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Calvi-Monaco à la nage : l’objectif record du nageur suisse Noam Yaron pour l’environnement


Rose Casado le Jeudi 15 Août 2024 à 14:31

Du haut de ses 27 ans, Noam Yaaron entend battre un record du monde : celui de la plus longue nage en combinaison sans sortir de l'eau et sans assistance. Et ce, en rejoignant Monaco depuis Calvi. Un parcours de 180 km traversant l'aire marine protégée Pelagos, un espace maritime menacé, régi par la France, la principauté de Monaco et l'Italie que ce jeune Suisse souhaite accomplir en faveur de l'environnement. Confiant, stressé, mais surtout « désireux d'être à la hauteur de cet exploit », le nageur sponsorisé par Décathlon et Nivea prendra le départ lundi 19 août, si la météo le permet. Rencontre.



Noam Yaaron prendra le large aux alentours du 19 août depuis Calvi, pour rejoindre Monaco. ©Noam Yaaron
Noam Yaaron prendra le large aux alentours du 19 août depuis Calvi, pour rejoindre Monaco. ©Noam Yaaron

Comment est née cette idée de traverser la Méditerranée à la nage ?
Après avoir relevé d'autres défis, comme celui d'avoir traversé les 80 km de longueur que compte le lac Léman, j'ai eu le sentiment d'avoir fait le tour de mon pays. La France et la mer Méditerranée m'attiraient depuis longtemps. Cette mer a finalement un double lien avec le lac Léman, puisqu'il s'y déverse par le Rhône et qu'il a été qualifié en 2018 d'aussi pollué qu'elle en termes de microplastique.

 

Pourquoi avoir choisi de rejoindre Monaco depuis Calvi ?
Réaliser la traversée entre Calvi et Monaco consiste à franchir l'aire marine protégée Pelagos dans sa longueur. L'objectif était de symboliser ce que les cétacés pourraient vivre, puisque je vais être le premier homme à essayer de traverser sans sortir de l'eau durant trois jours et trois nuits. Je vais faire face aux mêmes dangers que ces animaux, c'est un symbole fort. C'est d'ailleurs le cœur de notre démarche, que de faire passer un message de préservation de la mer Méditerranée. Nous voulons parler de la biodiversité, de plus en plus menacée dans la zone. 

 

Êtes-vous sensible à la cause environnementale depuis toujours ? Comment s'est-elle imposée à vous ?
Pas du tout. Je n'ai jamais été pollueur, mais j'ai été frappé par cette cause assez tard, en 2021, lors de la préparation de mon premier défi, qui devait initialement n'être que personnel. J'ai commencé à nager dans le lac Léman parce que les piscines étaient fermées à cause du COVID. C'était l'hiver, il était calme, transparent. Et là, je suis tombé sur ce qui se cachait au fond. À savoir, des milliers de déchets. Il a l'air pur, mais ce n'est pas le cas. C'est donc là que j'ai décidé de nager pour une cause.  Étant donné que ça a été très bien reçu sur mes réseaux sociaux, qui touchent aujourd'hui 6, 4 millions de personnes chaque mois, j'ai voulu réitérer l'expérience pour sensibiliser le plus de monde possible. À travers ces actions, j'invite chaque personne à faire un effort, à prendre le temps de faire attention à l'environnement…

Quel message souhaitez-vous faire passer à travers cette démarche ?
Avant d'être un défi, cette traversée a pour vocation la préservation de l'environnement. Il est notamment question de partager des valeurs sur la santé des eaux et de la biodiversité. C'est pourquoi, à bord du voilier et du catamaran qui partiront avec moi lors de ma traversée, nous avons la chance d'avoir des grands noms de la conservation, à l'instar de l'Union de la conservation internationale pour la nature, mais aussi des membres de la fondation du Prince Albert II de Monaco, qui nous partagent des informations sur l'état de la mer Méditerranée. L'autre objectif de notre campagne est d'arriver à instaurer une loi commune aux trois pays qui régissent la zone afin de réduire la vitesse des paquebots transportant des passagers et les cargos de marchandises. Et ce, afin de limiter l'entrée en collision avec les cétacés, de plus en plus rares et menacés. 

Il faut savoir que la mer Méditerranée représente 1 % des eaux à travers le monde, mais qu'elle n'est protégée qu'à 0,23 %… Ce qui est deux fois moins que les océans dans leur ensemble. C'est fou de voir à quel point elle souffre des conditions climatiques et de la pollution, dont 80 % provient de la terre. C'est primordial de communiquer sur ce sujet. 

 

Comment va se dérouler la traversée ?
Je vais nager dans une ligne d'eau, tractée par le catamaran, afin que je puisse me concentrer sur ma vitesse. Il faudra aller le plus vite possible pour éviter de trop abîmer mon corps, qui n'est pas fait pour rester autant de temps dans l'eau salée, mais en même temps aller aussi doucement que nécessaire pour que je ne m'épuise pas. Je ferais des poses toutes les 30 minutes pour manger, boire, mettre de la crème solaire… 

 

Comment s'est articulée votre préparation ?
Je me prépare depuis 8 mois pour ce défi. Je m'entraine dans l'eau (piscine, lac, mer), trois à quatre fois par semaine, et je complète avec du fitness, pour solliciter un maximum de muscles et éviter toute douleur. Il faut voir le corps comme une machine, où le moindre boulon défectueux peut engendrer des problèmes en cascade. J'ai appris à reposer certains muscles en en sollicitant d'autres… Je fais aussi beaucoup de préparation mentale. Ces entraînements comprennent de l'hypnose, de la méditation, de la gestion du stress, de la respiration. Et le plus étonnant, c'est que je me suis exercé au sommeil en nageant. Ce qui consiste à endormir une partie de mon cerveau tout en restant actif. Ça s'appelle « l'inconscient compétent ». Ça paraît fou, mais c'est possible. Certains dauphins le font !

 

Quelles actions vont être menées durant votre traversée ?
À bord du voilier, une équipe de scientifiques va analyser le microplancton, mais aussi mener des recherches pour tenter de découvrir de nouvelles espèces marines… D'autre part, je vais servir de cobaye en quelque sorte. Des prises de sang vont m'être faites avant et après la traversée et les équipes à bord vont mener des études sur mon microbiote, afin de voir comment le corps réagit à un défi pareil. En découlera une étude officielle.

Comment votre initiative se concrétise pour la préservation de la Méditerranée ?
Nous invitons symboliquement les gens à préserver 180 000 m3 d'eau, représentant les 180 km du parcours. En clair, chaque personne qui préserve 1 m3, à hauteur de 5 euros par m3, se verra attribuer le titre de co-détenteur de ce record. Les fonds reversés à l'association suisse Objectif Environnement, dont je suis le parrain, permettront de contribuer à la réalisation de projets de conservation pour augmenter le niveau de protection de la Méditerranée. Nous allons lancer un appel à projet après la traversée. L'ensemble des projets sera évalué par un groupe d'experts pour la présélection, avant que les contributeurs et le comité ne fassent un choix final.


À travers son défi de taille, Noam Yaaron entend sensibiliser le public aux dangers auxquels la mer Méditerranée est exposée. ©Noam Yaaron
À travers son défi de taille, Noam Yaaron entend sensibiliser le public aux dangers auxquels la mer Méditerranée est exposée. ©Noam Yaaron