Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni.
« Autonomia ». Le projet du président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, sur l’avenir institutionnel de l’île est à l’image de son titre : clair, net, sans aucune équivoque. En 57 pages qui ne laissent aucune place au doute ou à l’interprétation, il réaffirme et démontre l’absolue nécessité d’un véritable statut d’autonomie pour la Corse. Rien de bien surprenant puisque cette nécessité, Gilles Simeoni en a fait, à chaque élection, le cœur de son programme politique, et qu’il la martèle sur tous les tons depuis la perspective ouverte par les évènements dramatiques de mars 2022 et la mise en place du processus de négociation entre Paris et l’île – dit processus de Beauvau - qui en a résulté. Le 24 février dernier, le Président de la République avait demandé que les propositions insulaires lui soient transmises avant son allocution du 14 juillet où il est censé annoncer sa réforme constitutionnelle. Depuis, Beauvau a beau jeu de tacler, à chaque occasion, l’absence d’un projet global, tout en jouant la division en sourdine et en faisant son marché dans les propositions de l’opposition. Le président Simeoni a fait acter lors de la réunion du 7 juin que le projet corse ne pouvait être issu que d’un vote de l’Assemblée de Corse. Aussi son projet sera-t-il présenté au débat le 4 juillet, lors d’une session extraordinaire, mais, est-il précisé, avec « le choix, à titre exceptionnel, de ne pas proposer de projet de délibération » afin de « créer les conditions de la plus grande convergence possible ». Autrement dit, la délibération sera écrite dans l’hémicycle avec l’espoir qu’elle fédère au moins l’ensemble des mouvements nationalistes, vu qu’il y a peu de chances que la droite, qui ne veut pas de l’autonomie, y adhère, et qu’elle a déjà annoncé qu’elle ferait cavalier seul.
L’enjeu historique
Dans cette optique de convergence, le président de l’Exécutif corse décline un rapport en trois parties : la première définit les grands principes et la structure du statut d’autonomie de la Corse, la seconde trace le chemin constitutionnel pour le mettre en place et la solution politique globale dans laquelle il s’inscrit, la troisième précise le calendrier et les procédures optimales pour le construire. Le rapport commence, donc, par réaffirmer que l’autonomie souhaitée est « une autonomie de plein droit et de plein exercice », c’est-à-dire le transfert à la Collectivité autonome de Corse de la compétence normative, c'est-à-dire l'octroi d'un pouvoir législatif, l’Etat conservant ses prérogatives régaliennes. Le rapport démontre que cette autonomie existe déjà dans le droit constitutionnel français et que donc « rien ne s’oppose sur le plan juridique à ce que la Corse en bénéficie ». Il rappelle que ce statut est la règle pour quasiment toutes les îles de Méditerranée, en plus des Açores et de Madère. Le rapport explique ensuite en quoi l’obtention d’un statut d’autonomie est « une garantie de progrès pour la Corse et les Corses » à travers trois enjeux. D’abord, un enjeu historique, celui de tourner la page de la logique de conflit entre la Corse et l’Etat et de construire une relation apaisée « dans le dialogue et le respect réciproques ». Pour cela, il est essentiel pour les Nationalistes d’intégrer dans le statut d’autonomie les trois fondamentaux : la reconnaissance du peuple corse, la coofficialité de la langue corse, le lien entre les Corses et leur terre, concrétisé notamment par un statut de résident.
