inévitable la cohabitation entre automobilistes et cyclistes. Reste à savoir dans quelle mesure. Le maire de Lecci, Georges Gianni, a rappelé que les voies communales, beaucoup moins fréquentées, sont tout indiquées pour faire la plus large place possible aux mobilités douces. Le projet prévoit de réaliser des sites propres (piste cyclable, aménagement mixte), comme de simples aménagements de voirie (bandes cyclables à côté de la route, marquages au sol, jalonnements…). Un œil sur les comptes, la DGS Laurence Giraschi, prévient : « On sera entre 100 000 et 200 000 euros le kilomètre. On ne pourra pas non plus créer des milliers de kilomètres... ». Jean-Charles Orsucci veut positiver : « On n’a pas encore les réflexes, ni l’habitude du vélo, mais je crois que chemin faisant, on va y arriver. »