Jean-Guy Talamoni, conseiller territorial sortant, entouré de ses colistiers.
- Vous pointez du doigt la responsabilité de la France, sur un plan géopolitique, dans les attentats de Paris. A-t-elle failli ?
- Sur un plan géopolitique, oui ! L’Europe et la France, en particulier, ont une responsabilité écrasante dans la situation au Moyen-Orient. Certaines initiatives étaient hasardeuses, quand elles n’étaient pas purement et simplement démentes, comme l’intervention en Libye. Aujourd’hui, nous en subissons les conséquences. L’Etat islamique est un véritable Etat et non pas un prétendu Etat, même s’il n’est pas reconnu juridiquement par la communauté internationale. Il a un territoire, une armée, une justice délirante, mais efficiente, une levée d’impôts, une économie, une diplomatie… Il doit être combattu en tant que tel. L’ensemble du monde civilisé, particulièrement l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, doit se coaliser pour faire face à ce danger de façon commune. Un certain nombre de choses doivent passer au second plan pour combattre ces barbares du 21ème siècle qui s’attaquent à la civilisation humaine.
- Vous dites que la Corse ne s’en sort pas indemne. Court-elle un risque ?
- Nous ne sommes pas les seuls à le dire ! C’est ce qu’ont déclaré, il y a quelques heures, les responsables de la police. La Corse n’est pas indemne de foyers de radicalisation. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut craindre des attentats imminents ! Il faut garder son sang-froid et ne pas céder à la panique, comme certains voudraient inciter les Corses à le faire, en particulier des groupuscules qui naviguent autour du Front national. Il ne doit pas y avoir de confusion entre les musulmans vivant en Corse et les islamistes radicaux. Sur la terre de Paoli, la tolérance religieuse ne peut pas être remise en cause. C’est hors de question ! En revanche, pour la radicalisation islamiste, le mot d’ordre doit être : tolérance zéro !
- C’est-à-dire ?
- Il faut éradiquer les foyers de radicalisation. Ce n’est pas un objectif hors de portée en Corse, compte tenu de notre démographie relativement modeste et de notre société de proximité. L’existence de ces foyers de radicalisation, l’introduction du mouvement salafiste, les pressions sur la communauté marocaine pour leur imposer un mode de vie particulier et leur imposer la solidarité contre les intégristes… sont de notoriété publique. Cela fait partie des réalités. Il faut traiter ce problème.
- Que proposez-vous ?
- Aujourd’hui, la Collectivité territoriale de Corse (CTC) n’a pas les compétences de justice et de police. En tant qu’Indépendantistes, nous le regrettons. Cependant, la CTC doit être associée à la gestion de ce problème. Il n’y aura probablement pas de majorité, en janvier prochain, pour demander le transfert de la compétence en matière de police et de justice puisque Corsica Libera est la seule formation à le réclamer. Mais, nous pouvons, dès à présent, créer un Observatoire des religions qui permettrait, bien sûr, de favoriser le dialogue interreligieux, mais aussi et surtout de rencontrer régulièrement les responsables des différentes confessions pour centraliser des renseignements sur les cas de dérives éventuelles. L’idée est d’éclairer les élus de la Corse afin qu’ils soient en mesure de demander des comptes à l’administration française compétente pour combattre ce type de phénomènes.
- L’intégrisme a, aussi, un terreau social et pose la question de l’intégration. Comment préconisez-vous de régler ces problèmes d’un point de vue local ?
- Il faut, bien sûr, croiser les deux démarches, même si nous privilégions une démarche autonome sur la question religieuse. C’est important d’y voir clair ! Pour la question sociale, nous avons préconisé à l’Assemblée de Corse, lors de la dernière session, la création d’un organisme pour centraliser et coordonner les actions en matière de lutte contre la précarité. Il s’agit, à la fois, de faire face à l’arrivée des quelques réfugiés qui viendront en Corse et, à plus long terme, d’organiser la prise en charge des cas locaux de précarité. Aujourd'hui, des associations, généralement bénévoles, se battent avec beaucoup de bonne volonté, des administrations s’en occupent. Dans la prochaine mandature, le social doit être une compétence prise en charge de manière globale par la CTC.
- Le modèle d’intégration, pour vous, ne peut-il être que celui de la société corse ?
- Oui ! Nous avons présenté, il y a quelques semaines, notre vision du modèle d’intégration corse. Dans ce modèle, les différentes communautés ne sont pas juxtaposées ou concurrentes sur la terre corse. Elles ne sont pas à égalité. Il n’y a qu’un seul peuple de droit : le peuple corse ! C’est lui qui doit organiser la gestion de la diversité culturelle qui est une réalité. Il y a différentes manières de la gérer. Le modèle français de gestion, basé sur une laïcité un peu paranoïaque, ne fonctionne pas. Le Conseil de l’Europe a rejeté, à la fois, le modèle d’intégration à la française et le modèle multiculturaliste.
- Que prône-t-il ?
