Alex Vinviguerra - Photo Michel Luccioni
Alerter sur la situation économique préoccupante de l’île, c’était l’objet de la conférence de presse organisée ce jeudi matin, en préambule de la session de l’Assemblée de Corse, par les élus du groupe de droite Un Soffiu Novu : « L’activité économique ralentit, et les indicateurs sont inquiétants : recul de la construction, baisse des permis de construire, ralentissement des commandes publiques... », énumère l’élue de la Costa Verde, Marie-Thérèse Mariotti. Et durant la session de questions orales, c’est Pierre Poli, du groupe Avanzemu, qui a remis le sujet sur le tapis, dans l’idée cette fois-ci que l’exécutif de l’Assemblée de Corse puisse lui apporter une réponse. « Des secteurs entiers liés à des domaines d’activité économique majeurs en Corse connaissent des difficultés, a affirmé le conseiller territorial. Je peux vous citer, notamment, le tourisme ou le bâtiment. »
Y a-t-il vraiment plus de défaillances d'entreprises ?
La réponse à la fois méthodique, détaillée et sourcée qu’il appelait de ses vœux, le maire d’Eccica-Suarella l’a obtenue du président de l’ADEC, Alex Vinciguerra. Selon Pierre Poli, « des dizaines et des dizaines d’entreprises se sont manifestées auprès des tribunaux de commerce afin d’ouvrir une procédure judiciaire ou y ont été assignées. Ces démarches deviennent de plus en plus nombreuses et interviennent, désormais et c’est une nouveauté, y compris lors de la saison estivale, alors que notre économie est dans sa meilleure période de l’année. » Pour en avoir le coeur net, Alex Vinciguerra dit s’être rapproché des présidents des tribunaux de commerce de Bastia et d’Aiacciu : « Et, que me disent-ils concernant les procédures collectives ? En juin 2024 (les derniers chiffres disponibles), le cumul sur douze mois des entrées en redressement judiciaire concerne 430 entreprises. C'est une tendance qui est légèrement inférieure à celle d'avant-Covid (435 défaillances). A ce jour, nous n'avons pas constaté d'augmentations significatives mais il convient d'être prudent et attentif, notamment concernant les assignations qui pourraient intervenir à la demande des caisses de type Urssaf, à partir du mois d'octobre. »
"La meilleure avant-saison estivale depuis 2018" en Corse
Sur la fréquentation touristique, « nous sommes sur des chiffres similaires aux années d'avant-Covid, constate Alex Vinciguerra. Il n'y a pas de fléchissement de ce côté-là, et au contraire, on se rend compte que nos efforts collectifs en faveur de l'allongement de la saison touristique et de la déconcentration commencent à porter leurs fruits. Constatons ensemble l'excellent mois de septembre que nous vivons à ce sujet. » S’il est encore trop tôt pour venir confirmer par des chiffres et des études le ressenti d’une arrière-saison prétendument réussie, l’Insee le fait en tout cas pour l’avant-saison : « Par le nombre de touristes accueillis entre avril et juin 2024, la Corse a connu sa meilleure avant-saison estivale depuis 2018. La fréquentation touristique a dynamisé le trafic maritime et aérien. » Ce que la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse est venue confirmer, le 2 septembre, en publiant ses statistiques de fréquentation de ses aéroports. Ainsi au deuxième trimestre 2024, le nombre de passagers a augmenté de 3 % par rapport au même trimestre en 2023 (et même de 6 % entre les premiers trimestres 2023 et 2024). Et au plus fort de la saison ? Les 2 % d’augmentation constatés sur le trafic aérien en août ne compensent pas, certes, les 9 % de baisse relevés en juillet, mais au total, sur les huit premiers mois de l’année, le nombre de passagers est équivalent à celui de l’an dernier (3 129 283 en 2024 contre 3 118 058 en 2023). Concernant le trafic maritime, les chiffres de fréquentation sur l’ensemble de la saison ne sont pas encore connus.
Les meublés de tourisme pointés du doigt
Alors, selon Alex Vinciguerra, « si 60 % des professionnels en Corse jugent la saison insatisfaisante », c’est « en raison d’un pouvoir d’achat en baisse et d’une évolution structurelle de la consommation touristique ». Il met en parallèle la concurrence des meublés de tourisme : « On en avait 28 000 en 2022, 33 000 en 2024, avec un nombre de jours réservés qui passe de 835 000 en 2019 et qui double (1,6 million en 2024). Cette croissance est à maîtriser, mais les moyens pour lutter contre l’offre para-commerciale sont plus du côté des communes que de la Collectivité de Corse », se dédouane-t-il. Il convient néanmoins « qu’une transition est à amorcer vers une économie du tourisme plus durable, plus professionnelle, moins saisonnalisée et plus identitaire ».
