Même si la rumeur courait depuis quelques jours, c’est un véritable coup de tonnerre qui ébranle le ciel corse. Dans un communiqué paru jeudi après-midi, la compagnie espagnole low-cost Volotea confirme qu’elle a candidaté à l’appel d’offres pour la future Délégation de service publique (DSP) aérienne sur la période 2024-2027. Le dépôt des candidatures s’étant clos à 12 heures, deux candidats ont donc déposé leurs offres à l’Office des transports (OTC). Sans surprise et dans la continuité de l’existant, les actuels délégataires se sont positionnés : la compagnie régionale Air Corsica sur les huit lignes de bord à bord entre les quatre aéroports de l’île - Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari - et les aéroports de Nice et de Marseille, et le groupement Air France - Air Corsica sur les quatre lignes entre les aéroports corses et Orly. Rien de bien nouveau ! Depuis 1988 où Air Littoral et Air Liberté avait tenté leur chance pour la DSP 1998-2000, sans grand succès, aucune autre compagnie n’avait soumissionné. Les deux délégataires historiques n’avaient donc jamais été inquiétés jusqu’à ce jour par la concurrence. Ce qui avait évité au transport aérien de la Corse d’être plombé par les déboires et contentieux à répétition qui secouent, depuis plus d’une décennie, le maritime. Aussi la candidature surprise de Volotea « sur certaines lignes » a-t-elle été immédiatement jugée dans l’île comme « très inquiétante » à plus d’un titre. Et génère au moins jusqu’au 18 juillet, date d’ouverture des offres, une certaine incertitude.
L’offensive Volotea
L’inquiétude vient du fait que la compagnie espagnole, bien que low cost, n’en est pas à sa première DSP. Elle a décroché, il y a un an, la DSP entre l’aéroport de Tarbes-Lourdes et celui de Paris-Orly, après avoir remporté l’appel d’offres lancé par le syndicat mixte Pyrénées. Elle assure pour quatre ans, sur la période 1er juin 2022 – 31 mai 2026, deux aller-retour par jour entre les deux villes. Elle avait alors annoncé « un développement historique en France » où, après 10 ans de présence, elle dessert déjà 17 aéroports. D’où son offensive sur la Corse où, affirme-t-elle, elle représente « 80% de l’offre globale sur l’île avec 29 destinations desservies » en 2023 et « un taux de remplissage de ses avions de 94% ». Forte de ce succès, elle annonce son intention d’ouvrir dans l'île « 10 lignes supplémentaires dans les trois prochaines années », hors période estivale. Concernant la DSP corse, elle estime être « en mesure de proposer une politique tarifaire très compétitive et une excellente qualité de service, au même titre que les offres proposées sur les lignes qu'elle exploite déjà aujourd'hui ».
Des prix plus bas
Sans préjuger du contenu des offres qui reste inconnu, il est quasiment certain que Volotea sera très agressive sur les tarifs, certains observateurs du secteur avancent même, au regard de sa stratégie déclinée à Lourdes ou en Sardaigne, qu’elle pourrait être de 30 % à 50% plus compétitive que les actuels délégataires. Ceci dit, on ne sait pas encore sur quelles lignes corses, elle a soumissionné, puisque qu’elle n’a pas répondu sur tous les lots. Plusieurs scénarii sont possibles. On peut néanmoins présupposer que la ligne la plus opportune, pour elle, est celle de Paris-Orly où elle est déjà présente pour la desserte quotidienne de Lourdes. Un présupposé qui s’appuie sur sa stratégie de mutualisation de sa flotte qu’elle assure en générant des vols privés low-cost entre deux vols de DSP. Y insérer une desserte quotidienne de la Corse à l’année ne lui poserait, toujours selon certains observateurs, « aucun problème », et générerait en plus les royalties de la continuité territoriale.
