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Corse : la fourmi Tapinoma magnum envahit l'île


Livia Santana le Lundi 9 Mai 2022 à 19:31

Depuis plusieurs années, les fourmis de l'espèce Tapinoma magnum ravagent les potagers et deviennent la terreur des maraîchers. Egalement présent en ville, cet insecte invasif n'est pas prêt de disparaître, mais voici quelques conseils pour s'en débarrasser à l'échelle locale.



Photo OEC
Photo OEC

Vous les avez sûrement déjà croisées dans votre jardin, dans un abri à poubelles, peut-être même dans votre maison, les fourmis Tapinoma magnum sont de partout. Depuis plusieurs années, ces minuscules insectes noirs qui sont reconnaissables par l’odeur de beurre rance lorsqu’on les touche, parasitent la vie des agriculteurs insulaires en s’attaquant à leurs cultures. Fraises, clémentines et même grappes de raisin y passent. . « Elles sont omnivores mais aiment aussi particulièrement tout ce qui est sucré », explique Cyril Berquier, docteur en entomologie, spécialiste des fourmis à l’Office de l’Environnement de la Corse. 

D’après les premières recherches des scientifiques, l’espèce envahissante aurait probablement été introduite sur l’île dans les années 60-70 à cause du transport de terres et de végétaux, comme d'ailleurs la moitié des insectes invasives recensés en Corse. Elle proviendrait, à l’origine, d’Afrique du Nord et a réussi, au fil des années, à conquérir tout le Nord de l’Europe dans toute l’Italie, une bonne moitié de la France et même l’Allemagne. Longtemps confondue avec d’autres espèces, ce n’est qu’en 2018, grâce aux connaissances génétiques, que l’espèce a été identifiée. « Maintenant, on sait qu’elle est tellement envahissante qu’elle rentre en concurrence avec la fourmi d’Argentine qui est l’un des 100 organismes les plus invasifs du monde. À long terme, elle pourrait même l’éradiquer » détaille Cyril Berquier. 
Très performante en termes d’évolution, car elle est une grande prédatrice, Tapinoma Magnum a déjà commencé à éradiquer les espèces endémiques de fourmis présentes en Corse et porte atteinte à la biodiversité. Elle est d’ailleurs fortement surveillée sur la plage du Ricantu à Ajaccio, où le très rare escargot corse pourrait disparaître à cause de cette fourmi.
 

Fléau des villes, elles mordent l’homme

Carte répartition de la fourmi
Carte répartition de la fourmi
 
Du bord de mer, jusqu’à 1300 mètres d’altitude, à présent la fourmi est partout. Cet insecte apprécie spécialement les milieux perturbés, retournés par les bulldozers où la biodiversité a été simplifiée comme le centre-ville de Bastia, Bastelicaccia ou encore Porto-Vecchio.
En quelques heures, s’il pleut trop ou fait trop froid, elles déménagent les nids jusqu’à 25 mètres plus loin pour se réfugier à proximité des maisons, dans les fissures des murs. Cette espèce est d’ailleurs très agressive.« Elle va répondre aux vibrations dans le sol et attaquer lorsqu’elle se sent menacée. Des centaines d’individus peuvent monter sur les jambes et mordre », poursuit le chercheur. 

Quelles solutions pour s’en débarrasser ?

Photo OEC
Photo OEC
Si à l’échelle régionale il est impossible d’apporter une solution globale, des traitements localisés existent. La méthode préconisée est bio. Elle consiste à détruire la fourmilière à l’aide d’une pelle ou d’une bêche en hiver lorsqu’il fait froid et humide. « On s’est aperçu que le labour localisé fait réduire l’espèce, car elle craint les mauvaises conditions hivernales et devoir reformer une fourmilière épuise leurs ressources énergétiques », souligne le docteur en entomologiste spécialiste des fourmis. 

Cette action est à renouveler deux à trois fois dans les différentes fourmilières qui se trouvent à de très faibles profondeurs. Le scientifique conseille d’ailleurs d’attendre une belle journée d’hiver pour repérer la fourmilière, car celles-ci seront actives. 

Cyril Berquier alerte d’ailleurs sur l’emploi de tout insecticide chimique notamment sur la poudre diatomée qui pose des problèmes respiratoires aigus pour les animaux et qui n’est pas biodégradable. « Celles qui vont mourir ce sont celles de l’espèce corse et la Tapinoma qui est plus résistante sera la seule à survivre. L’année d’après les personnes en auront encore plus », continue-t-il. 
Dans les villes, il est conseillé d’étanchéifier et limiter le nombre de fissures dans les constructions. Bien qu’il soit possible de s’en débarrasser très localement, le scientifique l’assure : « Il va falloir apprendre à vivre avec, jusqu’à ce que les écosystèmes s’adaptent. C’est pour cela qu’il faut être particulièrement vigilant face aux nouvelles introductions d'espèces invasives. »