26 conseillers généraux présents sur 30 pour participer à l'élection de leur président.
Le duel fratricide entre François Orlandi, champion de Paul Giacobbi, et Jacky Padovani, qui assurait l’intérim de Joseph Castelli, s’annonçait serré et houleux. Il a, mardi matin, lors de l’élection du président du Conseil général de Haute-Corse, viré à la farce, hésitant entre le grotesque et le honteux ! Déjà que l’on ne comprenait pas bien la guerre explosive entre deux candidats de la majorité départementale pour arracher… deux petits mois de présidence, une guerre dont la gauche insulaire, en pleine désintégration depuis l’élection municipale ratée de mars 2014, aurait bien pu faire l’économie ! Mais il faut croire que l’enjeu, qui dépasse l’entendement du quidam moyen, en vaut la chandelle ! On a juste envie de dire : tout ça… pour seulement deux mois !
Premiers couacs
Tout ça a commencé avec la démission surprise de Joseph Castelli, suite à son élection au Sénat, et l’annonce attendue de la candidature du président par intérim, Jacky Padovani, dans un ballet que tout le monde pensait orchestré. La première fausse note est jouée sous la baguette du grand patron, Paul Giacobbi, par le chœur de sa garde qui refuse cette passation de pouvoir entre deux vieux amis de 40 ans. Elle monte au créneau et propose l’alternative François Orlandi, un choix qui aurait pu être judicieux s’il faisait consensus ! L’affrontement des deux prétendants multiplie les couacs, laissant présager un duel final, âpre, tendu, mais sans véritable suspense, l’arithmétique étant favorable au maire de Tomino. Nul ne pouvait imaginer l’ahurissante et pitoyable comédie qui s’en est suivie !
Espoir déçu
Et pourtant, mardi matin, le suspense est au rendez-vous ! Présidée par l’élu le plus âgé, Paul Peraldi, conseiller général de Vezzani, qui achève son ultime mandat politique, la séance débute dans une salle des délibérations pleine de monde et chauffée à blanc ! L’élection, qui aurait presque du passer inaperçue, passionne par sa face cachée dans une partie d’échecs à multiples inconnues que chacun s’efforce de décrypter. Elle se déroule à la majorité absolue pour les deux premiers tours de scrutin et à la majorité relative pour le 3ème tour. Le département comptant 30 conseillers, avec une majorité absolue à 16 votants, les Orlandistes caressent l’idée d’une victoire dès le 1er tour avec l’éternel renfort des voix égarées de la droite, mais doivent, vite, déchanter. Les surprises se bousculent, rendant la bataille bien plus difficile que prévue.
Des surprises en série
Première surprise : seuls 26 conseillers sont présents. Sur les quatre absents : apparemment, une seule procuration, celle de Dominique Vannucci donnée à François Orlandi. Si l’absence de Joseph Castelli en déplacement à Paris était prévisible, celle de Jean-Toussaint Guglielmacci (Calvi), proche de Paul Giacobbi, et d’Eric Calloni (Bastia V-Lupino), proche de François Tatti, étonnent.
Plus surprenant encore, aucun des trois ne semble avoir donné de pouvoir de vote, même pas, comme la rumeur le véhiculait depuis plusieurs jours, l’ex-président démissionnaire à son vieil ami, Jacky Padovani.
Deuxième surprise : l’opposition de droite décide « par respect pour nos électeurs » de présenter un candidat UMP : le maire de Calacuccia, Jean-Baptiste Castellani (Niolu-Omessa).
Troisième surprise : les candidats fratricides se disputent le même assesseur : Jacques Costa (Castifao-Morosaglia). Jacky Padovani, qui l’avait désigné le premier, l’emporte. François Orlandi opte, alors, pour Jean-Marie Vecchioni (Alto-di-Casacconi) et la droite pour Claude Flori (Haut-Nebbiu). Le 1er tour de scrutin s’achève avec 13 voix pour Orlandi et sept ex-aequo pour ses deux adversaires.
Une voix frivole
Après une suspension de séance, la droite, qui, fait non négligeable, a fait bloc autour de son candidat et a, indéniablement, le scrutin en main, décide de se maintenir au 2nd tour. Jouant sur son résultat ex-aequo qui légitime son maintien, elle retarde le moment de prendre position et de se fracturer sur un duel fratricide qui ne la concerne pas.