L’enjeu démocratique
Ensuite, un enjeu démocratique avec « des institutions équilibrées » répondant à « la volonté du peuple corse de vivre dans une société démocratique, libre et apaisée ». Ce qui suppose également de garantir le périmètre des compétences des communes, intercommunalités et territoires. Cela passe par l’établissement d’un « nouveau pacte budgétaire, fiscal et financier, entre l’Etat, la Collectivité de Corse, et les communes, intercommunalités et territoires, garantissant à chaque Collectivité les moyens d’exercer réellement ses compétences ». Mais aussi par la progressivité des transferts de compétences et des moyens humains. Le rapport se fait l’écho de l’inquiétude « récurrente et légitime, exprimée aussi bien par les élus que par l’ensemble des citoyens » sur la capacité de la Collectivité de Corse et des autres collectivités de l’île à assurer de façon efficiente la complexité de la mise en œuvre d’un statut d’autonomie. Et demande, que, comme ce fut le cas dans le Trentino-Aldige/Südtirol ou en Nouvelle-Calédonie, le transfert de compétences fasse l’objet d’un échéancier pour contrôler si les ressources et les moyens sont correctement mis en œuvre. Le rapport réaffirme que l’autonomie n’a de sens que si elle est au service d’un projet de société : « Les Corses attendent du statut d’autonomie qu’il permette d’améliorer leur vie individuelle et collective dans tous les domaines ». Et de lister tout ce que permettrait l’autonomie en matière de croissance économique, de lutte contre la précarité et la pauvreté, d’actions sur le pouvoir d’achat : chèque alimentaire, prime sur les carburants, majoration de l’indexation des retraites, indemnité de transport régional… Idem en matière de santé avec la mise à niveau des infrastructures hospitalières, le projet d’un CHU multisites, un meilleur maillage territorial… En bref, toutes les mesures que l’Exécutif nationaliste a voulu prendre et que l’Etat a refusé jusqu’à présent d’accorder. « Un statut d’autonomie permet d’assurer la prise en compte des contraintes et besoins spécifiques du territoire dans l’élaboration de l’action publique ». Ceci, par la maîtrise des transports, de la ressource foncière, des ressources hydrauliques et énergétiques… et surtout le pouvoir de lever l’impôt, mais aussi, par exemple, de développer des coopérations méditerranéennes bilatérales.
L’enjeu d’un Titre
L’autonomie définie, encore faut-il y parvenir. Le rapport trace un chemin constitutionnel en trois étapes. Primo, un Accord politique soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un referendum, contenant un préambule, un document d’orientation - comme dans l’Accord de Nouméa – et une clause de bonne fin par laquelle l’Etat s’engage à préparer les textes nécessaires à la mise en œuvre dudit Accord. Deuxio, l’insertion d’un Titre dans la Constitution consacrant l’autonomie de la Corse, et pas un simple article relatif à la Corse. Tertio, une loi organique déclinant cet Accord et les principes du statut d’autonomie de la Corse, avec transfert du pouvoir législatif dans le périmètre des compétences reconnues à la Collectivité autonome de Corse. Ceci posé, le rapport propose, dans sa troisième partie, l’armature générale du statut d’autonomie et sa construction concrète avec la mise en œuvre du transfert de compétences et des moyens financiers et humains permettant de les exercer concrètement et efficacement. « L’équilibre budgétaire et financier global de la Collectivité autonome de Corse est la condition sine qua non de l’autonomie ». Il s’appuie pour cela sur une estimation des impôts nationaux levés en Corse en 2021 : « Près de 900 millions € d’impôts remonteraient de la Corse vers le budget de l’Etat, dont 53 millions € sont reversés au réel en lien avec le statut spécifique (TICPE locale) ». Au premier rang desquels, figure la TVA. S’y ajoutent « plus de 900 millions € d’impôts remonteraient de la Corse vers des organismes nationaux ou infranationaux (agence de l’eau) ». En l’état de cette estimation qui, précise le rapport, « reste à corroborer par la discussion contradictoire avec les services de l’Etat », il affirme qu’il « n’y aurait donc pas d’écart significatif entre ce que l’Etat verse en Corse aux collectivités territoriales – 891 millions € - et ce qu’il perçoit 897 millions €, hors impôts affectés - dans l’île ». Des données qui, pour l’Exécutif corse, confortent la nécessité de construire un nouveau pacte budgétaire, fiscal et financier avec l’Etat.
