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Françoise Santini, née le 1er mars 1884, disparue en 1943, son corps n'a jamais été retrouvé. Sylvestre Curioli, né le 19 mars 1867, décédé le 18 juillet 1943... Quand elle plonge dans le passé de ces Bastiais d'un autre temps, morts depuis quatre-vingts ans, Véronique Vancoillie se laisse gagner par l'émotion : "Je trouve ça touchant de reparler de ces personnes oubliées de tous. Ne serait-ce qu'écrire leur nom quelque part, ça permet de les faire revivre un peu." Retrouver des actes de naissance, de mariage ou de décès, y lire des pans d'histoires personnelles, c'est la partie du travail que la chargée de mission à la réhabilitation du centre ancien de Bastia affectionne le plus. Elle le fait dans le but de retrouver la trace d'héritiers potentiels d'un bien vacant sans maître.
C'est comme cela que Véronique Vancoillie apprend que Françoise Santini a déjà une soixantaine d'années quand elle acquiert, en mai 1943, une copropriété au 17, rue Carbuccia. C'est la guerre et cette Bastiaise originaire de Pietricaggio profitera très peu de son bien puisqu'elle disparaîtra sous les bombardements en septembre 1943. Sa sœur en récupère la jouissance, mais sans se faire délivrer un titre de propriété. Point de départ qui aboutit à une situation des plus complexes, comme on en connaît beaucoup en Corse : "C'est l'effet pervers des arrêtés Miot. Les gens ne déclaraient pas leur succession, car ils étaient exonérés des droits", contextualise la chargée de mission, qui a recensé depuis 2014, une quinzaine de biens vacants sans maître.
C'est comme cela que Véronique Vancoillie apprend que Françoise Santini a déjà une soixantaine d'années quand elle acquiert, en mai 1943, une copropriété au 17, rue Carbuccia. C'est la guerre et cette Bastiaise originaire de Pietricaggio profitera très peu de son bien puisqu'elle disparaîtra sous les bombardements en septembre 1943. Sa sœur en récupère la jouissance, mais sans se faire délivrer un titre de propriété. Point de départ qui aboutit à une situation des plus complexes, comme on en connaît beaucoup en Corse : "C'est l'effet pervers des arrêtés Miot. Les gens ne déclaraient pas leur succession, car ils étaient exonérés des droits", contextualise la chargée de mission, qui a recensé depuis 2014, une quinzaine de biens vacants sans maître.
Ces derniers représentent une part minime des logements vacants. Dans la majorité des cas, les propriétaires sont connus. Il y a deux ans, la mairie était pionnière dans l'expérimentation d'un dispositif qui a recensé 800 logements vacants dans le centre-ville de Bastia, oeuvrant ensuite auprès des propriétaires au déblocage de la situation de vacance (vente, location, aide à une réhabilitation du bien).
Parfois, certains bien sans maître sont squattés, tant il apparaît évident que plus personne n'y vit. D'autres ont tendance à disparaître visuellement du paysage, comme au 10, rue Napoléon, sans propriétaire depuis trente ans. A l'arrière de cet appartement, il y a une petite fenêtre au volet vert qu'il serait impossible d'ouvrir aujourd'hui car... une canalisation passe effrontément devant ! Ceux qui l'ont installée n'ont même pas cherché à contourner la fenêtre, sachant bien qu'il n'y a plus personne pour l'ouvrir...
Parfois, certains bien sans maître sont squattés, tant il apparaît évident que plus personne n'y vit. D'autres ont tendance à disparaître visuellement du paysage, comme au 10, rue Napoléon, sans propriétaire depuis trente ans. A l'arrière de cet appartement, il y a une petite fenêtre au volet vert qu'il serait impossible d'ouvrir aujourd'hui car... une canalisation passe effrontément devant ! Ceux qui l'ont installée n'ont même pas cherché à contourner la fenêtre, sachant bien qu'il n'y a plus personne pour l'ouvrir...
Au 1er étage d'un immeuble situé dans une rue du vieux Bastia, une vieille porte en bois est recouverte de tags. Deux planches ont été clouées pour la refermer mais la porte s'ouvre quand même. A l'intérieur, ça sent l'humidité. Impossible de rentrer car la pièce est encombrée d'objets en tous genres ou de poubelles. Ce bien, sans maître depuis 1983, sert depuis de débarras aux habitants du quartier. Sa faible hauteur sous plafond, tolérée à l'époque, ne répond plus aujourd'hui aux normes de salubrité pour qu'il soit remis sur le marché. Le bien a malgré tout été incorporé dans le domaine communal par la mairie, qui proposera à la copropriété concernée de l'acquérir pour en faire un local collectif, en bonne et due forme.
Un bien est déclaré sans maître quand la succession est ouverte depuis plus de trente ans et qu'aucun héritier ne s'est manifesté. "Il n'y a pas de bien sans maître sur un appartement de 300m2 du boulevard Paoli, fait remarquer Véronique Vancoillie. Ce sont généralement des biens de petite taille, sans trop de valeur, sinon les héritiers se seraient manifestés." S"il ne le font pas, c'est parce que ce bien dont ils hériteraient pourrait devenir une source de charges, avec des frais de notaire à payer pouvant être supérieurs à la valeur d'un bien qui a subi les affres du temps. Parfois, la procédure lancée par la municipalité a le don de réveiller des héritiers, mais ce n'est arrivé que deux fois en dix ans à Bastia : "Une fois sur un grand appartement situé en dehors du centre ancien et une autre fois, les héritiers se sont manifestés d'un pays très lointain (le Venezuela)", révèle Hakima Bouhannou, qui travaille en complément de Véronique Vancoillie sur le POPAC de Bastia, le Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés.
