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Elections départementales : Des majorités inchangées, une pomme de discorde et un duel pour une présidence


Nicole Mari le Lundi 30 Mars 2015 à 18:42

26 binômes, soit 52 conseillers départementaux viennent d’être élus en Corse. Parité oblige, la moitié sont des femmes. C’est une grande nouveauté dans une institution qui était, jusque-là, la chasse gardée des hommes. Dix conseillers généraux sortants sont réélus en Haute-Corse et neuf en Corse du Sud, 34 nouveaux font leur entrée dans les deux départements, dont 23 femmes. Les majorités départementales restent inchangées, mais la gauche se fracture au Nord quand la droite domine le Sud. La présidence, reconduite au Nord, est mise en jeu au Sud. A Bastia, la belle victoire de la majorité municipale crée la discorde.



La coupole du Conseil départemental de la Haute-Corse à Bastia.
La coupole du Conseil départemental de la Haute-Corse à Bastia.
Le Conseil général devient, désormais, le Conseil départemental, une institution renouvelée, mais vouée à disparaître. Malgré une mort programmée d’ici à deux ans, la bataille pour enlever les sièges a fait rage partout dans l’île. Au final, comme le laissait prévoir le 1er tour de scrutin, les majorités restent inchangées. Mais les équilibres de façade cachent d’inquiétantes fissures au Nord et laissent même percer des fragilités au Sud où la Droite, pourtant, finit d’asseoir sa suprématie face à une Gauche déchiquetée. Elle réussit un grand chelem puisque les deux seuls binômes, élus sous une autre étiquette, ont rejoint, sans surprise, sa majorité. Victorieuse parce qu’enfin unie, sans plus aucune opposition, elle aurait pu, après tant d’années d’errance et un patient travail de rassemblement, regarder avec confiance l’horizon et l’échéance de décembre… mais la politique n’est pas un long fleuve tranquille ! A peine assise sur son trône, la droite sudiste renoue, dès le 3ème tour de ses départementales, avec ses vieux démons.
 
Duel à la présidence
La pomme de discorde est la présidence du Conseil départemental que se dispute le président sortant, Jean-Jacques Panunzi, et le président de la Fédération UMP de Corse du Sud, Marcel Francisci. Le premier, élu Sénateur, devait céder son poste au second, mais a finalement décidé de rempiler, appuyé par le député de Porto-Vecchio, Camille de Rocca Serra, et les élus du rural, satisfaits de sa gestion et plutôt frileux sur son successeur potentiel. Il disposerait, à priori, des voix de quatre cantons ruraux : Bavella, Grand Sud, Sartenais-Valinco et Sevi-Sorru-Cirnaca et d’un canton ajaccien. Marcel Francisci, appuyé par le maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, peut compter sur son canton de Taravo-Ornano et sur les quatre cantons détenus par les conseillers municipaux ajacciens. La balle serait dans le canton de Gravona-Prunelli, où la majeure partie des maires plébiscite le président sortant tandis que le binôme pencherait pour son challenger. Le président de l’UMP, qui a tant œuvré pour restructurer la droite sudiste, refuse d’étaler les divisions en public et mène les négociations à huis-clos. Il défend l’idée de « primaire interne » réalisée à partir des intentions de vote de chacun pour arriver, jeudi, le jour de l’élection, avec un seul candidat. Il aurait, disait-on, lundi soir, pris un avantage numérique.
 
Une majorité d’ouverture
Un duel pour la présidence évité en Haute-Corse, où le patron de la Gauche, Paul Giacobbi, garde la main sur un Exécutif qui assure son socle électoral. Il conforte avec, au moins 18 élus sur 30, sa majorité ancrée à gauche et impose ses candidats jusque dans les fiefs de droite. Le président du Conseil Général sortant, François Orlandi, réélu dans le Cap Corse, est assuré de retrouver son poste. Il s’est empressé d’évoquer « une nouvelle majorité d’ouverture », confirmant, ainsi, les rumeurs de campagne sur les retournements de vestes de certains candidats libéraux qui se sont affichés à ses côtés, comme le maire UMP de Saint-Florent, élu du Nebbiu, Claudy Olmeta, ou d’autres qui lui ont plus ou moins ouvertement prêté main forte. Ils ne feront que rallier la cohorte des Pierre Siméon de Buochberg and Co qui ont rejoint, pour des raisons diverses, la majorité de gauche. Ils donnent, ainsi, le coup de pied de l’âne à une droite nordiste qui tente de renaître des cendres d’inépuisables feux de discorde. Miné, depuis des années, par ses divisions internes et une âcre guerre des chefs, le camp libéral n’en finit pas de se déchirer sur l’éperon des ego, des ambitions personnelles et des intérêts très particuliers. Des animosités dont Paul Giacobbi a toujours fait son beurre au département, comme à la région, s’appuyant, aujourd’hui comme hier, sur ces transfuges nordistes pour gouverner.
 
