Le siège de la Chambre régionale des comptes de Corse, situé à Bastia.
C’est un bilan en demi-teinte que dresse la Chambre régionale des comptes Corse des 6 années d’existence du Centre intercommunal d’action sociale (CIAS) de la Communauté d’agglomération du Pays ajaccien (CAPA). Dans un rapport livré le 6 janvier, elle esquisse d’abord un tableau dégradé de la précarité dans l’intercommunalité la plus peuplée de l’île, regroupant plus d’un quart de sa population, soit 91 200 personnes et dix communes-membres. Sur ce territoire où la population, portée par un solde migratoire positif, croît à un rythme soutenu et où le niveau de vie, le taux de pauvreté et le taux de chômage sont bien meilleurs qu’au niveau régional, près de 13 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cela représente 20 % des précaires de l’île. Les jeunes et les seniors sont les premiers touchés. Les fragilités, contrastées selon les communes, s’accentuent avec le vieillissement de la population et un nombre accru de personnes isolées. Dans ce contexte, le rôle du CIAS, seul centre social actif de la CAPA, est majeur. Il assure, à la fois, un accompagnement social des personnes en difficulté et des actions destinées à favoriser le lien social et l’autonomie. Trois actions mobilisent plus de la moitié des ressources : l’accompagnement social, incluant les aides d’urgence, le portage de repas à domicile pour les personnes âgées, et les animations à destination des anciens et autres publics. La Chambre régionale des comptes salue un certain nombre de points positifs concernant l’activité « très soutenue » du CIAS jusque dans les communes rurales, elle liste aussi des manques et des faiblesses sur lesquels elle fait un certain nombre de recommandations.
Une activité soutenue
La Chambre décerne donc un satisfecit à la CIAS pour ses actions concrètes, notamment la prise en charge à plusieurs niveaux des personnes vulnérables, le soutien à la mobilité, la lutte contre l’isolement et l’animation sociale en faveur de la jeunesse. « En plus de ses missions obligatoires, notamment en matière de domiciliation et d’instruction des demandes d’aide légale, le CIAS met en œuvre une offre étendue d’actions facultatives permettant de répondre aux besoins des populations en difficulté dans leurs différentes composantes alimentaire, financière, parentalité, logement d’urgence... Il développe également des services en vue de favoriser l’autonomie des personnes, dont une activité de portage de repas à domicile déjà ancienne et un grand nombre d’animations visant à maintenir le lien social. Grâce à l’amélioration de ses conditions d’accueil, ce sont quelques milliers de personnes qui viennent chaque année solliciter ses services. Plusieurs centaines de ménages bénéficient en outre de ses différents dispositifs d’aide sociale facultative ». Néanmoins, précise le rapport, les outils proposés ne connaissent pas tous le même engouement : « Certains peinent à trouver leur public, tandis que d’autres nécessiteraient d’être pérennisés. Face à la multiplicité des dispositifs développés et à une potentielle recrudescence des besoins sociaux du territoire, il devient impératif de redéfinir une stratégie claire pour l’établissement et de mieux articuler son rôle avec celui de la collectivité de Corse. Par ailleurs, les processus d’attribution des aides financières gagneraient à être mieux formalisés et cohérents par rapport aux habilitations prévues par les textes ».
Un problème de gouvernance
La Chambre des comptes pointe ensuite trois points à rectifier. Le premier est « l’absence de statuts et un cadre d’intervention défini par l’intérêt communautaire de la compétence d’action sociale ». Elle recommande d’adopter des statuts définissant l’objet, le périmètre, le financement, les modalités de gouvernance et les relations avec la CAPA. Le second concerne la gouvernance avec « des instances qui peinent à se réunir, des élus peu mobilisés et un conseil d’administration peu associé aux décisions ». Le Conseil d’administration doit tenir au moins une séance par trimestre. « Entre 2018 et 2023, à plus de vingt reprises, l’instance, faute de quorum, a dû être reconvoquée pour pouvoir se réunir. À de rares exceptions près, l’absence de quorum est systématique, contraignant les administrateurs à se réunir une seconde fois sur le même ordre du jour, cette fois sans obligation de quorum. Il en résulte des taux de participation très insatisfaisants, qui s’amenuisent d’année en année. En 2023, la participation moyenne s’est élevée à 19 %, soit six administrateurs seulement sur les 33 que compte le conseil d’administration. La moitié des membres élus n’a jamais siégé au cours de l’année, tout comme les membres nommés, parmi lesquels sept représentants des associations n’ont jamais été présents », note le rapport. Et d’ajouter : « Le vice-président, qui dispose d’une délégation pour octroyer les aides d’urgence, ne rend pas compte à l’organe délibérant des décisions prises dans ce domaine ». Le président du CIAS s’est engagé à se conformer à ces obligations dès le prochain Conseil d’administration.