L’atout d’Air Corsica
L’offensive de Volotea a, donc, de quoi inquiéter les actuels délégataires, surtout la compagnie régionale Air Corsica, dont l’équilibre économique reste fragile et très dépendant de la DSP, mais aussi les 300 salariés insulaires d’Air France. Ce n’est un secret pour personne que la compagnie nationale, historiquement partenaire, cherche à se désengager de la Corse. Dans l’hexagone, sous la pression du lobby anti-avion, tous les vols intérieurs de moins de 500 kms étant remplacés par le train, la desserte de l’île ne rentre plus dans sa politique qui est désormais de se concentrer sur les moyens et longs courriers. Le risque de casse sociale est bien réel. Ceci étant, le cahier des charges de la nouvelle DSP repose à 60% sur des critères techniques et seulement à 40% sur des critères de prix. Ses nouvelles exigences sont clairement orientées pour assurer le service public et faciliter la mobilité des résidents, ce qui est le cœur de cible d’Air Corsica. « Air Corsica pour le bord à bord, et Air France-Air Corsica en groupement pour les lignes de Paris ont fait une offre qui nous semble pertinente. Notre offre répond à l’intégralité des exigences du cahier des charges et intègre bien entendu les nouveautés de ce cahier des charges, notamment pour les lignes Calvi - Nice, Figari - Nice et Figari - Paris, qui offriront, dès le 1er janvier 2024, la possibilité à tous les clients insulaires d’effectuer l’aller-retour dans la journée », réagit, dans nos colonnes, Luc Bereni, président du directoire d’Air Corsica. La Collectivité de Corse, qui est actionnaire majoritaire d’Air Corsica, et l’Office des transports, soumis dans cette procédure à un devoir de réserve, n’ont, pour leur part, fait aucun commentaire.
Des jeux pas faits
Cette nouvelle donne concurrentielle vient complexifier l’équation déjà problématique du transport aérien et menacer le modèle corse. Elle pourrait fournir des arguments à Bruxelles dans sa remise en cause permanente du périmètre de service public et sa volonté de dérèglementation tous azimuts du transport aérien et maritime. « Nous sommes face à une équation extrêmement complexe dont un certain nombre de termes nous échappent totalement et dont les autres ne dépendent qu’en partie de nos décisions », avait prévenu, en avril dernier, lors de l’adoption du cahier des charges, le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni. D’autant qu’il manque au moins 30 millions d’euros pour boucler l’enveloppe de continuité territoriale qui reste suspendue à une rallonge de l’Etat. La candidature de Volotea pourrait également ouvrir la boite de Pandore avec la montée au créneau d’autres compagnies low-cost, comme Easy Jet déjà présente sept mois de l’année en Corse et positionnée sur Roissy. Avec le risque de se retrouver sur un scénario à la Corsica Ferries. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les jeux sont loin d’être faits. L’ouverture des plis le 18 juillet par la Commission d’appel d’offres devrait permettre de savoir quelle compagnie a répondu sur quelle ligne, et si l’appel d’offres sera validé ou pas. Dans un second temps, si l’appel d’offres est validé, sera examiné le détail des plis, les compagnies candidates pourront être auditionnées par l’Office des transports. L’attribution des lots est prévu pour la session du 23-24 novembre de l’Assemblée de Corse. En attendant, l’inquiétude persiste.
N.M.
L’offensive Volotea
L’inquiétude vient du fait que la compagnie espagnole, bien que low cost, n’en est pas à sa première DSP. Elle a décroché, il y a un an, la DSP entre l’aéroport de Tarbes-Lourdes et celui de Paris-Orly, après avoir remporté l’appel d’offres lancé par le syndicat mixte Pyrénées. Elle assure pour quatre ans, sur la période 1er juin 2022 – 31 mai 2026, deux aller-retour par jour entre les deux villes. Elle avait alors annoncé « un développement historique en France » où, après 10 ans de présence, elle dessert déjà 17 aéroports. D’où son offensive sur la Corse où, affirme-t-elle, elle représente « 80% de l’offre globale sur l’île avec 29 destinations desservies » en 2023 et « un taux de remplissage de ses avions de 94% ». Forte de ce succès, elle annonce son intention d’ouvrir dans l'île « 10 lignes supplémentaires dans les trois prochaines années », hors période estivale. Concernant la DSP corse, elle estime être « en mesure de proposer une politique tarifaire très compétitive et une excellente qualité de service, au même titre que les offres proposées sur les lignes qu'elle exploite déjà aujourd'hui ».
