Pierre-François Marietti dit ne rien attendre de ce rendez-vous à l'Elysée le 23 octobre prochain. (Photo Mario Grazi)
Le 11 septembre 1968, le crash de la Caravelle reliant Ajaccio à Nice coûtait la vie à 95 personnes, dont 89 passagers et 6 membres d'équipage. Cinquante-six ans après, les familles des victimes continuent de réclamer la vérité sur les circonstances de cet accident, longtemps entouré de mystères. Le collectif des victimes sera une nouvelle fois reçu à l'Élysée le 23 octobre prochain par Patrick Strzoda, conseiller du président de la République, Emmanuel Macron.
Le président de l’association des victimes, Mathieu Paoli, accompagné des avocats Paul Sollacaro et Philippe Soussi, aborde ce rendez-vous avec espoir. « Je souhaite que le secret défense soit enfin levé et que toute la vérité soit faite sur cette affaire », déclare-t-il. Pour lui, il est essentiel que l'État communique les éléments manquants afin de comprendre ce qui s'est réellement passé.
Mais le Cortenais Pierre-François Marietti ne voit pas les choses de la même manière. Pour ce haut fonctionnaire à la retraite, qui a perdu sa mère et sa sœur de 2 ans dans la catastrophe, « l’Etat n’a pas l’intention de dire la vérité. C’est une nouvelle fois un rendez-vous pour rien qui attend l’association des victimes ». Il se souvient avec émotion du jour du drame, alors qu'il avait 12 ans « comme si c’était hier », dit-il. « Beaucoup n’ont pas encore fait le deuil de cette catastrophe. Mon caractère trempé m’a permis le contraire. Mais je n’oublie pas. Je connais la vérité, comme tout le monde. Mais je veux que l’Etat avoue sa faute, ses mensonges. C’est tout ».
Ce jour-là Pierre-François était avec ses amis. Il jouait au flipper, au bar de la Haute-Ville de Corte. « C’était un mercredi. Il était 10h45 quand soudain la porte du bar s’ouvre et je vois mon oncle, Antoine Guluni, entrer. Il était livide. Il me demande de le suivre à la maison. Et il m’apprend le crash de la Caravelle en me disant que ma mère, Baptistine, et Marie-Madeleine, ma sœur, ont disparu dans l’accident. J’ai déjeuné avec lui et ma tante avant de me rendre chez ma grand-mère qui était dans tous ses états et qui ne cessait de crier « ils ont tué ma fille et ma petite fille ». Ma mère avait 28 ans et ma sœur 2 ans ». Pierre-François Marietti a conservé les diverses coupures de journaux de l’époque relatant le drame. Il se souvient que dans Le Provençal, deux journalistes évoquaient très rapidement la thèse d’un tir de missile selon un témoin, tout comme Paris Match dans un article daté du 21 septembre 1968. « Témoin qui était au port de Golfe Juan. Il a déclaré dans un courrier avoir vu une grande lumière se diriger vers la Caravelle, la touchant au niveau du réacteur gauche arrière. D’ailleurs nous n’avons jamais plus entendu parler de ces journalistes. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Il y avait des gens malveillants au gouvernement qui ne voulaient pas que la vérité se sache, d’autant que l’un des fils du Président, le Général de Gaulle, commandait la frégate lance-missile Suffren qui participait à des exercices militaires ce jour-là. Forcément du ministre des Armées au Premier ministre ils ont menti. Ils ont mis une chappe de plomb sur ce dossier. D’ailleurs nous ne comprenons pas pourquoi c’est l’armée qui s’est saisi du dossier alors qu’il s’agissait d’un avion civil. La vérité c’est que l’avion était proche de Nice, prêt à atterrir et avant Antibes un missile a été tiré. Il a dévié de sa trajectoire et il n’a pas u être détruit. Dans une bande son, réalisé au Mont Agel, un centre militaire près de Menton, on peut entendre « merde, on l’a perdu ». C’est une bande son qui avait été récupérée par deux personnes se réclamant des Renseignements Généraux. Il s’agissait en fait de journalistes qui ont entendu ces paroles le soir dans les locaux de l’ORTF lors du montage d’un reportage qu’ils faisaient sur la tragédie. Depuis, on nous a dit que cette bande son avait disparu ».
Selon Pierre-François Marietti le missile était à tête inerte, mais à propulseur réel, il a accroché la Caravelle en raison de la chaleur dégagée par les réacteurs en y mettant le feu. « Au moment de l’impact et de l’incendie, les passagers, dans la panique, se sont tous déplacés vers l’avant de l’avion qui était déjà en position de descente. Le pilote n’a pas pu le redresser car la répartition du poids de l’avion avait changé en raison du déplacement des passagers. Dans la boîte noire, on entendait le pilote qui disait « j’ai le feu à bord, si ça continue je vais crasher ». L’avion a piqué vers la mer et a implosé en causant la mort des 89 passagers et des 6 membres d’équipage ».