Une absence de stratégie
La troisième critique porte sur l’absence de stratégie et « une analyse des besoins sociaux expirée en 2021 ». La Chambre rappelle que les CIAS ont l’obligation de réaliser tous les six ans une analyse des besoins sociaux de la population de leur secteur qui consiste en un diagnostic sociodémographique établi à partir des données d’observation sociale du territoire par l’ensemble des acteurs publics ou privés concernés. « Le CIAS devait produire une analyse des besoins sociaux du territoire en 2021, en vue de planifier les interventions et actions à réaliser jusqu’en 2026. Or, à la date du présent rapport, l’action générale du CIAS s’appuyait toujours sur une analyse réalisée par la CAPA en 2016, avant la création du centre intercommunal - et basée sur des chiffres datant de 2012- et d’une feuille de route, le « projet social », adopté par la CAPA en 2018 ». Le président du CIAS a certifié que l’analyse des besoins sociaux et un nouveau projet social étaient en cours d’élaboration et qu’ils seraient présentés au Conseil d’administration en octobre 2024. La Chambre des comptes estime que : « L’absence de stratégie actualisée n’a pas permis au CIAS d’adapter ses actions aux difficultés rencontrées. L’existence d’un pôle dédié à la jeunesse est notamment remise en cause. Dans ce domaine, l’articulation avec les autres acteurs du territoire demande à être précisée ».
Une marge de manœuvre limitée
La Chambre régionale s’est ensuite intéressée aux moyens financiers et humains dont dispose le CIAS. Elle déplore : « les marges limitées dégagées par la section de fonctionnement ». Avec un budget de fonctionnement de 3,4 millions € et des charges, notamment de personnels, en augmentation constante, le CIAS a peu de marges de manœuvre. Le rapport souligne « des efforts concernant les dépenses liées aux prestations de service, qui représentent plus de 40 % de ces charges, grâce notamment au renouvellement en 2023 du marché de portage de repas à domicile, qui a généré des économies substantielles ». En parallèle, le montant des achats a augmenté de 80 %, une flambée due « en grande partie à l’acquisition de denrées alimentaires pour l’épicerie éducative et pour les paniers de la solidarité, qui peuvent être assimilées à des dépenses d’intervention au profit des ménages modestes. Leur hausse s’explique par l’augmentation du nombre de bénéficiaires, la hausse des prix liée à l’inflation et un arrêt des dons alimentaires de la part de la grande distribution ». Le budget subit également la hausse significative des effectifs du personnel après la création de plusieurs postes, notamment en 2022, afin de répondre à l’accroissement de l’activité. Le CIAS indique rechercher de nouvelles sources de financement auprès de partenaires publics ou privés, mais, note le rapport, « cette solution est dépendante des organismes financeurs et génère des ressources par principe limitées dans le temps ». Pour y remédier, la Chambre régionale préconise la mutualisation de services avec la CAPA, notamment en matière de commande publique. Dernier point litigieux : la Chambre juge que le CIAS ne respecte toutes les obligations légales en matière de protection des données personnelles et lui demande d’y remédier. Le président du CIAS assure que des mesures seront prises dans le courant de l’année.
Une activité soutenue
La Chambre décerne donc un satisfecit à la CIAS pour ses actions concrètes, notamment la prise en charge à plusieurs niveaux des personnes vulnérables, le soutien à la mobilité, la lutte contre l’isolement et l’animation sociale en faveur de la jeunesse. « En plus de ses missions obligatoires, notamment en matière de domiciliation et d’instruction des demandes d’aide légale, le CIAS met en œuvre une offre étendue d’actions facultatives permettant de répondre aux besoins des populations en difficulté dans leurs différentes composantes alimentaire, financière, parentalité, logement d’urgence... Il développe également des services en vue de favoriser l’autonomie des personnes, dont une activité de portage de repas à domicile déjà ancienne et un grand nombre d’animations visant à maintenir le lien social. Grâce à l’amélioration de ses conditions d’accueil, ce sont quelques milliers de personnes qui viennent chaque année solliciter ses services. Plusieurs centaines de ménages bénéficient en outre de ses différents dispositifs d’aide sociale facultative ». Néanmoins, précise le rapport, les outils proposés ne connaissent pas tous le même engouement : « Certains peinent à trouver leur public, tandis que d’autres nécessiteraient d’être pérennisés. Face à la multiplicité des dispositifs développés et à une potentielle recrudescence des besoins sociaux du territoire, il devient impératif de redéfinir une stratégie claire pour l’établissement et de mieux articuler son rôle avec celui de la collectivité de Corse. Par ailleurs, les processus d’attribution des aides financières gagneraient à être mieux formalisés et cohérents par rapport aux habilitations prévues par les textes ».