Un champ de bataille
Si l’élection, qui vient de s’achever, risque d’imploser les velléités de reconstruction à droite, elle explose, déjà, une gauche départementale, victime collatérale de la déroute des Municipales. Les duels fratricides dans le Cap Corse et le Golu-Morosaglia aggravent les précédentes fractures de l’Ile Rousse et du Fiumorbu-Castellu. La rancœur et l’amertume des laissés brutalement pour compte gonflent le clan des mécontents, de ceux qui se sentent déçus et trahis. A Hyacinthe Mattei et François Tiberi qui ne décolèrent pas, s’ajoutent, aujourd’hui, Jacky Padovani et Jacques Costa, très remontés contre leurs anciens alliés. Ces quatre ex-soutiens de poids de Paul Giacobbi, qui se sont âprement battus contre la redoutable machine de guerre du double Exécutif départemental et régional, sont les grands perdants de cette élection et ils ne l’acceptent pas ! Mais leur défaite ne doit pas faire illusion ! Cette lutte intestine, en creusant des plaies béantes, fait de la gauche nordiste un champ de bataille qu’il paraît bien dangereux d’aviver à moins de neuf mois des Territoriales. Le camp Giacobbi, entre rescapés et nouveaux arrivants, semble considérer à la légère ces lourdes défections. Désireux de se refaire une virginité, il entend recomposer une nouvelle majorité hétéroclite dépassant les clivages, qui se veut « progressiste » à l’image de cette union bastiaise qu’il a tant vilipendée et qu’il continue de qualifier de « contre-nature » !
 
Le revers de la médaille
Une union que Paul Giacobbi voudrait bien dynamiter et qui vient de remporter une nouvelle victoire sur ses terres urbaines. En conquérant trois cantons sur quatre, dont deux anciens fiefs Zuccarellistes, et en remportant l’élection à Montesoru, le promoteur de cette union et maire de Bastia, Gilles Simeoni, conforte sa dynamique et son assise sur sa ville. Balayant les derniers soubresauts d’un PRG moribond, le leader nationaliste modéré confirme qu’il a toujours le vent en poupe. Cette union permet l’élection de six membres de la majorité municipale et fait entrer, pour la première fois, trois élus nationalistes dans l’institution départementale de Haute-Corse.
Mais chaque médaille ayant son revers, la victoire pose une lancinante question que les nouveaux conseillers éludent avec prudence : vont-ils siéger ensemble, comme au Conseil municipal ou communautaire, ou chacun retrouvera-t-il, hors du cénacle bastiais, sa couleur politique d’origine ? Si la réponse est anodine pour les deux élus de droite et les trois Nationalistes qui, de toute façon, se retrouveront côte à côte sur les bancs de l’opposition, elle est une épine dans le pied de François Tatti, déchiré entre ses engagements présents et ses aspirations futures.
 
En porte-à-faux !
Le président du MCD (Mouvement Corse Démocrate) revendique deux élus : Marie-Claire Poggi dans le 3ème canton bastiais, et Sylvie Retali Andreani, colistière de François Orlandi, qu’il s’est empressé d’aller féliciter, dans la foulée, au Conseil général, accompagné de son équipe. Il officialise, ainsi, un rapprochement, déjà, entamé, depuis quelques temps, à l’Assemblée de Corse, avec son ennemi d’hier, Paul Giacobbi. Ce ralliement, en ligne de mire des Territoriales, le met en porte-à-faux dans son alliance municipale résolument anti-Giacobbiste. Sa présence, dimanche soir, au Conseil général où le camp Giacobbi fêtait la victoire, a mis le feu à des poudres qui n’attendaient que l’étincelle de trop pour s’enflammer. Plutôt gêné aux entournures, il tente de déminer la situation en se félicitant, dans un communiqué, du succès des uns et des autres, tout en assurant que « la position de Marie-Claire Poggi pour l’élection du Président du Conseil Départemental, qui aura lieu jeudi, tiendra compte de l’orientation qui sera prise collégialement par l’alliance de la majorité municipale ».
 