Des prix plus bas
Sans préjuger du contenu des offres qui reste inconnu, il est quasiment certain que Volotea sera très agressive sur les tarifs, certains observateurs du secteur avancent même, au regard de sa stratégie déclinée à Lourdes ou en Sardaigne, qu’elle pourrait être de 30 % à 50% plus compétitive que les actuels délégataires. Ceci dit, on ne sait pas encore sur quelles lignes corses, elle a soumissionné, puisque qu’elle n’a pas répondu sur tous les lots. Plusieurs scénarii sont possibles. On peut néanmoins présupposer que la ligne la plus opportune, pour elle, est celle de Paris-Orly où elle est déjà présente pour la desserte quotidienne de Lourdes. Un présupposé qui s’appuie sur sa stratégie de mutualisation de sa flotte qu’elle assure en générant des vols privés low-cost entre deux vols de DSP. Y insérer une desserte quotidienne de la Corse à l’année ne lui poserait, toujours selon certains observateurs, « aucun problème », et générerait en plus les royalties de la continuité territoriale.
L’atout d’Air Corsica
L’offensive de Volotea a, donc, de quoi inquiéter les actuels délégataires, surtout la compagnie régionale Air Corsica, dont l’équilibre économique reste fragile et très dépendant de la DSP, mais aussi les 300 salariés insulaires d’Air France. Ce n’est un secret pour personne que la compagnie nationale, historiquement partenaire, cherche à se désengager de la Corse. Dans l’hexagone, sous la pression du lobby anti-avion, tous les vols intérieurs de moins de 500 kms étant remplacés par le train, la desserte de l’île ne rentre plus dans sa politique qui est désormais de se concentrer sur les moyens et longs courriers. Le risque de casse sociale est bien réel. Ceci étant, le cahier des charges de la nouvelle DSP repose à 60% sur des critères techniques et seulement à 40% sur des critères de prix. Ses nouvelles exigences sont clairement orientées pour assurer le service public et faciliter la mobilité des résidents, ce qui est le cœur de cible d’Air Corsica. « Air Corsica pour le bord à bord, et Air France-Air Corsica en groupement pour les lignes de Paris ont fait une offre qui nous semble pertinente. Notre offre répond à l’intégralité des exigences du cahier des charges et intègre bien entendu les nouveautés de ce cahier des charges, notamment pour les lignes Calvi - Nice, Figari - Nice et Figari - Paris, qui offriront, dès le 1er janvier 2024, la possibilité à tous les clients insulaires d’effectuer l’aller-retour dans la journée », réagit, dans nos colonnes, Luc Bereni, président du directoire d’Air Corsica. La Collectivité de Corse, qui est actionnaire majoritaire d’Air Corsica, et l’Office des transports, soumis dans cette procédure à un devoir de réserve, n’ont, pour leur part, fait aucun commentaire.
Des jeux pas faits
Cette nouvelle donne concurrentielle vient complexifier l’équation déjà problématique du transport aérien et menacer le modèle corse. Elle pourrait fournir des arguments à Bruxelles dans sa remise en cause permanente du périmètre de service public et sa volonté de dérèglementation tous azimuts du transport aérien et maritime. « Nous sommes face à une équation extrêmement complexe dont un certain nombre de termes nous échappent totalement et dont les autres ne dépendent qu’en partie de nos décisions », avait prévenu, en avril dernier, lors de l’adoption du cahier des charges, le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni. D’autant qu’il manque au moins 30 millions d’euros pour boucler l’enveloppe de continuité territoriale qui reste suspendue à une rallonge de l’Etat. La candidature de Volotea pourrait également ouvrir la boite de Pandore avec la montée au créneau d’autres compagnies low-cost, comme Easy Jet déjà présente sept mois de l’année en Corse et positionnée sur Roissy. Avec le risque de se retrouver sur un scénario à la Corsica Ferries. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les jeux sont loin d’être faits. L’ouverture des plis le 18 juillet par la Commission d’appel d’offres devrait permettre de savoir quelle compagnie a répondu sur quelle ligne, et si l’appel d’offres sera validé ou pas. Dans un second temps, si l’appel d’offres est validé, sera examiné le détail des plis, les compagnies candidates pourront être auditionnées par l’Office des transports. L’attribution des lots est prévu pour la session du 23-24 novembre de l’Assemblée de Corse. En attendant, l’inquiétude persiste.
N.M.