Le 2nd tour s’achève sur une nouvelle surprise : Jacky Padovani récupère une voix de François Orlandi sur un score légèrement modifié de 12, 8 et 7. La question de l’identité du permuté agite la salle. Deux noms circulent, deux rumeurs…
Nouvelle longue suspension de séance : le camp Padovani s’entretient avec le camp libéral. La salle frémit et retient son souffle : y aura-t-il basculement du scrutin ? L’attente s’éternise, mais François Orlandi conserve une impassibilité sereine.
Procuration en double
Le suspense prend fin, quand les élus rejoignent leur siège pour le 3ème tour. La droite explique qu’elle ne présente plus de candidat, laissant « chacun de ses membres voter en son âme et conscience ». L’unité a vécu et cède devant les inusables démons de la pulitichella, cette plaie de la droite nordiste qui retourne les votes plus vite que les idées !
Puis, soudainement, la bombe éclate ! Le président Peraldi annonce l’arrivée d’une procuration surprise de Joseph Castelli, confiée aux bons soins de Michel Mezzadri, l’homme-lige de Paul Giacobbi dans le Venacais ! L’annonce plonge une grande partie de la salle dans la stupeur… et la confusion. Jacky Padovani, déjà fort amer de la défection « d’une amitié de 40 ans », derrière laquelle il voyait la main de Dieu, alias Paul Giacobbi, bondit, choqué et ulcéré : « Comprenez que je sois surpris ! Je suis d’autant plus surpris que j’ai dans la poche une procuration de Joseph Castelli. Il m’a demandé de ne pas la présenter. J’ai respecté son désir. Mais si vous maintenez la vôtre, je la déposerai ! ». Claude Flori s’indigne : « Je vous le dis haut et fort : ce sont des méthodes de califat ! »
Une mascarade
La salle s’échauffe. Comme l’Exécutif un peu perdu, ne sait que répondre, Jacky Padovani interroge, méfiant : « Qui vous l’a remise ? ». Ne recevant pas de réponse claire, il assène : « Permettez-moi de croire que cette procuration n’existe pas ! Si un inconnu l’a déposée, je le conteste, et je demande qu’elle soit retirée ! ». La salle applaudit. François Orlandi, comprenant que la situation va dégénérer, demande sagement que « cette procuration ne soit pas prise en compte, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque sur la validité du scrutin ». L’exécutif tergiverse et décrète une suspension de séance qui provoque un tollé. « Vous allez consulter qui ? », hurle Jacky Padovani, appuyé par un public très énervé. Paul Peraldi menace de faire évacuer la salle et est hué. Marie-Hélène Djivas, directrice générale des services, tente de voler à son secours en légitimant la procuration, mais se fait éreinter par Hyacinthe Mattei. Le camp Padovani crie à la « mascarade… C’est honteux ! La démocratie est bafouée ! ».
Sage décision
Un élu de gauche lâche, consterné : « Quel triste spectacle ! Quelle image désastreuse donnons-nous à nos électeurs ! ». Un autre n’en revient pas : « Vous vous rendez compte ! On est en train de s’étriper entre nous pour 2 mois ! ». Un élu libéral s’interroge, un brin perplexe, sur « ce retournement » de Joseph Castelli qui aurait « très bien pu faire le mort à Paris » et « ne pas s’impliquer dans cette galère » ! Acculé, Michel Mezzadri cède et annonce qu’il « renonce à la procuration ». Une « sage décision qui satisfait tout le monde », conclut, soulagé, Paul Peraldi. Mais, si la salle respire, le malaise persiste.
Le 3ème tour donne la victoire à François Orlandi qui totalise 15 voix contre 11 à Jacky Padovani et 1 bulletin nul. Sur les sept élus de droite, un s’est abstenu, quatre ont voté Padovani et deux ont voté Orlandi qui a, également, récupéré sa voix baladeuse du 1er tour !
Stratégie illisible
Le maire de San Martino-di-Lota ne cache pas sa déception et son amertume (cf par ailleurs). Un peu plus tard, Hyacinthe Mattei demande « une minute de silence pour défendre la démocratie dont tout le monde parle, mais qui a été enterrée aujourd’hui ! ». Le nouveau président n’apprécie pas ! Il tente, cependant, de calmer le jeu, de relativiser l’impact du désastreux spectacle donné par les siens et feint d’ignorer que sa victoire a un goût de cendre !
