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En Corse, les fées veillent sur les fontaines pour la Saint-Sylvestre


JC le Mardi 31 Décembre 2024 à 13:46

En Corse, une croyance populaire se situe à la croisée de l’histoire, de la religion et du mythe, mêlant légende et tradition. L’eau des fées, enracinée dans des temps anciens, agit comme un pont culturel entre passé et présent. La fée insulaire, loin de l’image des contes modernes comme La Petite Sirène ou la Fée Clochette, conserve des pouvoirs enchanteurs. Ghjuvan-Liviu Casalta nous guide à travers cette tradition magique, vers une fontaine de village.



Photo Pexels
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Les récits de fées et de sorcières, souvent manichéens, font partie de l’imaginaire collectif, bercés par les contes classiques. Mais en Corse, la fée quitte le monde du merveilleux pour intégrer une tradition unique. « Pendant la nuit qui termine l’année, dans de nombreux villages, se déroulaient des rites singuliers, » raconte Ghjuvan-Liviu Casalta. « À minuit, il était de coutume de se rendre près d’une fontaine pour jeter dans l’eau des grains de riz, et plus anciennement, on y jetait du blé. Il s’agit du prolongement d’anciennes croyances païennes liées à l’eau. En Corse, les fées vivent dans l’eau, je dirais l’eau qui est apprivoisée, comme celle des fontaines ou des grottes. À minuit, on jetait dans cette eau du riz, c’est une offrande aux fées qui offraient en retour des bienfaits à toute la communauté villageoise. Aujourd’hui, cette pratique s’est un peu perdue, même s’il reste quelques résidus de cette tradition. »

À Brandu, la légende raconte que trois frères, Orlandu, Francescu et Mariu, rencontrèrent  une fée habitant une grotte qui mit à l’honneur la vertu de Mariu et punit la vénalité des deux autres.. Une histoire qui fait écho au conte Les Fées de Charles Perrault. « Les contes partagent souvent une trame européenne, adaptée aux spécificités locales, » souligne Ghjuvan-Liviu Casalta. En Corse, l’élément central reste la fontaine, véritable palais des fées lors de la Saint-Sylvestre. Qu’on y jette du riz, qu’on y boive l’"acqua di e fate", ou qu’on dépose des pierres, ces rites ont une fonction apotropaïque : protéger, exaucer les vœux et assurer la prospérité de la communauté.

Les fées, gardiennes de l’eau et de la nature
Perçues comme des esprits protecteurs des sources et des fontaines, les fées incarnent la pureté et la beauté des eaux cristallines. Elles jouent également le rôle de médiatrices entre le monde visible et l’invisible. « La fée interroge tout un imaginaire lié à la femme et à son mystère, » explique Ghjuvan-Liviu Casalta. Une légende du Rizzanese raconte qu’un pêcheur nommé Poli captura une fée dans ses filets et l’épousa. Mais en rompant leur pacte, il condamna sa lignée, qui n’eut plus de descendants masculins.

Au-delà de leur pouvoir mystique, les fées sont liées au monde agraire et invoquées lors de la tribbiera pour garantir de bonnes récoltes. Rencontrer une fée reste un privilège rare, mais il suffirait, dit-on, de se rendre près d’une fontaine lors de la nuit du Nouvel An pour espérer une apparition, entre réel et imaginaire.



Évocation des fées lors de la tribbiera

(Chant traditionnel)
Aiò, mettite in tondu e mani ghjunte in preghera
Tutti in giru à i baroni
Ch’elle ghjunghinu e fate
Ch’elle ghjunghinu vestute
Ch’elle partinu spugliate