L’enjeu d’un vote
Le président de l’Exécutif prend soin de préciser que ce rapport, comme « la délibération qui sera votée par l’Assemblée de Corse le 4 juillet, n’a pas vocation à rentrer dans le détail technique de propositions thématiques. Ce travail viendra lors de la seconde phase du processus, au lendemain de l’intervention du Président de la République et jusqu’à la fin de l’année, horizon fixé pour la remise définitive du projet ». Tout l’enjeu pour le moment est de réussir à remplir la feuille blanche de ladite délibération et d’arracher le consensus le plus large possible le 4 juillet. Les négociations ont déjà laborieusement débuté entre anciens alliés nationalistes, mais ce qui semble aller de soi pour un projet d’autonomie largement partagé et réclamé depuis longtemps, pourrait se heurter à des rancoeurs électorales toujours pas digérées et à des stratégies politiques locales antagonistes. Le débat et le vote du 4 juillet seront, à ce sujet, fort révélateurs de la réalité des positions affichées. En même temps, ce n’est qu’au prix d’un accord entre Nationalistes et d’un large vote que la délibération pourra être adoptée et transmise au ministre de l’Intérieur et au Président de la République. Et si nul ne peut préjuger de ce qu’en fera Emmanuel Macron, tout au plus qu’il agira au mieux de ses intérêts personnels, on ne voit pas qui, chez les Nationalistes, pourrait prendre le risque d’assumer la responsabilité d’un échec !
N.M.
L’enjeu historique
Dans cette optique de convergence, le président de l’Exécutif corse décline un rapport en trois parties : la première définit les grands principes et la structure du statut d’autonomie de la Corse, la seconde trace le chemin constitutionnel pour le mettre en place et la solution politique globale dans laquelle il s’inscrit, la troisième précise le calendrier et les procédures optimales pour le construire. Le rapport commence, donc, par réaffirmer que l’autonomie souhaitée est « une autonomie de plein droit et de plein exercice », c’est-à-dire le transfert à la Collectivité autonome de Corse de la compétence normative, c'est-à-dire l'octroi d'un pouvoir législatif, l’Etat conservant ses prérogatives régaliennes. Le rapport démontre que cette autonomie existe déjà dans le droit constitutionnel français et que donc « rien ne s’oppose sur le plan juridique à ce que la Corse en bénéficie ». Il rappelle que ce statut est la règle pour quasiment toutes les îles de Méditerranée, en plus des Açores et de Madère. Le rapport explique ensuite en quoi l’obtention d’un statut d’autonomie est « une garantie de progrès pour la Corse et les Corses » à travers trois enjeux. D’abord, un enjeu historique, celui de tourner la page de la logique de conflit entre la Corse et l’Etat et de construire une relation apaisée « dans le dialogue et le respect réciproques ». Pour cela, il est essentiel pour les Nationalistes d’intégrer dans le statut d’autonomie les trois fondamentaux : la reconnaissance du peuple corse, la coofficialité de la langue corse, le lien entre les Corses et leur terre, concrétisé notamment par un statut de résident.
L’enjeu démocratique
Ensuite, un enjeu démocratique avec « des institutions équilibrées » répondant à « la volonté du peuple corse de vivre dans une société démocratique, libre et apaisée ». Ce qui suppose également de garantir le périmètre des compétences des communes, intercommunalités et territoires. Cela passe par l’établissement d’un « nouveau pacte budgétaire, fiscal et financier, entre l’Etat, la Collectivité de Corse, et les communes, intercommunalités et territoires, garantissant à chaque Collectivité les moyens d’exercer réellement ses compétences ». Mais aussi par la progressivité des transferts de compétences et des moyens humains. Le rapport se fait l’écho de l’inquiétude « récurrente et légitime, exprimée aussi bien par les élus que par l’ensemble des citoyens » sur la capacité de la Collectivité de Corse et des autres collectivités de l’île à assurer de façon efficiente la complexité de la mise en œuvre d’un statut d’autonomie. Et demande, que, comme ce fut le cas dans le Trentino-Aldige/Südtirol ou en Nouvelle-Calédonie, le transfert de compétences fasse l’objet d’un échéancier pour contrôler si les ressources et les moyens sont correctement mis en œuvre. Le rapport réaffirme que l’autonomie n’a de sens que si elle est au service d’un projet de société : « Les Corses attendent du statut d’autonomie qu’il permette d’améliorer leur vie individuelle et collective dans tous les domaines ». Et de lister tout ce que permettrait l’autonomie en matière de croissance économique, de lutte contre la précarité et la pauvreté, d’actions sur le pouvoir d’achat : chèque alimentaire, prime sur les carburants, majoration de l’indexation des retraites, indemnité de transport régional… Idem en matière de santé avec la mise à niveau des infrastructures hospitalières, le projet d’un CHU multisites, un meilleur maillage territorial… En bref, toutes les mesures que l’Exécutif nationaliste a voulu prendre et que l’Etat a refusé jusqu’à présent d’accorder. « Un statut d’autonomie permet d’assurer la prise en compte des contraintes et besoins spécifiques du territoire dans l’élaboration de l’action publique ». Ceci, par la maîtrise des transports, de la ressource foncière, des ressources hydrauliques et énergétiques… et surtout le pouvoir de lever l’impôt, mais aussi, par exemple, de développer des coopérations méditerranéennes bilatérales.