Si la plupart des élus et des observateurs voient derrière cet imbroglio la main du grand patron, la stratégie politique de Paul Giacobbi semble, à deux mois des cantonales et à moins d’un an des Territoriales, assez peu lisible. Après le naufrage de sa majorité à la région où elle n’est même plus une vague ligne d’horizon, quel est l’intérêt de saborder les quelques chaloupes qui, jusque-là, surnageaient ? Certains avancent la nécessité de recomposer une majorité plus cohérente au niveau des idées. S’il est sûr que la perte des deux villes phares de Bastia et d’Ajaccio a fait durement bouger les lignes, vers qui Paul Giacobbi compte-t-il se tourner ? La campagne des Cantonales et la future majorité de la nouvelle assemblée départementale devraient donner des clés de réponse.
N.M.
Premiers couacs
Tout ça a commencé avec la démission surprise de Joseph Castelli, suite à son élection au Sénat, et l’annonce attendue de la candidature du président par intérim, Jacky Padovani, dans un ballet que tout le monde pensait orchestré. La première fausse note est jouée sous la baguette du grand patron, Paul Giacobbi, par le chœur de sa garde qui refuse cette passation de pouvoir entre deux vieux amis de 40 ans. Elle monte au créneau et propose l’alternative François Orlandi, un choix qui aurait pu être judicieux s’il faisait consensus ! L’affrontement des deux prétendants multiplie les couacs, laissant présager un duel final, âpre, tendu, mais sans véritable suspense, l’arithmétique étant favorable au maire de Tomino. Nul ne pouvait imaginer l’ahurissante et pitoyable comédie qui s’en est suivie !
Espoir déçu
Et pourtant, mardi matin, le suspense est au rendez-vous ! Présidée par l’élu le plus âgé, Paul Peraldi, conseiller général de Vezzani, qui achève son ultime mandat politique, la séance débute dans une salle des délibérations pleine de monde et chauffée à blanc ! L’élection, qui aurait presque du passer inaperçue, passionne par sa face cachée dans une partie d’échecs à multiples inconnues que chacun s’efforce de décrypter. Elle se déroule à la majorité absolue pour les deux premiers tours de scrutin et à la majorité relative pour le 3ème tour. Le département comptant 30 conseillers, avec une majorité absolue à 16 votants, les Orlandistes caressent l’idée d’une victoire dès le 1er tour avec l’éternel renfort des voix égarées de la droite, mais doivent, vite, déchanter. Les surprises se bousculent, rendant la bataille bien plus difficile que prévue.
Des surprises en série
Première surprise : seuls 26 conseillers sont présents. Sur les quatre absents : apparemment, une seule procuration, celle de Dominique Vannucci donnée à François Orlandi. Si l’absence de Joseph Castelli en déplacement à Paris était prévisible, celle de Jean-Toussaint Guglielmacci (Calvi), proche de Paul Giacobbi, et d’Eric Calloni (Bastia V-Lupino), proche de François Tatti, étonnent.
Plus surprenant encore, aucun des trois ne semble avoir donné de pouvoir de vote, même pas, comme la rumeur le véhiculait depuis plusieurs jours, l’ex-président démissionnaire à son vieil ami, Jacky Padovani.
Deuxième surprise : l’opposition de droite décide « par respect pour nos électeurs » de présenter un candidat UMP : le maire de Calacuccia, Jean-Baptiste Castellani (Niolu-Omessa).
Troisième surprise : les candidats fratricides se disputent le même assesseur : Jacques Costa (Castifao-Morosaglia). Jacky Padovani, qui l’avait désigné le premier, l’emporte. François Orlandi opte, alors, pour Jean-Marie Vecchioni (Alto-di-Casacconi) et la droite pour Claude Flori (Haut-Nebbiu). Le 1er tour de scrutin s’achève avec 13 voix pour Orlandi et sept ex-aequo pour ses deux adversaires.
Une voix frivole
Après une suspension de séance, la droite, qui, fait non négligeable, a fait bloc autour de son candidat et a, indéniablement, le scrutin en main, décide de se maintenir au 2nd tour. Jouant sur son résultat ex-aequo qui légitime son maintien, elle retarde le moment de prendre position et de se fracturer sur un duel fratricide qui ne la concerne pas.
Le 2nd tour s’achève sur une nouvelle surprise : Jacky Padovani récupère une voix de François Orlandi sur un score légèrement modifié de 12, 8 et 7. La question de l’identité du permuté agite la salle. Deux noms circulent, deux rumeurs…
Nouvelle longue suspension de séance : le camp Padovani s’entretient avec le camp libéral. La salle frémit et retient son souffle : y aura-t-il basculement du scrutin ? L’attente s’éternise, mais François Orlandi conserve une impassibilité sereine.