"Se redéployer vers la construction de logements principaux"
Concernant le BTP, oui le secteur est en recul. Au premier trimestre 2024, les autorisations de construire avaient chuté de 13,4 % et les mises en chantier de 10,9 % par rapport au trimestre précédent. « Mais rappelons que la croissance du chiffre d'affaire du BTP en Corse a été, et de loin, beaucoup plus importante que dans toutes les régions françaises. » En effet, confirme l’Insee, cette croissance a culminé à + 26,9 % entre 2019 et 2022. « Au cours du deuxième trimestre 2024, l'activité est sur une tendance baissière même si elle reste à un très haut niveau », estime Alex Vinciguerra. Sur la période, 850 permis de construire ont ainsi été validés et il y a eu 756 mises en chantier.
« Alors, reprend le président de l’ADEC, certains acteurs de la construction, soutenus par des forces politiques, considèrent que c'est le Padduc qui brise le secteur et qu'il faut faire sauter le verrou. Nous sommes en désaccord total avec cette analyse. Le Padduc est un document stratégique qui doit permettre de soutenir le développement durable, y compris en matière urbanistique. Sa révision, qui est engagée, doit nous permettre de renforcer son efficacité dans le domaine. » Cette révision, poursuit-il, « doit aussi réaffirmer avec force les principes protecteurs contre la spéculation, à travers la préservation et la mise en production des espaces agricoles, la protection des espaces naturels, ou encore la limitation de manière significative des zones à lotir. Oui, nous devons construire moins de villas pour les touristes et plus de logements pour nos jeunes. » Et de proposer de « redéployer l'activité du BTP vers la construction de logements principaux, la réhabilitation de l'ancien et la transition écologique. Depuis plusieurs mois d'ailleurs, nous travaillons avec les fédérations corses du bâtiment à une réorientation vers la rénovation en général, et la rénovation énergétique en particulier, car c'est 42 000 maisons individuelles et 57 000 logements collectifs qui doivent être rénovés en Corse. » Alex Vinciguerra prévient néanmoins : « Il faut être lucide, le BTP ne retrouvera pas rapidement l'embellie des années passées. »
"Finalement, tout va bien !"
En conclusion, il a rappelé l’action de la Collectivité ces trois dernières années en faveur du développement économique de la Corse : « L’ADEC a mobilisé, en 2023, 45 millions d’euros de soutiens publics au bénéfice de 700 entreprises, dont une très grande partie – souvent les plus petites – n’aurait pas pu prétendre aux fonds européens." Et d’annoncer, pour le mois prochain la présentation à l’Assemblée de Corse d’un plan de soutien et de développement. « Enfin, nous travaillons à la création d’une banque locale d’investissement. »
C’est un Pierre Poli pour le moins circonspect qui a repris la parole : « J’ai quand même la sensation, à vous écouter, que finalement tout va bien. Vous allez finir par me faire regretter d’avoir posé la question. Mais en tout cas, ce n’est pas le ressenti que j’ai sur le terrain, donc on verra la suite. »
Y a-t-il vraiment plus de défaillances d'entreprises ?
La réponse à la fois méthodique, détaillée et sourcée qu’il appelait de ses vœux, le maire d’Eccica-Suarella l’a obtenue du président de l’ADEC, Alex Vinciguerra. Selon Pierre Poli, « des dizaines et des dizaines d’entreprises se sont manifestées auprès des tribunaux de commerce afin d’ouvrir une procédure judiciaire ou y ont été assignées. Ces démarches deviennent de plus en plus nombreuses et interviennent, désormais et c’est une nouveauté, y compris lors de la saison estivale, alors que notre économie est dans sa meilleure période de l’année. » Pour en avoir le coeur net, Alex Vinciguerra dit s’être rapproché des présidents des tribunaux de commerce de Bastia et d’Aiacciu : « Et, que me disent-ils concernant les procédures collectives ? En juin 2024 (les derniers chiffres disponibles), le cumul sur douze mois des entrées en redressement judiciaire concerne 430 entreprises. C'est une tendance qui est légèrement inférieure à celle d'avant-Covid (435 défaillances). A ce jour, nous n'avons pas constaté d'augmentations significatives mais il convient d'être prudent et attentif, notamment concernant les assignations qui pourraient intervenir à la demande des caisses de type Urssaf, à partir du mois d'octobre. »
"La meilleure avant-saison estivale depuis 2018" en Corse
Sur la fréquentation touristique, « nous sommes sur des chiffres similaires aux années d'avant-Covid, constate Alex Vinciguerra. Il n'y a pas de fléchissement de ce côté-là, et au contraire, on se rend compte que nos efforts collectifs en faveur de l'allongement de la saison touristique et de la déconcentration commencent à porter leurs fruits. Constatons ensemble l'excellent mois de septembre que nous vivons à ce sujet. » S’il est encore trop tôt pour venir confirmer par des chiffres et des études le ressenti d’une arrière-saison prétendument réussie, l’Insee le fait en tout cas pour l’avant-saison : « Par le nombre de touristes accueillis entre avril et juin 2024, la Corse a connu sa meilleure avant-saison estivale depuis 2018. La fréquentation touristique a dynamisé le trafic maritime et aérien. » Ce que la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse est venue confirmer, le 2 septembre, en publiant ses statistiques de fréquentation de ses aéroports. Ainsi au deuxième trimestre 2024, le nombre de passagers a augmenté de 3 % par rapport au même trimestre en 2023 (et même de 6 % entre les premiers trimestres 2023 et 2024). Et au plus fort de la saison ? Les 2 % d’augmentation constatés sur le trafic aérien en août ne compensent pas, certes, les 9 % de baisse relevés en juillet, mais au total, sur les huit premiers mois de l’année, le nombre de passagers est équivalent à celui de l’an dernier (3 129 283 en 2024 contre 3 118 058 en 2023). Concernant le trafic maritime, les chiffres de fréquentation sur l’ensemble de la saison ne sont pas encore connus.
