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Assemblée de Corse : L’opposition boycotte la session d’installation des trois nouveaux conseillers exécutifs


Nicole Mari le Mardi 11 Février 2025 à 17:32

La session extraordinaire de l’Assemblée de Corse, qui doit procéder le jeudi 13 février à partir de 14 h au renouvellement de trois conseillers exécutifs, devrait capoter, faute de quorum. L’opposition territoriale, notamment le groupe de droite et le PNC-Avanzemu, boycotte la session qui a besoin de 42 conseillers territoriaux pour se tenir. Pour l’instant, seuls le groupe majoritaire et Pierre Ghionga sont annoncés présents, soit seulement 33 élus. Si le quorum n’est pas atteint, la session se tient de plein droit trois jours plus tard sans condition de quorum.



L'hémicycle de l'Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
L'hémicycle de l'Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
L’opposition a décidé de passer son poing en boycottant la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse, qui doit procéder le jeudi 13 février à partir de 14 h à l’élection de trois nouveaux conseillers exécutifs. Après le remaniement partiel annoncé dans l’hémicycle lors de la session du 30 janvier par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, trois conseillers exécutifs ont quitté leurs fonctions : Alexandre Vinciguerra, président de l'ADEC (Agence de développement économique de la Corse), Flora Mattei, présidente de l’OTC (Office des transports de la Corse) et Antonia Luciani, en charge de la culture, du patrimoine, de l’éducation et de la formation. L’ADEC est confiée à l’actuel président de l’OEHC (Office d’équipement hydraulique de la Corse), Gilles Giovannangeli, qui est remplacé à son poste par l’élue porto-vecchiaise, Vannina Chiarelli-Luzi. L’ex-député, Jean-Félix Acquaviva, retrouve l’Office des transports qu’il avait déjà présidé de décembre 2015 à juillet 2017, date de son élection au Palais Bourbon. La mairesse de Luri, Anne Laure Santucci, est chargée de la culture et de la formation. La session extraordinaire, organisée pour procéder à leurs élections, est une première. C’est la première fois de l’histoire de l’institution qu’un renouvellement de l’Exécutif intervient en pleine mandature. C’est l’ordonnance de 2016 qui a donné cette possibilité à l’Assemblée de Corse, c’est-à-dire un mécanisme aligné sur le fonctionnement du gouvernement, et qui permet aux conseillers sortants de rejoindre les bancs de l’assemblée dont ils sont issus. Le groupe de droite U Soffiu Novu a lancé le boycott. Aussitôt suivi par le groupe PNC-Avanzemu qui s’inscrit, depuis trois ans, dans une opposition frontale à la majorité territoriale, opposition qui se durcit dans la perspective des élections municipales et sénatoriales de 2026.

Une fracture toujours vivace
Jean-Christophe Angelini, président du groupe PNC-Avanzemu et maire de Portivechju, confirme : « Jeudi, c’est un secret de polichinelle, on ne sera pas là ». Il tient à préciser deux points. Le premier concerne la fracture profonde et toujours vivace, intervenue lors du scrutin territorial de 2021. La rupture a acté des désaccords de fonds et des querelles d’ego latentes qui ont éclaté dès 2018 au sein de la majorité territoriale de l’époque. Gilles Simeoni, qui a remporté la majorité absolue, choisit une autre stratégie d’ouverture pour le Conseil exécutif. Pour le leader du PNC, qui avait été à la tête de l’ADEC pendant six ans, c’est un second revers. « On a vécu à Avanzemu la journée de juillet qui a présidé en 2021 à l’installation de l’assemblée nouvelle, comme un moment d’une rare violence, notamment parce que ce que nous incarnions, d’un revers de mains, a été balayé et occulté au nom d’une histoire nouvelle dont personne ne savait comment elle allait être écrite. Donc, on ne va pas remettre une pièce dans la machine et rééditer tout cela. On l’a vécu assez douloureusement pour ne pas continuer dans cette trajectoire », explique Jean-Christophe Angelini. Le second point concerne le remaniement actuel, qui est un engagement pris par Gilles Simeoni pendant la campagne électorale et annoncé dès la fin des Législatives anticipées de juin 2024 où l’union s’est faite au forceps au 2nd tour pour contrer le Rassemblement national. Gilles Simeoni avait, alors, proposé aux Nationalistes de discuter pour purger les conflits et retrouver les chemins de l’union. Proposition réitérée avec l’annonce du remaniement et refusée fermement par le PNC. « Je pense que le remaniement, dans les choix politique qu’il pose, dans la philosophie générale qui l’anime, est quelque chose de contre-productif. Il a été présenté dans un moment où l’on évoque un aggiornamento de notre famille politique au cœur des législatives difficiles. Il intervient des mois après au sein d’un même mouvement. Je n’en vois ni l’intérêt, ni la portée, ni l’utilité pour la Corse », ajoute Jean-Christophe Angelini qui a opté pour une stratégie d’alliance avec la droite.
 