« Je n’attends rien de Patrick Strzoda »
Pourtant la commission d’enquête a conclu à un incendie qui se serait déclaré à bord de l’avion et écrit avoir eu l’assurance formelle du ministre des Armées, Pierre Messmer, qu’il n’y avait eu aucun tir de missile dans la zone de vol de la Caravelle ce 11 septembre 1968. « Nous savons que c’est faux. Nous sommes en possession de documents, dont certains ont été falsifiés, comme, par exemple, le journal de bord de la Frégate Suffren sur lequel une page a été recollée à la date du crash ».
Pierre-François Marietti évoque ensuite divers documents qui expliquent que des exercices interalliés avaient bien lieu ce 11 septembre 1968, contrairement à ce qui a toujours été dit par les membres du gouvernement. « Il est temps qu’on nous dise que c’est bien un missile qui a frappé la Caravelle. Nous ne voulons pas d’argent. Nous ne voulons que la vérité. La Caravelle n’a jamais été récupérée et il est interdit de s’en approcher. Certes des milliers de photos ont été faites par les responsables de la commission d’enquête de l’époque. Mais jamais, nous n’avons eu accès à ces clichés, ou seulement à des images où le fameux réacteur arrière gauche n’apparait pas ».
Qu’attend Pierre-François Marietti de ce rendez-vous avec Patrick Strzoda le 23 octobre prochain ? « Franchement rien. Ils ne diront jamais la vérité et ce monsieur s’en moque royalement. Je l’avais rencontré à Bastia, et j’avais compris son désintéressement. Je n’attends rien de ce rendez-vous. D’ailleurs ils ont même fait pression sur la nouvelle juge d’instruction, Maryline Nicolas. Elle était de notre côté quant à a repris le dossier en 2018, à la suite du doyen des juges d’instruction. Dossier qu’avait rouvert Eric de Montgolfier, procureur de la République de Nice en mars 2012. Maintenant, elle cherche des faux fuyants, donc on voit qu’il y a bien eu pression. Nous ne saurons jamais. Personnellement je sais que ma mère et ma sœur, ainsi que les 93 autres personnes sont mortes à cause d’un tir de missile et c’est tout. Je connais la vérité. C’est la mienne. Je suis dans le vrai et je n’ai de leçons à recevoir de quiconque. Mais j’ai chargé ma femme et mes enfants de poursuivre la quête de la vérité après ma mort… »
Le président de l’association des victimes, Mathieu Paoli, accompagné des avocats Paul Sollacaro et Philippe Soussi, aborde ce rendez-vous avec espoir. « Je souhaite que le secret défense soit enfin levé et que toute la vérité soit faite sur cette affaire », déclare-t-il. Pour lui, il est essentiel que l'État communique les éléments manquants afin de comprendre ce qui s'est réellement passé.
Mais le Cortenais Pierre-François Marietti ne voit pas les choses de la même manière. Pour ce haut fonctionnaire à la retraite, qui a perdu sa mère et sa sœur de 2 ans dans la catastrophe, « l’Etat n’a pas l’intention de dire la vérité. C’est une nouvelle fois un rendez-vous pour rien qui attend l’association des victimes ». Il se souvient avec émotion du jour du drame, alors qu'il avait 12 ans « comme si c’était hier », dit-il. « Beaucoup n’ont pas encore fait le deuil de cette catastrophe. Mon caractère trempé m’a permis le contraire. Mais je n’oublie pas. Je connais la vérité, comme tout le monde. Mais je veux que l’Etat avoue sa faute, ses mensonges. C’est tout ».