- Il s’est prononcé pour le modèle interculturaliste, proche du modèle québécois, mais aussi du modèle traditionnel corse, c’est-à-dire l’intégration à partir du peuple d’accueil. On ne peut pas mettre à égalité les Corses qui sont le peuple de droit et les autres communautés. Il faut tout organiser autour du peuple corse, ce que les Québécois appellent « la préséance de la culture québécoise francophone ». Pour nous, il y a une préséance du peuple corse avec sa tradition culturelle et cultuelle chrétienne. Notre tradition chrétienne a de l’influence sur les valeurs que porte notre société.
- Vous revenez sur un sujet récurrent chez les Nationalistes : la base de Solenzara. Que demandez-vous concernant son utilisation ?
- La base de Solenzara est un morceau de territoire corse, utilisé pour mener un certain nombre d’opérations plus que contestables, même désastreuses, qui ont contribué à déstabiliser des pays du Moyen-Orient. L’utilisation d’une part de leur territoire n’est pas sans danger pour les Corses. Il est, donc, tout à fait normal que les élus de la Corse puissent avoir, à un moment donné, leur mot à dire sur la façon dont il est utilisé. Nous demandons que les institutions de la CTC puissent s’exprimer sur ce sujet.
- A dix-huit jours du 1er tour des élections territoriales, ne craignez-vous pas que la peur, consécutive aux attentats de Paris, ne favorise, en Corse, un vote FN ?
- Une partie de l’électorat est désorientée, mais, le peuple corse, dans les moments de grand péril, n’a jamais eu besoin pour y faire face d’une idéologie importée ou d’un parti importé ! Au cours de son histoire, il l’a fait avec ses propres forces. Le vote FN est un vote de la peur, il n’apportera aucune sécurité, ni en Corse, ni en France. En Corse, le FN ne cherche pas à régler les problèmes, mais, bien au contraire, à faire en sorte qu’ils se développent comme ils se sont développés en France afin de les exploiter électoralement. Il ne faut pas céder à la peur ! Il faut voter avec son cerveau, effectuer un vote éclairé. Cela ne peut pas être le vote du beauf français dans sa banlieue, terrorisé, qui vote FN pour se défouler ou se rassurer ! Le vote FN est un vote de l’anti-Corse.
- Pourquoi ?
- Marine Le Pen s’est prononcée contre l’officialité de notre langue, contre la corsisation des emplois, contre le statut de résident, contre les patriotes corses qu’elle qualifie de « terroristes » et pour lesquels le FN a toujours demandé la peine de mort. Voter FN, c’est trahir la Corse ! Nous pensons que les Corses réfléchiront à deux fois avant d’effectuer le même vote que les CRS et que nombre de gendarmes arrivés ici. Nous déconseillons formellement à ceux qui se considèrent comme Corses et veulent l’épanouissement de la Corse d’aller dans ce sens.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Sur un plan géopolitique, oui ! L’Europe et la France, en particulier, ont une responsabilité écrasante dans la situation au Moyen-Orient. Certaines initiatives étaient hasardeuses, quand elles n’étaient pas purement et simplement démentes, comme l’intervention en Libye. Aujourd’hui, nous en subissons les conséquences. L’Etat islamique est un véritable Etat et non pas un prétendu Etat, même s’il n’est pas reconnu juridiquement par la communauté internationale. Il a un territoire, une armée, une justice délirante, mais efficiente, une levée d’impôts, une économie, une diplomatie… Il doit être combattu en tant que tel. L’ensemble du monde civilisé, particulièrement l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, doit se coaliser pour faire face à ce danger de façon commune. Un certain nombre de choses doivent passer au second plan pour combattre ces barbares du 21ème siècle qui s’attaquent à la civilisation humaine.
- Vous dites que la Corse ne s’en sort pas indemne. Court-elle un risque ?
- Nous ne sommes pas les seuls à le dire ! C’est ce qu’ont déclaré, il y a quelques heures, les responsables de la police. La Corse n’est pas indemne de foyers de radicalisation. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut craindre des attentats imminents ! Il faut garder son sang-froid et ne pas céder à la panique, comme certains voudraient inciter les Corses à le faire, en particulier des groupuscules qui naviguent autour du Front national. Il ne doit pas y avoir de confusion entre les musulmans vivant en Corse et les islamistes radicaux. Sur la terre de Paoli, la tolérance religieuse ne peut pas être remise en cause. C’est hors de question ! En revanche, pour la radicalisation islamiste, le mot d’ordre doit être : tolérance zéro !
- C’est-à-dire ?
- Il faut éradiquer les foyers de radicalisation. Ce n’est pas un objectif hors de portée en Corse, compte tenu de notre démographie relativement modeste et de notre société de proximité. L’existence de ces foyers de radicalisation, l’introduction du mouvement salafiste, les pressions sur la communauté marocaine pour leur imposer un mode de vie particulier et leur imposer la solidarité contre les intégristes… sont de notoriété publique. Cela fait partie des réalités. Il faut traiter ce problème.
- Que proposez-vous ?
