L'illustrateur Jean-René De Rosas a apporté son savoir-faire aux jeunes participants de l'atelier de création du jeu vidéo porto-vecchiais.
Mercredi après-midi, deux mini-bus ont transporté une dizaine d’adolescents en forêt de l’Ospedale pour une sortie nature pas comme les autres. Micros en main, ils ont enregistré des sons qu’ils intégreront dans le jeu vidéo qu’ils sont en train de concevoir. Ce projet a commencé mardi. Encadrés par des professionnels du jeu vidéo, les jeunes développeurs et game designers porto-vecchiais accoucheront d’un jeu qui sera jouable dimanche à l’espace culturel Jean-Paul de Rocca Serra. Ce travail de conception, déjà remarquable en soi, va être marqué d’une pierre blanche grâce à Philippe Dubois.
Ce Parisien, ingénieur informatique de profession, a fondé en 2003 l’association MO5, qui œuvre pour la préservation du patrimoine vidéo-ludique en France. Il dispose d’une collection d’environ 60 000 pièces (de jeux et de consoles) qu’il met à la disposition du public au cours des différents événements consacrés au jeu vidéo en France. De salon en salon, Philippe Dubois est devenu un interlocuteur incontournable. Il a notamment pu tisser un partenariat avec la BNF, la Bibliothèque nationale de France.
De l'Ospedale à la BNF
Et jeudi après-midi, au cours d’une conférence à la médiathèque de Portivechju, le fondateur de MO5 a annoncé que le jeu vidéo conçu en Corse ces jours-ci avec les bruitages de l’Ospedale sera référencé dans la collection de la BNF, « pour qu’il puisse devenir pérenne et consultable par des chercheurs ». « Les jeunes ne se rendent pas compte, mais ce qu’ils sont en train de créer va rentrer dans l’histoire du jeu vidéo », applaudit Charly Picciocchi, le trésorier de Sud Corse Rétrogaming, l’association qui organise avec la municipalité porto-vecchiaise, cette deuxième édition de la Corsica Games Week.
Avec les Retrogaming Days, ce n’est pas un mais bien deux événements consacrés aux jeux vidéo que la municipalité organise chaque année. Et ce n’est passé sous les radars de Philippe Dubois : « En montrant l’exemple, vous n’aurez que de l’accompagnement », a-t-il salué. Le fondateur de MO5 s’est ainsi engagé à « faire naître des partenariats pour tendre vers une industrie locale des jeux vidéo en Corse ».
"Il y a pas mal de talents"
Actuellement, l’île compte deux studios : Mirage Creative Lab à Aiacciu et Studio Phoenix Block 3. Ce dernier est basé à Lucciana, mais « aujourd’hui, une partie de l’équipe n’est pas en Corse, car la filière de jeux vidéo en Corse est à créer », regrette Lydian Feneck, cofondateur du studio. Il a recruté il y a quelques mois Fab Mariani, pour assurer la direction créative et la stratégie produits. Deux jeux sont en préparation en vue d’une sortie sur PC : The Elements Nation, un jeu d’exploration et de survie « orienté écologie » et Winterfall, un jeu de rôles qui a intégré la langue corse dans son univers. Lydian Feneck vient du cinéma, a monté une société de feux d’artifice avant de fonder avec César Pinelli, son studio de jeux vidéo l’an dernier. Très vite, il recrute Fab Mariani, qui travaillait déjà en autodidacte sur son propre projet : Winterfall. Tous sont corses. « Ici, il y a pas mal de talents qui sont passionnés de jeux vidéo, assure Lydian Feneck. Par exemple notre level designer, Gauthier, on l’a recruté dans une école, sur le Continent. Mais il est Bastiais ! »
Ce Parisien, ingénieur informatique de profession, a fondé en 2003 l’association MO5, qui œuvre pour la préservation du patrimoine vidéo-ludique en France. Il dispose d’une collection d’environ 60 000 pièces (de jeux et de consoles) qu’il met à la disposition du public au cours des différents événements consacrés au jeu vidéo en France. De salon en salon, Philippe Dubois est devenu un interlocuteur incontournable. Il a notamment pu tisser un partenariat avec la BNF, la Bibliothèque nationale de France.
