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En riposte au trafic de tabac et de cigarettes, la douane met le paquet en Corse


David Ravier le Lundi 14 Août 2023 à 17:27

Une opération de contrôle des douanes s'est déroulée jeudi soir 10 août sur le port de commerce de Bastia. Une dizaine d'agents a procédé à des contrôles de véhicules débarquant des navires en provenance d'Italie pour chercher des cigarettes de contrebande. Malgré l'absence de saisie cette fois-ci, le trafic illicite de tabac reste en expansion sur l'ile, alimentant les préoccupations quant à ses répercussions sur l'économie et l'emploi en Corse.



Un exemple de colis de contrebande trouvé par les douaniers.
Un exemple de colis de contrebande trouvé par les douaniers.
Jeudi 10 aout au soir, une opération de contrôle menée par les douanes a pris place sur le port de commerce de Bastia, dans une tentative de réduire la montée en flèche du trafic de cigarettes de contrebande provenant d'Italie. Malgré une mobilisation de dix agents et plusieurs heures de vérifications minutieuses sur les véhicules débarquant des navires en provenance d'Italie, aucune saisie n'a été enregistrée. Une tendance inattendue, car au cours de l'année précédente, les saisies de tabac avaient atteint un total de 146 kg, ce qui en fait la marchandise de contrebande la plus saisie par les douanes, largement devant le cannabis (20 kg) et la cocaïne (3 kg) confisqués. « En Corse, on n'a pas de grosses saisies de drogues ou tabac, car c'est un marché de destination et non un marché de transit, comme vous pouvez l'avoir sur le continent. Les quantités que nous confisquons sont stables d'une année sur l'autre, et le plus souvent, cela concerne des cigarettes, précise l'adjoint au chef divisionnaire des douanes de Haute-Corse. La majeure partie des saisies s'effectuent sur le port, et le reste est réparti de façon marginale entre l'aéroportuaire et le fret postal, bien que ce dernier connaisse un essor ces dernières années ».

Les envois postaux suspects attirent également  l'attention des douaniers, qui ont découvert diverses méthodes créatives de dissimulation.  « Lorsque vous avez des cigarettes présentes dans un colis, peu importe la quantité, il y a une présomption de vente à distance », souligne l'adjoint au chef divisionnaire de Haute-Corse. Les colis suspects sont ouverts par les douaniers, qui notent les infractions avant d’entamer une procédure judiciaire. Parmi les découvertes récentes, un colis contenant apparemment des Carambars s'est avéré renfermer une combinaison de bonbons authentiques et de barrettes de résine de cannabis, dissimulées avec soin. Ces envois suspects sont ouverts et examinés par les douanes, qui relèvent les infractions avant d'entamer des poursuites judiciaires si nécessaire.  « Dans ce genre de cas, on peut se substituer au facteur et livrer le paquet chez la personne. Si jamais elle l’accepte, on peut alors l’interpeller ». explique le fonctionnaire.
 

L'operation de Bastia
L'operation de Bastia
Une autre méthode exploitée pour introduire illégalement des marchandises sur l'île est le transport par camion, où des chauffeurs profitent de cargaisons légales pour dissimuler des produits illicites. Les autorités ont récemment intercepté un camion transportant 12 kg de tabac pour narguilé, cachés parmi des conteneurs plus volumineux. « C'est le coup classique, où le chauffeur transporte de la marchandise légale, mais en profite pour cacher un ou plusieurs cartons de stupéfiants ou de produits de contrefaçon. On ne saisit pas forcément de grandes quantités, peut-être une dizaine de kilos à chaque fois, mais à l'échelle de la Corse, ça fait beaucoup »


La vigilance des buralistes


La coopération étroite entre les douanes et les buralistes de Corse a également joué un rôle majeur dans la réduction de la contrebande de tabac. Les 213 buralistes de l'île, travaillant sous l'autorité des douanes, sont en première ligne pour détecter toute activité suspecte. Ils surveillent les variations de la quantité de tabac qu'ils vendent et signalent les paquets colorés ou autres signes de contrefaçon. Les buralistes redoutent que l'alignement des prix du tabac en Corse avec ceux du continent ne stimule la contrebande.« Les collègues du sud m’appellent pour me dire qu’ils voient beaucoup de paquets colorés, comme il y en a encore en Italie, alors que nous sommes passés au paquet neutre, avance José Oliva, buraliste à Borgo et président de la fédération des buralistes de Corse  présent à l''opération de jeudi sur le port de Bastia. "Pour l’instant, on ne peut pas être certain que ça soit de la contrebande, mais sûrement de la consommation personnelle du touriste qui vient en Corse, mais il faut rester prudent ». Depuis l’année dernière, un rattrapage fiscal a été mis en place pour aligner les prix du tabac en Corse avec ceux du continent d’ici à 2026. La crainte des buralistes, c’est que les clients aillent se fournir en Italie, où le paquet est à 5,60€, et que l’alignement des prix fasse grandir la contrebande de cigarettes.

 

Car derrière la contrebande, c’est tout un secteur économique qui est susceptible de vaciller. À Furiani, l’usine Macotab est la dernière fabrique à cigarette de France, qui produit 80% du marché corse. Si le tabac venu illégalement de l’étranger s’installe sur l’île, José Oliva prévient que les conséquences seraient désastreuses en termes d’emplois: « s’il y a une vraie baisse de volume, ça sera difficile de conserver l’usine qui ne sera plus rentable, parce que l’écart entre ce que nous proposons et les prix pratiqués ailleurs sera trop grand. Si le secteur s’effondre à cause de la contrebande, ce n’est pas que la Macotab qui fermera, mais aussi tout le réseau des buralistes. Il y aura un effet boule de neige, avec en tout 900 emplois en jeu. On a peur de la casse sociale ».
 


Une saisie de tabac pour narguilé trouvé dans un camion de marchandise.
Une saisie de tabac pour narguilé trouvé dans un camion de marchandise.