Le couteau est le prolongement de la main semble vouloir expliquer André Giorgifani, en nous accueillant dans son atelier de la route de Mezzavia: « C'est, pour moi, l’un des plus vieux métiers du monde » avance le coutelier. Passionné, il a commencé en 1989 après avoir suivi la grande école d’armurerie de Liège. Une fois son apprentissage achevé, L'artisan coutelier ouvre son commerce avec comme spécialité les armes de chasse. Mais il affûte, polit, répare et donne une seconde vie à tous types d’armes et de lames. Car chaque lame à sa technique. Pour lui, un couteau fermant, ce n'est pas du tout la même fabrication qu'un couteau de table, ça devient forcément de l’art et cet art, il faut le faire naître, le travailler, en connaître toute la maîtrise :
« C'est un métier exigeant, qui ne supporte pas l'approximation. Il nécessite une certaine proximité avec la lame : les couteliers ne peuvent pas travailler avec des gants, donc gare aux coupures ! »
L’art de la lame…
Alors, pourquoi ne pas se lancer dans la fabrication artisanale d’un couteau en hommage à Napoléon Bonaparte ? Il en rêvait, avait son idée derrière la tête mais aussitôt dit, aussitôt fait. Sur le papier d’abord, faire et défaire c’est toujours recommencer et au bout, un petit couteau, pas plus grand qu’un mouchoir de poche, une lame qui peut se porter en médaillon dans sa house dont le centre laisse entrevoir le « N » Impérial, ou en porte-clés, ou simplement en couteau de poche qui, en se dépliant, prend aussitôt la forme d’un bicorne. Celui di u puverettu !
« Le toucher est nécessaire, mais l'ouïe est tout aussi importante, car elle nous permet de nous guider dans l'affûtage du couteau » explique le coutelier. Un affûtage qui peut être reproduit jusqu'à une cinquantaine de fois sur la même lame. « C'est un métier difficile, il faut donner beaucoup de soi-même », souligne-t-il. C'est l'une des nombreuses raisons qui expliquent la disparition de ces précieux artisans. Aujourd'hui, 70 % de sa clientèle est composée de professionnels. « Les particuliers ont tendance à jeter ce qui est usé et à acheter du neuf », regrette André Giorgifani et d’ajouter : « Avant, ils venaient faire réparer leurs couteaux ». Même si la clientèle a quelque peu changé au fil des années, selon lui, le métier d'artisan coutelier ne va pas mourir pour autant, bien au contraire, il se développe et devient un authentique métier d’art que la profession relance depuis quelques années en Corse, avec des résultats flatteurs.
Un petit chef d’œuvre
Au fil de la conversation et des réponses sur ce métier d’art, André Giorgifani se laisse aller à des confidences. Le voilà qui disparait derrière un placard, revient avec une petite boîte toute travaillée comme une boîte à bijoux,. Il ouvre l’écrin pour laisser apparaitre une superbe pièce de collection. Un couteau pas comme les autres assurément. Il s’agit d’une crosse de fusil de chasse, superbement décorée avec signes et dessins. Dans la crosse, la lame, rutilante, longue et travaillée, se déploie et prolonge la crosse. C’est remarquable, magnifique, une authentique pièce de collection que l’artiste à imaginé, longuement réfléchi et conçu après quelques mois de préparation.
L’empereur le regarde…
« Le couteau est aussi une arme, j’ai voulu représenter mon métier à travers ce couteau et sa connotation dans la mesure où le manche ressemble à un fusil et le prolongement à une lame au lieu d’un canon. Il s’agit de plusieurs passions réunies, l’arme de chasse, le couteau, la création et au bout, cet objet que j’ai créé à quelques exemplaires et qui m’a pris un certain temps tout de même » explique André Giorgifani qui ajoute en substance : « A ces passions réunies, est venue s’ajouter celle de l’histoire de Napoléon Bonaparte, d’où l’idée de créer ce petit couteau qui, une fois ouvert, prend l’allure du Bicorne de l’enfant d’Ajaccio. »
Le fastidieux travail du coutelier
Seul dans son atelier, le coutelier est amené à réaliser un grand nombre d’opérations et de gestes techniques afin de parvenir à la fabrication d’un article de coutellerie de qualité. Le croquis et le dessin technique élaborés sont à la base du processus de conception. Cette opération est effectuée conjointement par les premiers coups de crayon et l’œuvre qu’il entend réaliser. Chaque produit est ensuite mis au point après la réalisation d’un ou plusieurs prototypes. Il en est ainsi des fusils qu’il retape, des crosses qu’il retaille à la mesure de son propriétaire, des lames qu’il réalise non sans dessiner un croquis avant de découper son double sur une barre de métal.
Il convient ensuite de travailler le métal à chaud afin de lui donner la forme choisie : cette étape est celle du forgeage. Elle peut également être réalisée par découpage laser ou par emboutissage. Vient ensuite :
- La trempe, c’est-à-dire le chauffage puis le refroidissement rapide qui donnent à l’acier sa dureté
- Le façonnage du tranchant ou l’émouture : c’est la manœuvre qui permet de rectifier les deux faces de la lame
- Le crantage, qui consiste à réaliser, au besoin, de la micro denture, sur une ou deux faces
- Le polissage, obtenu avec des grains abrasifs de plus en plus fins pour offrir un rendu de type poli mat, satin ou miroir
- L’affûtage, qui donne à la lame son tranchant définitif
- Le lavage et le dégraissage du métal avec des solutions alcalines, avant l’essuyage au chiffon, pour une présentation parfaite
- L’assemblage des lames, c’est l’opération finale qui utilise les techniques du rivetage, du collage ou de la soudure
J. F.