Monsieur le Ministre,
Le 9 janvier, nous vous avions alerté de l’urgence du volet actionnarial dans ce dossier et avions mis en doute la capacité de contrôle de l’Etat actionnaire dans un statuquo avec TRANSDEV.
Depuis le revirement stratégique de l’actionnaire majoritaire début 2013, l’Etat est apparu en arbitre à plusieurs reprises pour imposer à VEOLIA puis TRANSDEV le respect d’une feuille de route validée maintes fois par vous même, le Premier ministre et le président de la République.
C’est ainsi qu’avec plusieurs arbitrages :
- Le principe de renouvellement de flotte a retrouvé sa place dans le projet.
- La tentative de VEOLIA avec le Cabinet ALIX PARTNERS de réduire le PLT avec l’abandon de Nice et Toulon et la conséquence immédiate de 800 licenciements et d’un repli périlleux de la SNCM à 17% de parts de marché, a été rejeté et a été donné la consigne d’écarter les départs contraints
- La remontée de la SNCM dans le groupe Veolia Environnement au sein de la Direction des Filiales Spécialisées, avec la perspective d’une liquidation à suivre, a été écartée…
- Le respect des engagements de TRANSDEV en termes de Trésorerie a été possible, ainsi qu’une contribution de l'Etat aux conventions de trésorerie en tant qu’actionnaire à 25%, en regard des créances SNCM effectives
Le 22 janvier 2014, TRANSDEV annonçait sa volonté de sortir de l’actionnariat et garantissait l’abandon de l’ensemble de ses créances en cours, venant compléter ainsi l’engagement d’un « ticket de départ » de VEOLIA, donné par son PDG, Antoine Frérot, à certains Parlementaires.
Nous vous avons publiquement demandé, en conséquence, d’accélérer le calendrier. Vous avez refusé et collé aux dates « au plus tard » des 15 avril et 30 juin puis retardé les échéances !
Le revirement de l’Etat nous est aussi apparu au Tribunal de Commerce de Marseille en procédure de référé : face à TRANSDEV, seule la SNCM et ses actionnaires salariés ont plaidé l’absence d’urgence : Où était l’Etat actionnaire minoritaire mais partie intéressée ce jour là ? Que ce serait-il passé si TRANSDEV avait remporté son référé ce jour là ?
Une autre question se pose : n’aviez-vous pas misé sur ce scénario par lequel TRANSDEV n’avait pas besoin de la duplicité de l’ETAT pour reprendre la main ? Quelques jours après les municipales… Comme annoncé un peu partout en coulisses sur la place Parisienne… et par le PDG de Veolia dès le 14 janvier.
Cette imposture s’est confirmée le 12 mai dernier. Les administrateurs représentant l’Etat actionnaire ont pris le risque de perdre la main et donc le contrôle des arbitrages donnés depuis 16 mois.
Mais plus qu’une prise de risque, Ils ont eu « mandat de rendre la main à TRANSDEV » a-t-on entendu ce jour là… Alors que nous disposions avec vous d’un temps, court, jusqu’à la fin juin pour la mise en œuvre de solutions.
En tant qu’administrateurs indépendants et responsables, ont-ils ce jour là considéré que l’intérêt social de l’entreprise passait par un Directoire en phase avec son actionnaire majoritaire? N’ont-ils pas imaginé la stratégie de démantèlement non encore assumée à cette heure et ouvertement demandée par VEOLIA qui contrôle TRANSDEV?
Vous avez fait le 12 mai pire que nos actionnaires majoritaires ! Marseille, La Corse, nos clients et les salariés, ont fait confiance à l’ETAT dans la mise en œuvre d’un projet de pérennité. Nous déplorions souvent auprès de vous et parfois publiquement la perte de temps dont vous êtes largement responsables puisque tout est sur la table depuis janvier 2013.
Mais le 12 mai pour tous les observateurs, vous avez « planté » la SNCM.
L’effet a été immédiat avec un volume de vente quotidien considérablement réduit dés le lendemain. Vous alimentez à votre tour les peurs, les inquiétudes, alors que tout devait être fait pour préserver les réservations à l’approche de la saison estivale.
Enfin, par ce retournement, vous déroulez le tapis à bon nombre de communicants pour une campagne de diabolisation de la SNCM terriblement injuste pour les salariés et leurs familles.
Plus grave encore, votre cabinet n’a-t-il pas, le 6 mai dernier, rassuré un potentiel investisseur voir même opérateur, d’un maintien du Directoire le 12 mai ? (celui-ci en faisant un préalable à son offre)
Alors, Les questions qui se posent aujourd’hui en interne comme externe peuvent ainsi être déroulées et se préciser au fil des heures…
L’ETAT paye-t-il aujourd’hui le parti-pris de votre ancien Directeur de Cabinet ?
L’ETAT est-il dans le mensonge depuis début 2013 ?