Pas de blocage !
Du côté de la droite et d'U Soffiu Novu, le boycott semble beaucoup plus dépassionné. Son co-leader, Jean-Martin Mondoloni, précise simplement qu’il ne voit pas l’intérêt de se déplacer pour participer à une session pour, affirme-t-il, une élection qui peut se régler en session ordinaire. « A l’issue de nos travaux de la semaine dernière, nous avions dit que nous n’assisterions pas aux travaux de ce jeudi. Il n’y a aucune volonté, ni de mépris de l’institution, ni de blocage. C’est une non-participation à un évènement qui pourrait très bien se dérouler lors de la prochaine session. Je crois que ça sera le cas d’ailleurs. Il faut que l’institution vive à travers la refonte de l’Exécutif, mais cela ne nécessite pas pour nous une session particulière ». Pour lui, il ne s’agit « aucunement » de remettre en cause le remaniement. « Il n’y a aucune volonté de protester contre le remaniement de l’Exécutif. C’est la vie de l’Exécutif. Nous n’avons aucun commentaire à porter sur le choix des candidats, même si nous avons un avis sur le choix des candidats sortants qui, pour beaucoup, n’ont pas démérité ».
 
Un manque de respect
La présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, prend acte, mais estime que ce boycott est un manque de respect des institutions : « Je ne trouve pas normal que l’on ne respecte pas les convocations et que l’on ne respecte pas l’institution, surtout dans un moment important, d’autant que nous sommes en train de demander l'autonomie pour la Corse, et que les institutions se respectent. Vouloir ramener ce point d’ordre du jour à un autre rapport ou au niveau d’un quelconque dossier, fut-il même important, d’un ordre du jour d’assemblée ordinaire, ce n’est pas correct ». Elle rappelle également les raisons pour lesquelles la session a été avancée au 13 février. « Il y a eu la session de fin janvier, la venue pendant quatre jours de la mission parlementaire, celle de trois jours du ministre Rebsamen. A la suite, nous enchainons sur la session de renouvellement des conseillers exécutifs, pas pour le plaisir, mais pour éviter d’attendre la fin du mois, la prochaine session. Il manque trois conseillers exécutifs. Le président de l’Exécutif ne peut pas déléguer, sur les affaires qui relèvent de leur ministère, les actions à mener. Il n’y a pas de délégation de signature. C’est le président qui assure l’intérim des transports, de l’économie, de la culture et de l’enseignement supérieur. C’est préjudiciable, non pas pour la conduite de notre politique, mais pour répondre aux attentes des gens, aux besoins des entreprises, des associations culturelles, des attentes en matière d’éducation et les questions qui relèvent des transports et des affaires européennes ».
 
Pas de quorum
La session extraordinaire doit rassembler les deux tiers des membres de l’Assemblée, présents ou représentés, pour pouvoir se tenir, soit un quorum de 42 conseillers sur 63. Le groupe de droite compte 16 élus, PNC-Avanzemu est composé de 7 élus. A eux deux, ils font tomber le quorum. L’élue de Corsica Libera, Josepha Giacometti, sera également absente. On ne sait pas, pour l’instant, ce que fera Core in Fronte. Même si ces derniers se joignaient aux 32 élus de Fà Populu Inseme et à Pierre Ghionga, cela ne ferait que 39 élus présents, il manquerait encore au moins trois élus. Selon l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée de Corse, issu du Code général des Collectivités, « Si cette condition n’est pas remplie, la réunion se tient de plein droit trois jours plus tard sans condition de quorum ». Si d’aventure le quorum n’était pas atteint, le règlement ne laisse pas le choix : l’Assemblée de Corse devra obligatoirement être convoquée exactement trois jours après, c’est-à-dire dimanche prochain. Et là, il n’y aura plus besoin de quorum pour valider les délibérations. Au final, un coup pour rien ! Affaire à suivre…
 
Nicole Mari et Manon Perelli.