Un bien est déclaré sans maître quand la succession est ouverte depuis plus de trente ans et qu'aucun héritier ne s'est manifesté. "Il n'y a pas de bien sans maître sur un appartement de 300m2 du boulevard Paoli, fait remarquer Véronique Vancoillie. Ce sont généralement des biens de petite taille, sans trop de valeur, sinon les héritiers se seraient manifestés." S"il ne le font pas, c'est parce que ce bien dont ils hériteraient pourrait devenir une source de charges, avec des frais de notaire à payer pouvant être supérieurs à la valeur d'un bien qui a subi les affres du temps. Parfois, la procédure lancée par la municipalité a le don de réveiller des héritiers, mais ce n'est arrivé que deux fois en dix ans à Bastia : "Une fois sur un grand appartement situé en dehors du centre ancien et une autre fois, les héritiers se sont manifestés d'un pays très lointain (le Venezuela)", révèle Hakima Bouhannou, qui travaille en complément de Véronique Vancoillie sur le POPAC de Bastia, le Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés.
Véronique Vancoillie et Hakima Bouhannou, devant un bien sans maître dont la porte a été changée par la mairie, car l'appartement était squatté.
Elle aussi est très investie dans la mission de recensement des biens vacants sans maître, car l'existence même de ces derniers est de nature à constituer un point de blocage quand des travaux doivent être menés dans une copropriété. Il arrive en effet qu'à Bastia, des copropriétaires refusent d'engager des travaux car l'un des lots n'est pas en capacité de prendre sa part du financement, et pour cause : c'est un bien sans maître. Mais dans d'autres cas, "le syndic va continuer à faire des appels de fonds, car officiellement il n'y a pas eu de déclaration selon laquelle la personne est décédée", précise Hakima Bouhannou. Il incombera au futur acquéreur de s'acquitter de cette dette, ce qui peut constituer un obstacle, même si les biens sans maîtres sont mis sur le marché suivant l'estimation des domaines, soit à un prix très accessible.
La mission de la mairie est donc accomplie quand un bien sans maître... retrouve un maître. En excluant ceux qui n'envisagent pas d'en faire un Airbnb, comme le confirme Josefa Negroni, responsable du service foncier de la ville de Bastia : "Dans les dossiers, on porte une attention particulière aux propriétaires occupants, aux primo-accédants ou au locatif social." Emmanuelle De Gentili va même plus loin : "C'est dans les clauses de notre cahier des charges. Ce n'est pas possible de transformer la vocation de ces biens. Dans l'idée, on souhaite refroidir les prix du foncier. Ces biens sans maître ne coûtent rien à la ville, ils sont en très mauvais état et on peut les revendre à moindre cout à des personnes qui pourront bénéficier d'aides pour les rénover", synthétise la 1re adjointe bastiaise, en charge de la politique du logement, qui envisage aussi de mettre en place "des contrôles" pour que les biens réhabilités ne fassent pas l'objet d'une spéculation.
La mission de la mairie est donc accomplie quand un bien sans maître... retrouve un maître. En excluant ceux qui n'envisagent pas d'en faire un Airbnb, comme le confirme Josefa Negroni, responsable du service foncier de la ville de Bastia : "Dans les dossiers, on porte une attention particulière aux propriétaires occupants, aux primo-accédants ou au locatif social." Emmanuelle De Gentili va même plus loin : "C'est dans les clauses de notre cahier des charges. Ce n'est pas possible de transformer la vocation de ces biens. Dans l'idée, on souhaite refroidir les prix du foncier. Ces biens sans maître ne coûtent rien à la ville, ils sont en très mauvais état et on peut les revendre à moindre cout à des personnes qui pourront bénéficier d'aides pour les rénover", synthétise la 1re adjointe bastiaise, en charge de la politique du logement, qui envisage aussi de mettre en place "des contrôles" pour que les biens réhabilités ne fassent pas l'objet d'une spéculation.
Un bien sans maître rénové à Bastia.
Laura-Stella Santini, par exemple, est une jeune Bastiaise qui a saisi l'opportunité de devenir propriétaire "pour 33 000 euros" d'un bien sans maître de 64m2 (plus terrasse), dans la rue Chanoine-Letteron. Au final, celui-ci lui a coûté "48 000 euros avec les frais de notaire, plus 145 000 euros de travaux". Elle bénéficiera, au terme du chantier, "d'environ 40 000 euros" de subventions octroyées par l'Agence nationale de l'habitat, la ville de Bastia et la Collectivité de Corse. "C'était bien délabré, mais j'ai eu un coup de coeur pour ces vieilles pierres", confie la Bastiaise, qui a mis un an et demi pour le rendre vivable. Avant son arrivée, sa terrasse faisait office de déchetterie pour certains copropriétaires de l'immeuble. "J'ai tout nettoyé et un jour, j'ai vu ma voisine jeter des restes de pastèque et de melon par la fenêtre ! Je lui ai dit d'arrêter, que c'était ma terrasse maintenant, et elle ne l'a plus refait."