Corse Net Infos - Pure player corse

Assemblée de Corse : Un marché d’intérêt territorial de produits agricoles sera-t-il bientôt créé en Corse ?


Nicole Mari le Dimanche 1 Décembre 2024 à 19:31

L'ODARC a mené, cette année, une étude de faisabilité pour la création d'un Marché d’intérêt territorial (MIT) en Corse. Le groupe majoritaire Fa Populu Inseme a profité des questions orales, jeudi matin, en ouverture de l’Assemblée de Corse pour demander les conclusions de cette étude, la réaction des acteurs concernés face à ce projet et le calendrier de son éventuelle mise en œuvre. Le président de l’ODARC, Dominique Livrelli confirme « l’opportunité » de créer un marché pour valoriser la production agricole locale et « l’engouement » qu’il suscite. Il annonce que ce projet sera accompagné par la SEMARIS, gestionnaire de Rungis, pour lui donner toutes les chances de se concrétiser.



Photo : Pixabay
Photo : Pixabay
La Corse peut-elle créer un marché de produits agricoles sur le modèle du marché de Rungis qui est le plus grand marché agricole au monde, mais décliné au niveau local ? L’île dispose-t-elle d’une production de fruits et légumes, de viande, de produits de la mer, de produits laitiers, de produits agroalimentaires, de produits horticoles et d’un nombre de consommateurs suffisant pour rendre ce marché viable et rentable ? Qu’en pensent les acteurs concernés : producteurs, grossistes, distributeurs, restaurateurs… ? Quel impact sur l’offre, la demande et les prix ? Pour répondre à cette problématique, l'Office du développement agricole et rural de la Corse (ODARC) a mené une étude de faisabilité pour la création d'un Marché d’intérêt territorial (MIT) en Corse, avec le soutien technique du bureau d’études spécialisé « Soliance Alimentaire ». Le groupe Fa Populu Inseme par la voix de Paula Mosca a profité des questions orales, jeudi matin, en ouverture de l’Assemblée de Corse pour demander au président de l’ODARC, Dominique Livrelli, les conclusions de cette étude dont une première présentation a été faite, en juillet dernier, à u Viscuvatu, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de la Haute-Corse.

Paula Mosca. Photo Paule Santoni.
Paula Mosca. Photo Paule Santoni.
Une solution globale
« Un Marché d’intérêt territorial est un dispositif structurant la production, la distribution et la consommation alimentaires à l’échelle locale. Son objectif est de favoriser les circuits courts, valoriser les produits locaux et renforcer l’autonomie alimentaire en soutenant les acteurs locaux engagés dans une démarche durable et responsable. Ce type de marché agit comme un réseau coordonné entre différents acteurs - agriculteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs, etc. -, facilitant la rencontre de l’offre et de la demande » précise Paula Mosca. Pour le groupe majoritaire, la mise en place d’un tel marché à l’échelle de l’île est pertinente. Il permettrait, selon lui, de « dynamiser l’économie insulaire et de faciliter les échanges entre producteurs et acheteurs - grossistes, distributeurs ou encore restauration collective et privée - en intégrant les initiatives existantes et ainsi structurer un réseau et un maillage territorial cohérent. La création d’un tel dispositif en Corse, dans un format à la fois physique et virtuel, offrirait donc une solution globale pour soutenir le développement économique, social et écologique insulaire, en s’appuyant sur nos ressources et en répondant aux enjeux de durabilité et de résilience ». Paula Mosca interroge, donc, le président de l’ODARC sur le calendrier potentiel de la mise en œuvre de ce projet de création d’un MIT.
 
Un projet structurant
Sans surprise, le président de l’ODARC, Dominique Livrelli, confirme, lui aussi, la pertinence du projet et remonte à la genèse de la démarche, initiée par l’ODARC en 2020, suite à la crise engendrée par le COVID. « Au regard des nombreux défis que cette crise a soulevés, notamment en matière d’approvisionnement des denrées alimentaires, d’écoulement des produits locaux et de changement des modes de consommation, une cellule de réflexion a été créée au sein de l’Office. L’opportunité de créer un MIT en Corse est vite apparue comme un projet potentiellement structurant, ayant vocation à répondre à des enjeux importants pour la Corse ». Il rappelle que « la résilience du système alimentaire corse est un enjeu majeur. Aujourd’hui, notre agriculture est fortement tournée vers le marché lucratif et saisonnier de la consommation touristique estivale. Cette orientation a contribué à une faible autonomie de notre système alimentaire avec environ 4% des besoins couverts par la production locale ». Ce projet s'inscrit dans un contexte où les prix des denrées alimentaires sont en moyenne 14% plus élevés que sur le continent, où le taux de croissance de la population est d’environ 1% par an et où les coûts liés à l’insularité estimés à plus 11% par an du chiffre d’affaires de 328 millions € réalisé dans le secteur du commerce de gros et de détail. Enfin, 43% des exploitations corses font de la transformation fermière et 8 sur 10 commercialisent en circuit court.

