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Projet d’accord UE-Mercosur : En Corse aussi, la colère gronde chez les agriculteurs


le Lundi 18 Novembre 2024 à 18:30

Alors que la ratification de ce traité de libre échange entre l'UE et les cinq pays d'Amérique latine semble imminente, l'inquiétude grandit chez les agriculteurs qui craignent une concurrence déloyale. Si sur le continent les mobilisations ont débuté depuis plusieurs jours, en Corse de premières manifestations seront organisées cette semaine.



(Photo : Archives CNI)
(Photo : Archives CNI)
Nouveau mouvement de colère chez les agriculteurs. Dans un contexte de crise du monde agricole, et après un premier mouvement il y un peu moins d’un an suite auquel la profession estime n’avoir toujours pas récolté les fruits de sa mobilisation, depuis quelques jours les syndicats manifestent partout en France pour dénoncer la prochaine ratification d’un traité commercial entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur, cet espace de libre circulation des biens et des services en Amérique latine. 
 
Cet accord, en négociation depuis près de 25 ans, et destiné à intensifier et à libéraliser les échanges de biens et de services entre les États membres de l’UE et l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie, laisse en effet redouter aux agriculteurs l’arrivée de produits venus d’Amérique latine, au premier rang desquels la viande, qui ne seraient pas soumis aux normes sanitaires strictes de l’Union Européenne et qui constitueraient donc une concurrence déloyale. Finalisée depuis 2019, la version actuelle de ce traité UE-Mercosur n’est toujours pas appliquée faute de signature par les États membres de l’UE. Il faut dire que certains d’entre eux, dont la France, se montrent fermement opposés à cet accord. Mais l’Allemagne et l’Espagne poussent pour leur part à avancer sur ce dossier, et la ratification serait donc désormais imminente. Ce qui a cristallisé la colère des agriculteurs.

En Corse, la Coordination Rurale rappelle d’ailleurs que la profession tente de dénoncer ce traité depuis déjà plusieurs années. Sans succès. « Aujourd’hui, on s’aperçoit que le Gouvernement essaye de faire marche arrière. Mais je pense que c’est juste une excuse pour ne pas que les agriculteurs ne se mobilisent plus », estime Cyril Caria, le président de la Coordination Rurale Corse. « Avec cet accord, il y aurait une concurrence des tarifs complètement déloyale alors qu’aujourd’hui nous n’arrivons déjà pas à nous implanter sur notre marché local par rapport à la concurrence déloyale qui découle des aides sur le transport de matières premières », souligne-t-il par ailleurs. 
 
De son côté, la FDSEA s’inquiète pour sa part de « l’état d’esprit » que représente cet accord UE-Mercosur. Outre l’impact que celui-ci pourrait représenter pour les éleveurs mais aussi les apiculteurs, Joseph Colombani fustige en effet sa philosophie. « Cet accord dit que l’Europe est fortement inspirée par un développement urbain et industriel et voit les campagnes comme une zone de loisirs ou de détente. La ruralité perd son potentiel productif et à cause de cela les gens qui y vivent perdent leur dignité, parce qu’ils deviennent des sortes d’assistés qui ont le sentiment d’être déclassés dans la population européenne », explique le président de la FDSEA 2B. « Avec l’accord UE-Mercosur, l’Europe s’engagerait dans cette voie urbaine avec la destruction d’une économie productive rurale. Pour la Corse, alors que nous sommes en retard de production, cela condamnerait l’espoir d’une souveraineté et d’une autonomie alimentaire, d’avoir une fonction productive spécifique pour la ruralité. C’est quelque chose que nous dénonçons », ajoute-t-il. 
 
À l’instar de ce qui se passe sur le continent, afin de montrer leur désapprobation, les deux syndicats organiseront des mobilisations en Corse dans les prochains jours. La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs, manifesteront ainsi notamment ce vendredi à 10 heures devant les préfectures de Haute-Corse et de Corse-du-Sud pour dénoncer cet accord UE- Mercosur, mais aussi la réglementation européenne sur les contrôles, « et en particulier tels que l’État français les met en œuvre en Corse », indique Joseph Colombani en visant notamment l’identification. « Dans toute l’Union Européenne, il n’y a qu’en Corse qu’on demande une double identification pour bénéficier des aides de la Politique Agricole Commune : c’est le fameux bolus. Pour nous c’est abusif, cela coûte cher et c’est absolument inefficace pour ne pas dire inutile. C’est la démonstration d’une surenchère dans le contrôle et dans l’application de la réglementation européenne », pointe-t-il.