L’heure est au bilan pour la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) de Haute-Corse. Après plusieurs années marquées par le Covid, les confinements et l’inflation, les professionnels du secteur peignent une année 2024 difficile, avec une baisse d’activité de 6 % au quatrième trimestre, notamment au niveau de la construction de maisons neuves. “Nous avons constaté une baisse importante du nombre de permis de construire accordés”, lance Vincent Baldo, président de la CAPEB de Haute-Corse. “Aujourd’hui, beaucoup de personnes déposent des demandes qui sont rejetées, notamment en raison de lois littorales ou de respect des réglementations mises en vigueur lors d’un Plan Local d’Urbanisme.” Il précise que cette baisse du nombre de permis de construire “entraîne une baisse d’activité en cascade pour les promoteurs et les entreprises du bâtiment”.
Une baisse d’activité et un secteur de la construction neuve “en berne”, qui entraîne une migration des entreprises vers un autre secteur : celui de la rénovation. “Les entreprises générales, qui sont habituellement de grosses structures avec un peu plus de moyens, se réorganisent et débarquent sur le marché de la rénovation, et notamment la rénovation énergétique”, explique Vincent Baldo. “Cependant, ce secteur n’est pas non plus en grande forme, principalement à cause de l’instabilité politique qui a touché notre pays ces derniers mois. Certaines décisions n’ont pas été prises, et certaines choses qui auraient dû être actées ne le sont toujours pas, mettant le marché de la rénovation en pause.”
Peu d’aide pour effectuer des travaux de rénovation énergétique
“Le gouvernement n’arrête pas de dire qu’il va aider les particuliers à faire des travaux de rénovation énergétique, mais aujourd’hui, ce même gouvernement a malheureusement baissé les aides et augmenté les difficultés pour les atteindre”, déplore Vincent Baldo, en faisant référence à MaPrimeRénov’. Cette aide de l’État, accessible à tous les propriétaires, a pour but de les aider lors de la rénovation énergétique de leur logement. Cependant, depuis le début de l’année, l'absence de budget pour l'État en 2025 bloque le paiement des aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’. “Il est nécessaire d’aider les particuliers qui souhaitent entreprendre des travaux de rénovation, d’autant plus que désormais, les appartements ou maisons classés F ou G deviennent interdits à la location, ou invendables, si les travaux ne sont pas effectués.”
Le président de la CAPEB de Haute-Corse dénonce “une absence d’aide pour effectuer des travaux, surtout dans une région comme la nôtre où nous avons un parc assez vieillissant, avec de vieilles maisons, notamment dans les villages”. Il précise que “malheureusement, certains clients n’ont pas les moyens de réaliser ces travaux sans aide”. “Il existe malgré tout le programme ORELI, piloté par la Collectivité de Corse, qui permet aux clients qui souhaitent faire des travaux de rénovation énergétique d’arriver au bout de leurs démarches, mais le traitement des dossiers est un peu long.” Selon lui, “il serait préférable d’avoir un discours cohérent, et de revenir à ce qu’on avait il y a quelque temps et qui fonctionnait très bien”.
Une augmentation de 30 à 40 % des entreprises en redressement
Autre problème abordé par Vincent Baldo : les Prêts Garantis par l’État (PGE), instaurés au moment du confinement en 2020 “pour donner un second souffle aux entreprises qui étaient à l’arrêt”. “Aujourd’hui, les entreprises doivent rembourser les prêts qui ont été octroyés, mais il y a actuellement un énorme manque d’activité dans le secteur, et certaines entreprises sont endettées, ce qui rend le remboursement plus difficile.” Il estime que “le manque d’activité et les crédits à rembourser” sont la cause de certaines liquidations judiciaires. “L’année dernière, nous avons eu une augmentation de 30 à 40 % des entreprises en redressement. Il y a aussi beaucoup de suppressions d’emplois.” Pour pallier ce problème, le président de la CAPEB de Haute-Corse “est en discussions étroites avec la Collectivité de Corse et la préfecture” pour essayer d’obtenir “un assouplissement concernant les remboursements des PGE pour faire face à cette baisse d’activité”.
Aujourd’hui, la CAPEB de Haute-Corse appréhende l’année 2025 “avec beaucoup de prudence”. “Nous dépendons beaucoup de l’activité touristique. Si le secteur du tourisme fait une bonne saison, les entreprises font des travaux, et font donc travailler les artisans du bâtiment. Nous sommes l’un des secteurs où l’on emploie le plus en Corse, mais nous manquons de visibilité sur notre profession. L’important maintenant, c’est de savoir où l’on va, quitte à nous former ou à nous adapter à un nouveau marché.” Il conclut : “Cette année, nous restons prudents, tout en restant positifs. Nous allons nous battre pour maintenir à flot nos entreprises et nos emplois.”