Ce jour-là Pierre-François était avec ses amis. Il jouait au flipper, au bar de la Haute-Ville de Corte. « C’était un mercredi. Il était 10h45 quand soudain la porte du bar s’ouvre et je vois mon oncle, Antoine Guluni, entrer. Il était livide. Il me demande de le suivre à la maison. Et il m’apprend le crash de la Caravelle en me disant que ma mère, Baptistine, et Marie-Madeleine, ma sœur, ont disparu dans l’accident. J’ai déjeuné avec lui et ma tante avant de me rendre chez ma grand-mère qui était dans tous ses états et qui ne cessait de crier « ils ont tué ma fille et ma petite fille ». Ma mère avait 28 ans et ma sœur 2 ans ». Pierre-François Marietti a conservé les diverses coupures de journaux de l’époque relatant le drame. Il se souvient que dans Le Provençal, deux journalistes évoquaient très rapidement la thèse d’un tir de missile selon un témoin, tout comme Paris Match dans un article daté du 21 septembre 1968. « Témoin qui était au port de Golfe Juan. Il a déclaré dans un courrier avoir vu une grande lumière se diriger vers la Caravelle, la touchant au niveau du réacteur gauche arrière. D’ailleurs nous n’avons jamais plus entendu parler de ces journalistes. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Il y avait des gens malveillants au gouvernement qui ne voulaient pas que la vérité se sache, d’autant que l’un des fils du Président, le Général de Gaulle, commandait la frégate lance-missile Suffren qui participait à des exercices militaires ce jour-là. Forcément du ministre des Armées au Premier ministre ils ont menti. Ils ont mis une chappe de plomb sur ce dossier. D’ailleurs nous ne comprenons pas pourquoi c’est l’armée qui s’est saisi du dossier alors qu’il s’agissait d’un avion civil. La vérité c’est que l’avion était proche de Nice, prêt à atterrir et avant Antibes un missile a été tiré. Il a dévié de sa trajectoire et il n’a pas u être détruit. Dans une bande son, réalisé au Mont Agel, un centre militaire près de Menton, on peut entendre « merde, on l’a perdu ». C’est une bande son qui avait été récupérée par deux personnes se réclamant des Renseignements Généraux. Il s’agissait en fait de journalistes qui ont entendu ces paroles le soir dans les locaux de l’ORTF lors du montage d’un reportage qu’ils faisaient sur la tragédie. Depuis, on nous a dit que cette bande son avait disparu ».
Selon Pierre-François Marietti le missile était à tête inerte, mais à propulseur réel, il a accroché la Caravelle en raison de la chaleur dégagée par les réacteurs en y mettant le feu. « Au moment de l’impact et de l’incendie, les passagers, dans la panique, se sont tous déplacés vers l’avant de l’avion qui était déjà en position de descente. Le pilote n’a pas pu le redresser car la répartition du poids de l’avion avait changé en raison du déplacement des passagers. Dans la boîte noire, on entendait le pilote qui disait « j’ai le feu à bord, si ça continue je vais crasher ». L’avion a piqué vers la mer et a implosé en causant la mort des 89 passagers et des 6 membres d’équipage ».
« Je n’attends rien de Patrick Strzoda »
Pourtant la commission d’enquête a conclu à un incendie qui se serait déclaré à bord de l’avion et écrit avoir eu l’assurance formelle du ministre des Armées, Pierre Messmer, qu’il n’y avait eu aucun tir de missile dans la zone de vol de la Caravelle ce 11 septembre 1968. « Nous savons que c’est faux. Nous sommes en possession de documents, dont certains ont été falsifiés, comme, par exemple, le journal de bord de la Frégate Suffren sur lequel une page a été recollée à la date du crash ».
Pierre-François Marietti évoque ensuite divers documents qui expliquent que des exercices interalliés avaient bien lieu ce 11 septembre 1968, contrairement à ce qui a toujours été dit par les membres du gouvernement. « Il est temps qu’on nous dise que c’est bien un missile qui a frappé la Caravelle. Nous ne voulons pas d’argent. Nous ne voulons que la vérité. La Caravelle n’a jamais été récupérée et il est interdit de s’en approcher. Certes des milliers de photos ont été faites par les responsables de la commission d’enquête de l’époque. Mais jamais, nous n’avons eu accès à ces clichés, ou seulement à des images où le fameux réacteur arrière gauche n’apparait pas ».
Qu’attend Pierre-François Marietti de ce rendez-vous avec Patrick Strzoda le 23 octobre prochain ? « Franchement rien. Ils ne diront jamais la vérité et ce monsieur s’en moque royalement. Je l’avais rencontré à Bastia, et j’avais compris son désintéressement. Je n’attends rien de ce rendez-vous. D’ailleurs ils ont même fait pression sur la nouvelle juge d’instruction, Maryline Nicolas. Elle était de notre côté quant à a repris le dossier en 2018, à la suite du doyen des juges d’instruction. Dossier qu’avait rouvert Eric de Montgolfier, procureur de la République de Nice en mars 2012. Maintenant, elle cherche des faux fuyants, donc on voit qu’il y a bien eu pression. Nous ne saurons jamais. Personnellement je sais que ma mère et ma sœur, ainsi que les 93 autres personnes sont mortes à cause d’un tir de missile et c’est tout. Je connais la vérité. C’est la mienne. Je suis dans le vrai et je n’ai de leçons à recevoir de quiconque. Mais j’ai chargé ma femme et mes enfants de poursuivre la quête de la vérité après ma mort… »