Un problème de gouvernance
La Chambre des comptes pointe ensuite trois points à rectifier. Le premier est « l’absence de statuts et un cadre d’intervention défini par l’intérêt communautaire de la compétence d’action sociale ». Elle recommande d’adopter des statuts définissant l’objet, le périmètre, le financement, les modalités de gouvernance et les relations avec la CAPA. Le second concerne la gouvernance avec « des instances qui peinent à se réunir, des élus peu mobilisés et un conseil d’administration peu associé aux décisions ». Le Conseil d’administration doit tenir au moins une séance par trimestre. « Entre 2018 et 2023, à plus de vingt reprises, l’instance, faute de quorum, a dû être reconvoquée pour pouvoir se réunir. À de rares exceptions près, l’absence de quorum est systématique, contraignant les administrateurs à se réunir une seconde fois sur le même ordre du jour, cette fois sans obligation de quorum. Il en résulte des taux de participation très insatisfaisants, qui s’amenuisent d’année en année. En 2023, la participation moyenne s’est élevée à 19 %, soit six administrateurs seulement sur les 33 que compte le conseil d’administration. La moitié des membres élus n’a jamais siégé au cours de l’année, tout comme les membres nommés, parmi lesquels sept représentants des associations n’ont jamais été présents », note le rapport. Et d’ajouter : « Le vice-président, qui dispose d’une délégation pour octroyer les aides d’urgence, ne rend pas compte à l’organe délibérant des décisions prises dans ce domaine ». Le président du CIAS s’est engagé à se conformer à ces obligations dès le prochain Conseil d’administration.
Une absence de stratégie
La troisième critique porte sur l’absence de stratégie et « une analyse des besoins sociaux expirée en 2021 ». La Chambre rappelle que les CIAS ont l’obligation de réaliser tous les six ans une analyse des besoins sociaux de la population de leur secteur qui consiste en un diagnostic sociodémographique établi à partir des données d’observation sociale du territoire par l’ensemble des acteurs publics ou privés concernés. « Le CIAS devait produire une analyse des besoins sociaux du territoire en 2021, en vue de planifier les interventions et actions à réaliser jusqu’en 2026. Or, à la date du présent rapport, l’action générale du CIAS s’appuyait toujours sur une analyse réalisée par la CAPA en 2016, avant la création du centre intercommunal - et basée sur des chiffres datant de 2012- et d’une feuille de route, le « projet social », adopté par la CAPA en 2018 ». Le président du CIAS a certifié que l’analyse des besoins sociaux et un nouveau projet social étaient en cours d’élaboration et qu’ils seraient présentés au Conseil d’administration en octobre 2024. La Chambre des comptes estime que : « L’absence de stratégie actualisée n’a pas permis au CIAS d’adapter ses actions aux difficultés rencontrées. L’existence d’un pôle dédié à la jeunesse est notamment remise en cause. Dans ce domaine, l’articulation avec les autres acteurs du territoire demande à être précisée ».
Une marge de manœuvre limitée
La Chambre régionale s’est ensuite intéressée aux moyens financiers et humains dont dispose le CIAS. Elle déplore : « les marges limitées dégagées par la section de fonctionnement ». Avec un budget de fonctionnement de 3,4 millions € et des charges, notamment de personnels, en augmentation constante, le CIAS a peu de marges de manœuvre. Le rapport souligne « des efforts concernant les dépenses liées aux prestations de service, qui représentent plus de 40 % de ces charges, grâce notamment au renouvellement en 2023 du marché de portage de repas à domicile, qui a généré des économies substantielles ». En parallèle, le montant des achats a augmenté de 80 %, une flambée due « en grande partie à l’acquisition de denrées alimentaires pour l’épicerie éducative et pour les paniers de la solidarité, qui peuvent être assimilées à des dépenses d’intervention au profit des ménages modestes. Leur hausse s’explique par l’augmentation du nombre de bénéficiaires, la hausse des prix liée à l’inflation et un arrêt des dons alimentaires de la part de la grande distribution ». Le budget subit également la hausse significative des effectifs du personnel après la création de plusieurs postes, notamment en 2022, afin de répondre à l’accroissement de l’activité. Le CIAS indique rechercher de nouvelles sources de financement auprès de partenaires publics ou privés, mais, note le rapport, « cette solution est dépendante des organismes financeurs et génère des ressources par principe limitées dans le temps ». Pour y remédier, la Chambre régionale préconise la mutualisation de services avec la CAPA, notamment en matière de commande publique. Dernier point litigieux : la Chambre juge que le CIAS ne respecte toutes les obligations légales en matière de protection des données personnelles et lui demande d’y remédier. Le président du CIAS assure que des mesures seront prises dans le courant de l’année.