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Angèle Bastiani : « L’ATC a totalement arrêté de faire la promotion de la Corse pour les mois de juillet et d’août »


le Jeudi 27 Avril 2023 à 19:35

Alors que la saison touristique démarre fort, la présidente de l'Agence de Tourisme de la Corse (ATC) évoque les différents dossiers et problématiques inhérents à celle-ci, notamment la nécessité de poursuivre son travail pour promouvoir la destination au-delà des mois les plus prisés des vacanciers.



Angèle Bastiani au Salon de la plongée à Paris
Angèle Bastiani au Salon de la plongée à Paris

- Alors que les vacances de printemps battent leur plein, les touristes sont déjà nombreux sur l’île. Les compagnies aériennes affichent d’ailleurs notamment une fréquentation en hausse pour cette avant-saison. La destination Corse ne connaît pas la crise ?  
- La Corse est fortement attractive, c’est une réalité, les atouts naturels de notre île sont tels qu’ils attirent de nombreux visiteurs y compris en période de crise. Notre responsabilité va au-delà du commentaire des chiffres de fréquentation : elle est de contrôler ces flux et de les aiguiller au maximum vers les périodes et les lieux les moins fréquentés, afin d’atténuer au maximum les effets de « pic » qui peuvent nuire à notre qualité de vie et au caractère durable de l’activité touristique. C’est là tout l’intérêt d’une promotion et d’un développement ciblés, qui viennent soutenir un tourisme vertueux avec une déconcentration touristique en ligne de mire permanente.   
  
  
- Cependant, on voit qu’en lien avec l’inflation, le budget des visiteurs est en baisse. Les indicateurs sont-ils malgré tout au vert pour les professionnels du tourisme ?  

- La tension économique que connaît notre monde depuis quelque temps n’épargne aucun secteur, le tourisme ne fait donc pas exception à la règle. C’est dans ce contexte que l’offre corse doit se démarquer des autres, par sa qualité, son caractère responsable, et nous accompagnons les professionnels dans cette démarche. Par exemple, nous sommes les meilleurs élèves de France et parmi les meilleurs en Europe en termes d’Eco-Labellisation des hébergements, puisqu’en fin d’année nous aurons plus de 50 professionnels qui bénéficieront de l’Eco-Label européen, certificat d’excellence en matière de respect de l’environnement, dont l’ATC finance très largement l’obtention. Mais nous soutenons également les labels de Tourisme Handicap, ou encore l’accueil Vélo. Au-delà de ces aspects spécifiques, l’ATC soutient très fortement la montée en qualité d’établissements accueillant du public via son guide des aides.   
  
  
-  Nombre de ces professionnels du tourisme connaissent aujourd’hui des difficultés pour recruter leurs saisonniers. Comment l’ATC peut-elle les accompagner ?  

- L’ATC n’exerce pas la compétence directe de la formation ni du recrutement. Cependant, notre guide des aides comprend une mesure de soutien à l’emploi hôtelier : il s’agit d’une mesure incitative au recrutement en CDI, limitée à deux emplois par structure et par an. Nous militons en effet pour la pérennisation des emplois liés au tourisme dans l’île, afin d’atténuer le phénomène de « saisonnalité » de l’économie. Nous travaillons également de concert avec tous les acteurs du secteur, au premier rang desquels le département Formation de la Collectivité, la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), mais aussi les organisations hôtelières, l’Éducation nationale, l'Université et les organismes de formation, pour trouver des solutions aux problèmes de formation et d’emploi dans le secteur du tourisme. De nombreux projets sont en cours d’élaboration dans ce domaine. Nous devons accentuer le dynamisme des sections hôtelières de nos lycées professionnels, et bien sûr, soutenir le projet d’école hôtelière qui a récemment été présenté par la CCI.     
   

- L’année passée, vous avez effectué une tournée des territoires à travers des « journées professionnelles ». Lors de la restitution de ce cycle de réunions, vous réaffirmiez l’objectif de « déconcentrer le tourisme » en annonçant la mise en œuvre d’un plan d’action issu des remontées du terrain pour trouver des solutions opérationnelles. Où en est-on ?  
- Cette tournée a permis d’établir un contact durable entre l’ATC et le terrain, les professionnels et les offices de tourisme. L’une de nos missions, en plus du développement, de la promotion et de l’observation, est la coordination des acteurs. Désormais, c’est chose faite : tous les acteurs du tourisme sont en lien, avec l’ATC comme pilier central. Les premiers résultats de ces tournées ne se sont pas fait attendre : nous sommes actuellement en train d’établir six contrats territorialisés, avec six offices de tourisme différents. Ces contrats portent sur 4 axes : la structuration de l’offre, la stratégie numérique, le positionnement marketing et la promotion concertée. Ils seront finalisés au mois de juin, et d’autres suivront. Les tournées ont également permis de recueillir les observations des territoires, qui ont été intégrées aux orientations du guide des aides de l’ATC voté en avril 2022. L’objectif est véritablement de mettre en œuvre une politique concertée du tourisme en Corse, afin que nous tirions tous dans le même sens, celui de la déconcentration touristique et de la montée en qualité d’offre. 
  