L’ETAT utilise-t-il lui aussi le prétexte des contentieux pour bloquer toute évolution ?
L’ETAT est-il à cette heure au courant de l’organisation en coulisse d’un démantèlement de la SNCM par TRANSDEV entre maintenant et la fin 2014 ?
L’ETAT participe-t-il à l’élaboration d’une solution de discontinuité ?
Certains Elus ont profité de l’enquête parlementaire sur la restructuration de 2006 pour se dédouaner et faire porter les responsabilités sur le gouvernement précédent, épargnant étrangement BUTTLER CAPITAL PARTNERS et VEOLIA pourtant largement responsables de la situation actuelle. Préférant à cela le terme ambigu de « fautes de gestion »…
Vous avez trahi les salariés et leurs familles et nous ne pourrons plus désormais parler de confiance :
En janvier dans l’esprit de « pacte », vous nous avez demandé de mettre en œuvre par anticipation les mesures de productivités négociées. N’avez-vous pas délibérément trompé les personnels sachant que l’après municipales serait tout autre ? La notion de « pacte de responsabilité » mise en avant par le gouvernement prend ici un goût amer…
Avec TRANSDEV, vos éléments de communication, depuis la sortie du dernier Conseil de Surveillance, se rejoignent avec une volonté affichée de « bâtir une nouvelle voie », cependant dans votre dernier communiqué vous maintenez le besoin de renouvellement de flotte. Mais, pour une feuille de route commune:
- Comment pouvez-vous ignorer que TRANSDEV refuse le renouvellement de flotte ?
- Pourquoi parler d’un nouveau PLT avec des actionnaires sortants ? Quelque-soit le PLT à 8,7,6,5 ou 4 navires, la pérennité ne tient qu’au cantonnement des contentieux européens et à la défense des DROITS dans la durée. Sinon il ne restera que, tout au plus, 2 navires, issus de la SNCM, sous pavillon Français !
Si une solution n’est pas à minima validée et garantie à TRANSDEV sous quelques semaines, voir quelques jours, le groupe mettra, comme annoncé, sa filiale « sous la protection du Tribunal de commerce », c'est-à-dire en procédure collective de sauvegarde, à savoir un dépôt de bilan avant cessation de paiement! En pleine saison peut-être ou au plus tard à l’automne.
Nous vous demandons aujourd’hui en amont d’un vote sur la nomination d’un nouveau Directoire, de clarifier la feuille de route des représentants de l’Etat en répondant aux questions suivantes sans détours :
- Avez-vous connaissance de l’organisation par TRANSDEV de démarches concrètes en préparation d’un
démantèlement de la SNCM ?
- Confirmez-vous votre arbitrage sur l’absence de départs contraints à la base du pacte social accepté par les salariés.
- Confirmez-vous le maintien de la SNCM sur un périmètre au départ de Marseille, Toulon et Nice vers la Corse et le Maghreb avec une flotte à 8 navires
- Confirmez-vous le renouvellement de 4 navires comme pilier du PLT ? Maintenez-vous l’engagement d’une commande ferme de 2 navires + 2 en option avant la fin juin ?
- Ecartez-vous toute solution de financement des navires qui entrainerait l’annulation de la DSP actuelle ?
- Si une solution s’avère juridiquement possible, permettant le transfert des parts de TRANSDEV à de nouveaux actionnaires, provisoires ou définitifs, intégrant le cantonnement des contentieux européens, et ne favorisant aucune des parties, accepteriez vous sa mise en œuvre ?
- Comment comptez-vous veiller au respect de vos positions par le groupe TRANSDEV pour le moment toujours sous contrôle de VEOLIA?
- Comment pouvez-vous écarter la possibilité pour le futur dirigeant de déposer le bilan avant cessation de paiement dans le cadre d’une procédure collective de sauvegarde ?
Enfin, nous attendons aussi de vous de préciser le calendrier de mise en œuvre du décret de l’Etat d’accueil qui obligera Corsica Ferries à respecter le Code du Travail et le Code des Transports Français entre deux ports Français. Premier pas nécessaire à l’harmonisation sociale de notre secteur d’activité.
Monsieur le Ministre, nous comptions sur le Gouvernement pour que notre Pacte social et notre Plan à Long Terme soient pris comme exemple de « pacte de responsabilité » avant l’heure et de plan de modernisation au cœur de la transition énergétique
Nous vous demandons donc très solennellement de considérez cette lettre ouverte, rédigée en prévision des prochaines rencontres avec votre cabinet, comme une alerte sociale de notre Syndicat.
Il n’est pas trop tard pour changer le scénario et réaffirmer les arbitrages fondamentaux qui donneront un avenir à notre compagnie.
L’encadrement que nous représentons, ne supporte plus le chaud et le froid incessant et vous demande de cesser et faire cesser les mensonges et manipulations sur ce que nous considérons être un véritable scandale d’Etat qui menace l’ensemble de la filière Maritime Française !