- Aujourd’hui, la Collectivité territoriale de Corse (CTC) n’a pas les compétences de justice et de police. En tant qu’Indépendantistes, nous le regrettons. Cependant, la CTC doit être associée à la gestion de ce problème. Il n’y aura probablement pas de majorité, en janvier prochain, pour demander le transfert de la compétence en matière de police et de justice puisque Corsica Libera est la seule formation à le réclamer. Mais, nous pouvons, dès à présent, créer un Observatoire des religions qui permettrait, bien sûr, de favoriser le dialogue interreligieux, mais aussi et surtout de rencontrer régulièrement les responsables des différentes confessions pour centraliser des renseignements sur les cas de dérives éventuelles. L’idée est d’éclairer les élus de la Corse afin qu’ils soient en mesure de demander des comptes à l’administration française compétente pour combattre ce type de phénomènes.
- L’intégrisme a, aussi, un terreau social et pose la question de l’intégration. Comment préconisez-vous de régler ces problèmes d’un point de vue local ?
- Il faut, bien sûr, croiser les deux démarches, même si nous privilégions une démarche autonome sur la question religieuse. C’est important d’y voir clair ! Pour la question sociale, nous avons préconisé à l’Assemblée de Corse, lors de la dernière session, la création d’un organisme pour centraliser et coordonner les actions en matière de lutte contre la précarité. Il s’agit, à la fois, de faire face à l’arrivée des quelques réfugiés qui viendront en Corse et, à plus long terme, d’organiser la prise en charge des cas locaux de précarité. Aujourd'hui, des associations, généralement bénévoles, se battent avec beaucoup de bonne volonté, des administrations s’en occupent. Dans la prochaine mandature, le social doit être une compétence prise en charge de manière globale par la CTC.
- Le modèle d’intégration, pour vous, ne peut-il être que celui de la société corse ?
- Oui ! Nous avons présenté, il y a quelques semaines, notre vision du modèle d’intégration corse. Dans ce modèle, les différentes communautés ne sont pas juxtaposées ou concurrentes sur la terre corse. Elles ne sont pas à égalité. Il n’y a qu’un seul peuple de droit : le peuple corse ! C’est lui qui doit organiser la gestion de la diversité culturelle qui est une réalité. Il y a différentes manières de la gérer. Le modèle français de gestion, basé sur une laïcité un peu paranoïaque, ne fonctionne pas. Le Conseil de l’Europe a rejeté, à la fois, le modèle d’intégration à la française et le modèle multiculturaliste.
- Que prône-t-il ?
- Il s’est prononcé pour le modèle interculturaliste, proche du modèle québécois, mais aussi du modèle traditionnel corse, c’est-à-dire l’intégration à partir du peuple d’accueil. On ne peut pas mettre à égalité les Corses qui sont le peuple de droit et les autres communautés. Il faut tout organiser autour du peuple corse, ce que les Québécois appellent « la préséance de la culture québécoise francophone ». Pour nous, il y a une préséance du peuple corse avec sa tradition culturelle et cultuelle chrétienne. Notre tradition chrétienne a de l’influence sur les valeurs que porte notre société.
- Vous revenez sur un sujet récurrent chez les Nationalistes : la base de Solenzara. Que demandez-vous concernant son utilisation ?
- La base de Solenzara est un morceau de territoire corse, utilisé pour mener un certain nombre d’opérations plus que contestables, même désastreuses, qui ont contribué à déstabiliser des pays du Moyen-Orient. L’utilisation d’une part de leur territoire n’est pas sans danger pour les Corses. Il est, donc, tout à fait normal que les élus de la Corse puissent avoir, à un moment donné, leur mot à dire sur la façon dont il est utilisé. Nous demandons que les institutions de la CTC puissent s’exprimer sur ce sujet.
- A dix-huit jours du 1er tour des élections territoriales, ne craignez-vous pas que la peur, consécutive aux attentats de Paris, ne favorise, en Corse, un vote FN ?
- Une partie de l’électorat est désorientée, mais, le peuple corse, dans les moments de grand péril, n’a jamais eu besoin pour y faire face d’une idéologie importée ou d’un parti importé ! Au cours de son histoire, il l’a fait avec ses propres forces. Le vote FN est un vote de la peur, il n’apportera aucune sécurité, ni en Corse, ni en France. En Corse, le FN ne cherche pas à régler les problèmes, mais, bien au contraire, à faire en sorte qu’ils se développent comme ils se sont développés en France afin de les exploiter électoralement. Il ne faut pas céder à la peur ! Il faut voter avec son cerveau, effectuer un vote éclairé. Cela ne peut pas être le vote du beauf français dans sa banlieue, terrorisé, qui vote FN pour se défouler ou se rassurer ! Le vote FN est un vote de l’anti-Corse.
- Pourquoi ?
- Marine Le Pen s’est prononcée contre l’officialité de notre langue, contre la corsisation des emplois, contre le statut de résident, contre les patriotes corses qu’elle qualifie de « terroristes » et pour lesquels le FN a toujours demandé la peine de mort. Voter FN, c’est trahir la Corse ! Nous pensons que les Corses réfléchiront à deux fois avant d’effectuer le même vote que les CRS et que nombre de gendarmes arrivés ici. Nous déconseillons formellement à ceux qui se considèrent comme Corses et veulent l’épanouissement de la Corse d’aller dans ce sens.
Propos recueillis par Nicole MARI.