Les meublés de tourisme pointés du doigt
Alors, selon Alex Vinciguerra, « si 60 % des professionnels en Corse jugent la saison insatisfaisante », c’est « en raison d’un pouvoir d’achat en baisse et d’une évolution structurelle de la consommation touristique ». Il met en parallèle la concurrence des meublés de tourisme : « On en avait 28 000 en 2022, 33 000 en 2024, avec un nombre de jours réservés qui passe de 835 000 en 2019 et qui double (1,6 million en 2024). Cette croissance est à maîtriser, mais les moyens pour lutter contre l’offre para-commerciale sont plus du côté des communes que de la Collectivité de Corse », se dédouane-t-il. Il convient néanmoins « qu’une transition est à amorcer vers une économie du tourisme plus durable, plus professionnelle, moins saisonnalisée et plus identitaire ».
"Se redéployer vers la construction de logements principaux"
Concernant le BTP, oui le secteur est en recul. Au premier trimestre 2024, les autorisations de construire avaient chuté de 13,4 % et les mises en chantier de 10,9 % par rapport au trimestre précédent. « Mais rappelons que la croissance du chiffre d'affaire du BTP en Corse a été, et de loin, beaucoup plus importante que dans toutes les régions françaises. » En effet, confirme l’Insee, cette croissance a culminé à + 26,9 % entre 2019 et 2022. « Au cours du deuxième trimestre 2024, l'activité est sur une tendance baissière même si elle reste à un très haut niveau », estime Alex Vinciguerra. Sur la période, 850 permis de construire ont ainsi été validés et il y a eu 756 mises en chantier.
« Alors, reprend le président de l’ADEC, certains acteurs de la construction, soutenus par des forces politiques, considèrent que c'est le Padduc qui brise le secteur et qu'il faut faire sauter le verrou. Nous sommes en désaccord total avec cette analyse. Le Padduc est un document stratégique qui doit permettre de soutenir le développement durable, y compris en matière urbanistique. Sa révision, qui est engagée, doit nous permettre de renforcer son efficacité dans le domaine. » Cette révision, poursuit-il, « doit aussi réaffirmer avec force les principes protecteurs contre la spéculation, à travers la préservation et la mise en production des espaces agricoles, la protection des espaces naturels, ou encore la limitation de manière significative des zones à lotir. Oui, nous devons construire moins de villas pour les touristes et plus de logements pour nos jeunes. » Et de proposer de « redéployer l'activité du BTP vers la construction de logements principaux, la réhabilitation de l'ancien et la transition écologique. Depuis plusieurs mois d'ailleurs, nous travaillons avec les fédérations corses du bâtiment à une réorientation vers la rénovation en général, et la rénovation énergétique en particulier, car c'est 42 000 maisons individuelles et 57 000 logements collectifs qui doivent être rénovés en Corse. » Alex Vinciguerra prévient néanmoins : « Il faut être lucide, le BTP ne retrouvera pas rapidement l'embellie des années passées. »
"Finalement, tout va bien !"
En conclusion, il a rappelé l’action de la Collectivité ces trois dernières années en faveur du développement économique de la Corse : « L’ADEC a mobilisé, en 2023, 45 millions d’euros de soutiens publics au bénéfice de 700 entreprises, dont une très grande partie – souvent les plus petites – n’aurait pas pu prétendre aux fonds européens." Et d’annoncer, pour le mois prochain la présentation à l’Assemblée de Corse d’un plan de soutien et de développement. « Enfin, nous travaillons à la création d’une banque locale d’investissement. »
C’est un Pierre Poli pour le moins circonspect qui a repris la parole : « J’ai quand même la sensation, à vous écouter, que finalement tout va bien. Vous allez finir par me faire regretter d’avoir posé la question. Mais en tout cas, ce n’est pas le ressenti que j’ai sur le terrain, donc on verra la suite. »