Dominique Livrelli. Photo Paule Santoni.
Dominique Livrelli. Photo Paule Santoni.
Un objectif majeur
Face à ce constat, le président de l’ODARC insiste sur la nécessité de conquérir le marché intérieur. « Inciter et faciliter une orientation nourricière répondant aux besoins de la population locale est un objectif majeur auquel ce projet de MIT peut répondre en partie. Il s’agit de l’articuler en parallèle avec une autre politique soucieuse du développement d’une agriculture productive, notamment dans les filières fruits et légumes, viande et lait. Ce qui se traduit, par exemple, par des taux d’intervention bonifiés pour ces secteurs, allant jusqu’à 80 % pour les petites exploitations maraîchères, des aides à l’implantation de cultures protéiques et par une augmentation de l’aide couplée ovine et caprine du premier pilier de la PAC (Politique agricole commune) ». Il indique que des sources de financement pour mener ses études ont été recherchées dans le cadre des crédits de relance de l’État. En vain ! « Ce projet a finalement pu avancer avec le recrutement d’un agent en CDD au sein de l’ODARC en 2023 afin de piloter une étude d’opportunité et de faisabilité financée sur les crédits de fonctionnement de l’ODARC et conduite en partenariat avec la Chambre d’agriculture de Haute Corse ». Cette étude, aujourd’hui terminée, comprenait trois phases : une phase de diagnostic et de concertation des acteurs potentiels, une phase de calibrage technique et de réflexion sur les spécificités d’un MIT corse afin de répondre aux enjeux identifiés. Une dernière phrase de projection juridique et économique.
 
Des alliés et des sceptiques
La première phase a fait apparaître des niveaux d’engagement différent selon les types d’acteurs. « Les producteurs ont été rapidement des alliés de ce projet, reconnaissant son intérêt et les opportunités qu’ils pouvaient leur rapporter. Les GMS se sont montrés hésitantes, mais ont reconnu que ses outils pouvaient répondre à une certaine demande des consommateurs et faciliterait l’approvisionnement en local, dès lors que les prix permettraient une certaine compétitivité avec les marchandises importées. Les transformateurs et les grossistes ont très peu répondu aux sollicitations. Ils se sont montrés plutôt opposés au projet », commente Dominique Livrelli. La deuxième phase a permis de définir les contours du MIT autour de quatre axes : « un carreau physique des producteurs combinés, un carreau virtuel, un marché d’anticipation permettant une meilleure planification des productions agricoles en phase avec les besoins des transformateurs et des distributeurs. Egalement, une organisation mutualisée pour répondre aux besoins de la restauration collective et chercher des opportunités à l’export. Enfin, une marque unique basée sur un cahier des charges assurant la traçabilité des produits corses transitant sur le site ». La troisième phase s’est attachée à calibrer le projet « en partant du principe de construction progressive réaliste avec la perspective d’un développement physique, plus ambitieux à moyen terme ».
 
Un fort engouement
Le président Livrelli estime que la rencontre, début novembre, avec le président de la SEMMARIS, gestionnaire du marché international de Rungis, va engager les travaux vers une nouvelle étape. « La SEMMARIS s’est proposée d’analyser ce projet au regard de son expérience et de son expertise en la matière. Cet intérêt porté à la création d’un MIT en Corse nous conforte dans la nécessité de poursuivre son développement. Ainsi, dès le retour de la SEMMARIS, l’ODARC conduira les compléments d’étude nécessaires à l’aboutissement de ce projet ». Il se félicite du « fort engouement et l’importante mobilisation des acteurs locaux » que suscite le projet. Et de conclure : « Les défis restent bien évidemment à relever pour rendre ce projet le plus concret possible. Mais l’accompagnement de la SEMMARIS est un signal très positif, voir encourageant. Enfin, ce projet doit trouver un écho dans notre politique des installations agricoles, de stimulation de la production, de la mobilisation du foncier et d’orientation vers la fonction nourricière de notre agriculture ».
 
N.M.