Un contrat désavoué
Les trois autres composantes de ladite majorité, Gilles Simeoni, Jean-Louis Milani et Emmanuelle de Gentili, ripostent de concert et l’accusent froidement de rompre « le contrat de mandature scellé il y a un an devant les électeurs » et préviennent qu’ils en tireront, « dans les heures qui viennent, toutes les conséquences ». Est-ce les prémisses d’une scission ? Renverra-t-elle François Tatti dans l’opposition aux côtés de ses ennemis jurés ? Lui coûtera-t-elle la présidence de la Communauté d’agglomération ? Encore trop tôt pour le dire.
La seule certitude est que ce scrutin départemental n’est que le prologue de l’élection majeure qui se jouera dans neuf mois, un exercice de mise en place de nouvelles stratégies d’alliances et de rapports de forces qui se veulent fondatrices d’un nouvel échiquier politique régional. Mais, pour l’instant, au regard des lignes de fracture qui n’épargnent aucun groupe politique, du mécontentement qui gronde dans tous les camps et des frondes déjà ouvertes, en train d’éclore ou encore en gestation, le seul sentiment qui persiste n’est pas celui de l’équilibre, mais du chaos !
 
N.M.


La salle des délibérations du Conseil départemental de la Corse du Sud à Ajaccio.
La salle des délibérations du Conseil départemental de la Corse du Sud à Ajaccio.
Les 15 binômes ou 30 conseillers départementaux élus en Haute-Corse :
  • Bastia I : Vanina Le Bomin (Inseme per Bastia) et Michel Rossi (DVD)                      
  • Bastia II : Anne Avenoso (Inseme per Bastia) et Jean-Louis Milani (UMP) 
  • Bastia III : Marie Claire Poggi (MCD) et Joseph Gandolfi (Nationaliste)
  • Bastia IV : Coralie Pruneta Leca et Michel Simonpietri (DVG)
  • Biguglia-Nebbiu : Muriel Beltran et Claudy Olmeta (UMP)
  • Borgo : Charlotte Terrighi et Jean Dominici (DVD)                    
  • Calvi : Elisabeth Santelli et Jean-Toussaint Guglielmacci (Divers)
  • Cap Corse : Sylvie Retali Andreani (MCD) et François Orlandi (DVG)       
  • Casinca-Fiumalto : Michèle Vincentelli et Yannick Castelli (DVG)
  • Castagniccia : Emilie Albertini et Marc-Antoine Nicolai (DVG)  
  • Corte : Marie-Xavière Perfettini et Pierre Ghionga (DVG)
  • Fiumorbu-Castellu : Marinette Filippi (DVG) et Pierre Siméon de Buochberg (DVD)
  • Ghisonaccia : Marie-Ange Pergola et Francis Giudici (DVG)  
  • Golo Morosaglia : Catherine Cognetti-Tuchini et Jean-Marie Vecchioni (DVG)  
  • Ile-Rousse : Antoinette Salducci et Pierre-Marie Mancini (DVG).
 
Les 11 binômes ou 22 conseillers départementaux élus en Corse du Sud :
  • Ajaccio I : Aghitella Pietri-Mistre et Pierre-Jean Luciani (UMP)                      
  • Ajaccio II : Marie Zuccarelli et Stéphane Vannucci (DVD) 
  • Ajaccio III : Isabelle Feliciaggi et Pierre Cau (UMP)                      
  • Ajaccio IV : Nathalie Ruggeri et Charly Voglimacci (UMP)
  • Ajaccio V : Marie-Thérèse Baranovsky et Pascal Biancamaria (DVD)
  • Bavella : Jeannine Ciabrini et Jean-Jacques Panunzi (UMP)                    
  • Grand Sud : Laurence Mallaroni et Georges Mela (UMP)
  • Gravona-Prunelli : Delphine Orsoni et Alexandre Sarrola (DVG)       
  • Sartenais-Valinco : Chantal Pedinielli et José-Pierre Mozziconacci (DVG)
  • Sevi-Sorru-Cinarca : Lucie Frimigacci et François Colonna (DVD)  
  • Taravo-Ornano : Valérie Bozzi et Marcel Francisci (UMP).