 - Quelles actions l’ATC met-elle aujourd’hui en place pour inciter les visiteurs à venir en dehors des mois de rush estival ?   

- L’ATC met la totalité de ses moyens de promotion au service de la déconcentration touristique, dans trois domaines : la temporalité, la géographie et la provenance des flux. C’est-à-dire, pour faire simple, que la promotion de la destination se fait avec pour seul objectif d’infléchir les tendances lourdes que nous subissons.  Par exemple, sur le plan temporel, nous avons totalement arrêté de faire la promotion de la Corse pour les mois de juillet et d’août, qui représentaient une part importante de nos budgets il y a peu encore. Nous avons ainsi diminué radicalement notre présence médiatique et promotionnelle sur la période estivale pour redéployer ces moyens sur les mois d’automne, d’hiver et de printemps. Sur le plan géographique, étant donné que 72% de nos touristes viennent de France (tourisme dit « domestique »), nous avons là aussi diminué de manière significative le budget destiné à la promotion de la Corse en France, où ne nous souffrons a priori pas de déficit de notoriété. Ainsi, nous pouvons nous concentrer sur les pays étrangers, au premier rang desquels l’Italie et la Belgique en marchés principaux, qui présentent une appétence naturelle pour la Corse, et de nombreux autres pays en marchés secondaires et en marchés « test ». Enfin, nous agissons également sur la répartition géographique des flux, en ne mettant plus en avant les sites les plus exposés (Bavella, Scandola, GR20…), et dont les problématiques de fréquentation sont connues.    
  

 - Afin de limiter la pression sur certains sites très prisés, la mise en place de quotas ou autres solutions de gestion des flux seront-elles mises en œuvre cet été pour éviter la surfréquentation ?  
L’ATC, si elle n’a pas la compétence directe pour pouvoir intervenir par des aménagements sur les territoires, soutient toutes les démarches qui vont dans ce sens. Au titre de notre guide des aides (AXE I, B, 1.3 « les projets structurants des territoires » ) nous finançons tous les aménagements des opérateurs privés et publics qui tendent à réorganiser l’accueil et les flux touristiques, à hauteur de 60%, et avec un plafond de 500 000€ par projet. Nous l’avons fait récemment auprès de plusieurs projets, notamment au Capu Laurosu, dans le massif du Verghellu, la vallée du Fangu ou celle de la Richjusa. Par ailleurs, nous travaillons en étroite collaboration avec le Parc Naturel Régional pour valoriser et promouvoir les sentiers alternatifs au GR 20 que sont les Mare à Mare et Mare è Monti. Au-delà de ces opérations menées par l’ATC dans le cadre de ses compétences, la Collectivité de Corse via l’Office de l’Environnement et en collaboration avec les collectivités locales, a effectué des aménagements importants afin de réguler les accès dans plusieurs sites concernés, comme Bavella l’an dernier, la Restonica et les Lavezzi cette année. Toutes ces actions, liées à notre démarche de promotion ciblée qui ne met plus en avant les sites qui connaissent des pics de fréquentation importants, permettra nous l'espérons de réduire la pression sur les espaces en tension.   
   

- Dans un autre registre, la régulation des escales de croisières en Corse fait aujourd’hui l’objet d’un cycle de réunion. En juillet 2022, lors d’une réponse à une question orale à l’Assemblée de Corse, le président de l’Exécutif annonçait que le pôle d’observation de l’Agence de Tourisme de la Corse était en train de réaliser un travail de recueil de données portant d’une part « sur l’impact en terme environnemental de la venue de ces navires » et d’autre part sur « l’étude comportementale des touristes qui sont à bord de ces bateaux de croisière ». Où en est-on de ce travail ?  
Il y a, concernant les croisières, deux travaux distincts complémentaires en cours en 2023 qui permettront d’avoir des données concrètes dès la fin d’année, afin de pouvoir prendre rapidement des décisions relatives à ce type de tourisme. La première, celle qui est à mon sens la plus essentielle, est l’étude sanitaire. Deux stations de mesure de la qualité de l’air sont en train d’être installées à Ajaccio et à Bastia avec Qualit’Air, et rendront leurs conclusions cette année. La seconde étude, menée par l’ATC et la CCI conjointement, est une étude qualitative et quantitative qui permettra de déterminer l’impact économique et social de l’activité croisière en Corse. Là aussi, les résultats seront connus en fin d’année. Ces deux études sont menées de front, en ce moment même. Armés de ces données, l’ensemble des acteurs sera en mesure de se prononcer sur les mesures à prendre, dès la fin 2023.