Procuration en double
Le suspense prend fin, quand les élus rejoignent leur siège pour le 3ème tour. La droite explique qu’elle ne présente plus de candidat, laissant « chacun de ses membres voter en son âme et conscience ». L’unité a vécu et cède devant les inusables démons de la pulitichella, cette plaie de la droite nordiste qui retourne les votes plus vite que les idées !
Puis, soudainement, la bombe éclate ! Le président Peraldi annonce l’arrivée d’une procuration surprise de Joseph Castelli, confiée aux bons soins de Michel Mezzadri, l’homme-lige de Paul Giacobbi dans le Venacais ! L’annonce plonge une grande partie de la salle dans la stupeur… et la confusion. Jacky Padovani, déjà fort amer de la défection « d’une amitié de 40 ans », derrière laquelle il voyait la main de Dieu, alias Paul Giacobbi, bondit, choqué et ulcéré : « Comprenez que je sois surpris ! Je suis d’autant plus surpris que j’ai dans la poche une procuration de Joseph Castelli. Il m’a demandé de ne pas la présenter. J’ai respecté son désir. Mais si vous maintenez la vôtre, je la déposerai ! ». Claude Flori s’indigne : « Je vous le dis haut et fort : ce sont des méthodes de califat ! »
Une mascarade
La salle s’échauffe. Comme l’Exécutif un peu perdu, ne sait que répondre, Jacky Padovani interroge, méfiant : « Qui vous l’a remise ? ». Ne recevant pas de réponse claire, il assène : « Permettez-moi de croire que cette procuration n’existe pas ! Si un inconnu l’a déposée, je le conteste, et je demande qu’elle soit retirée ! ». La salle applaudit. François Orlandi, comprenant que la situation va dégénérer, demande sagement que « cette procuration ne soit pas prise en compte, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque sur la validité du scrutin ». L’exécutif tergiverse et décrète une suspension de séance qui provoque un tollé. « Vous allez consulter qui ? », hurle Jacky Padovani, appuyé par un public très énervé. Paul Peraldi menace de faire évacuer la salle et est hué. Marie-Hélène Djivas, directrice générale des services, tente de voler à son secours en légitimant la procuration, mais se fait éreinter par Hyacinthe Mattei. Le camp Padovani crie à la « mascarade… C’est honteux ! La démocratie est bafouée ! ».
Sage décision
Un élu de gauche lâche, consterné : « Quel triste spectacle ! Quelle image désastreuse donnons-nous à nos électeurs ! ». Un autre n’en revient pas : « Vous vous rendez compte ! On est en train de s’étriper entre nous pour 2 mois ! ». Un élu libéral s’interroge, un brin perplexe, sur « ce retournement » de Joseph Castelli qui aurait « très bien pu faire le mort à Paris » et « ne pas s’impliquer dans cette galère » ! Acculé, Michel Mezzadri cède et annonce qu’il « renonce à la procuration ». Une « sage décision qui satisfait tout le monde », conclut, soulagé, Paul Peraldi. Mais, si la salle respire, le malaise persiste.
Le 3ème tour donne la victoire à François Orlandi qui totalise 15 voix contre 11 à Jacky Padovani et 1 bulletin nul. Sur les sept élus de droite, un s’est abstenu, quatre ont voté Padovani et deux ont voté Orlandi qui a, également, récupéré sa voix baladeuse du 1er tour !
Stratégie illisible
Le maire de San Martino-di-Lota ne cache pas sa déception et son amertume (cf par ailleurs). Un peu plus tard, Hyacinthe Mattei demande « une minute de silence pour défendre la démocratie dont tout le monde parle, mais qui a été enterrée aujourd’hui ! ». Le nouveau président n’apprécie pas ! Il tente, cependant, de calmer le jeu, de relativiser l’impact du désastreux spectacle donné par les siens et feint d’ignorer que sa victoire a un goût de cendre !
Si la plupart des élus et des observateurs voient derrière cet imbroglio la main du grand patron, la stratégie politique de Paul Giacobbi semble, à deux mois des cantonales et à moins d’un an des Territoriales, assez peu lisible. Après le naufrage de sa majorité à la région où elle n’est même plus une vague ligne d’horizon, quel est l’intérêt de saborder les quelques chaloupes qui, jusque-là, surnageaient ? Certains avancent la nécessité de recomposer une majorité plus cohérente au niveau des idées. S’il est sûr que la perte des deux villes phares de Bastia et d’Ajaccio a fait durement bouger les lignes, vers qui Paul Giacobbi compte-t-il se tourner ? La campagne des Cantonales et la future majorité de la nouvelle assemblée départementale devraient donner des clés de réponse.
N.M.