L’enjeu d’un Titre
L’autonomie définie, encore faut-il y parvenir. Le rapport trace un chemin constitutionnel en trois étapes. Primo, un Accord politique soumis à l’approbation en Corse dans le cadre d’un referendum, contenant un préambule, un document d’orientation - comme dans l’Accord de Nouméa – et une clause de bonne fin par laquelle l’Etat s’engage à préparer les textes nécessaires à la mise en œuvre dudit Accord. Deuxio, l’insertion d’un Titre dans la Constitution consacrant l’autonomie de la Corse, et pas un simple article relatif à la Corse. Tertio, une loi organique déclinant cet Accord et les principes du statut d’autonomie de la Corse, avec transfert du pouvoir législatif dans le périmètre des compétences reconnues à la Collectivité autonome de Corse. Ceci posé, le rapport propose, dans sa troisième partie, l’armature générale du statut d’autonomie et sa construction concrète avec la mise en œuvre du transfert de compétences et des moyens financiers et humains permettant de les exercer concrètement et efficacement. « L’équilibre budgétaire et financier global de la Collectivité autonome de Corse est la condition sine qua non de l’autonomie ». Il s’appuie pour cela sur une estimation des impôts nationaux levés en Corse en 2021 : « Près de 900 millions € d’impôts remonteraient de la Corse vers le budget de l’Etat, dont 53 millions € sont reversés au réel en lien avec le statut spécifique (TICPE locale) ». Au premier rang desquels, figure la TVA. S’y ajoutent « plus de 900 millions € d’impôts remonteraient de la Corse vers des organismes nationaux ou infranationaux (agence de l’eau) ». En l’état de cette estimation qui, précise le rapport, « reste à corroborer par la discussion contradictoire avec les services de l’Etat », il affirme qu’il « n’y aurait donc pas d’écart significatif entre ce que l’Etat verse en Corse aux collectivités territoriales – 891 millions € - et ce qu’il perçoit 897 millions €, hors impôts affectés - dans l’île ». Des données qui, pour l’Exécutif corse, confortent la nécessité de construire un nouveau pacte budgétaire, fiscal et financier avec l’Etat.
L’enjeu d’un vote
Le président de l’Exécutif prend soin de préciser que ce rapport, comme « la délibération qui sera votée par l’Assemblée de Corse le 4 juillet, n’a pas vocation à rentrer dans le détail technique de propositions thématiques. Ce travail viendra lors de la seconde phase du processus, au lendemain de l’intervention du Président de la République et jusqu’à la fin de l’année, horizon fixé pour la remise définitive du projet ». Tout l’enjeu pour le moment est de réussir à remplir la feuille blanche de ladite délibération et d’arracher le consensus le plus large possible le 4 juillet. Les négociations ont déjà laborieusement débuté entre anciens alliés nationalistes, mais ce qui semble aller de soi pour un projet d’autonomie largement partagé et réclamé depuis longtemps, pourrait se heurter à des rancoeurs électorales toujours pas digérées et à des stratégies politiques locales antagonistes. Le débat et le vote du 4 juillet seront, à ce sujet, fort révélateurs de la réalité des positions affichées. En même temps, ce n’est qu’au prix d’un accord entre Nationalistes et d’un large vote que la délibération pourra être adoptée et transmise au ministre de l’Intérieur et au Président de la République. Et si nul ne peut préjuger de ce qu’en fera Emmanuel Macron, tout au plus qu’il agira au mieux de ses intérêts personnels, on ne voit pas qui, chez les Nationalistes, pourrait prendre le risque d’assumer la responsabilité d’un échec !
N.M.