De l'Ospedale à la BNF
Et jeudi après-midi, au cours d’une conférence à la médiathèque de Portivechju, le fondateur de MO5 a annoncé que le jeu vidéo conçu en Corse ces jours-ci avec les bruitages de l’Ospedale sera référencé dans la collection de la BNF, « pour qu’il puisse devenir pérenne et consultable par des chercheurs ». « Les jeunes ne se rendent pas compte, mais ce qu’ils sont en train de créer va rentrer dans l’histoire du jeu vidéo », applaudit Charly Picciocchi, le trésorier de Sud Corse Rétrogaming, l’association qui organise avec la municipalité porto-vecchiaise, cette deuxième édition de la Corsica Games Week.
Avec les Retrogaming Days, ce n’est pas un mais bien deux événements consacrés aux jeux vidéo que la municipalité organise chaque année. Et ce n’est passé sous les radars de Philippe Dubois : « En montrant l’exemple, vous n’aurez que de l’accompagnement », a-t-il salué. Le fondateur de MO5 s’est ainsi engagé à « faire naître des partenariats pour tendre vers une industrie locale des jeux vidéo en Corse ».
"Il y a pas mal de talents"
Actuellement, l’île compte deux studios : Mirage Creative Lab à Aiacciu et Studio Phoenix Block 3. Ce dernier est basé à Lucciana, mais « aujourd’hui, une partie de l’équipe n’est pas en Corse, car la filière de jeux vidéo en Corse est à créer », regrette Lydian Feneck, cofondateur du studio. Il a recruté il y a quelques mois Fab Mariani, pour assurer la direction créative et la stratégie produits. Deux jeux sont en préparation en vue d’une sortie sur PC : The Elements Nation, un jeu d’exploration et de survie « orienté écologie » et Winterfall, un jeu de rôles qui a intégré la langue corse dans son univers. Lydian Feneck vient du cinéma, a monté une société de feux d’artifice avant de fonder avec César Pinelli, son studio de jeux vidéo l’an dernier. Très vite, il recrute Fab Mariani, qui travaillait déjà en autodidacte sur son propre projet : Winterfall. Tous sont corses. « Ici, il y a pas mal de talents qui sont passionnés de jeux vidéo, assure Lydian Feneck. Par exemple notre level designer, Gauthier, on l’a recruté dans une école, sur le Continent. Mais il est Bastiais ! »
Jeudi, Philippe Dubois (au fond à gauche, à côté de Charly Picciocchi) a donné une conférence à la médiathèque L'Animu.
Philippe Dubois est convaincu que la décentralisation pourra tirer l’industrie du jeu du vidéo vers le haut. Et que la Corse a sa carte à jouer au même titre que les autres régions. De par son implantation parisienne, lui a tenté de taper directement à la porte des ministres qui se sont succédé, sans qu’on lui déroule le tapis rouge : « Il y a eu du mieux ces dernières années, mais il y a encore des gens dans les ministères qui pensent que le jeu vidéo est l’art de l’abrutissement, comme le fut pour d’autres le cinéma à la fin du XIXe siècle », regrette le collectionneur. Féru de jeux vidéo, Vincent Gambini ne peut qu’abonder : « Il faut sortir de l’image ringarde de l’adolescent qui joue en solitaire dans sa chambre », estime l’adjoint au maire de Portivechju. En effet, si l’on se réfère à une étude réalisée par le SELL, le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, « l’industrie du jeu vidéo a généré en France un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros. Le jeu vidéo rassemble 70 % des Français en tant que joueurs occasionnels et 53% en tant que joueurs réguliers ».
Le Québec, la Silicon Valley du jeu vidéo
Selon une autre étude publiée en mars 2021, portant sur le tissu économique et la compétitivité de l’industrie du jeu vidéo en France, 11 % des 36 500 jeux sortis sur le marché français entre 2008 et 2018 ont été produits par des entreprises implantées en France. Preuve que l’industrie française joue un rôle non négligeable dans ce marché mondialisé, mais reste loin derrière le Québec, une région devenue en quelques années la Silicon Valley du jeu vidéo. « Via une politique incitative forte, Montréal a su attirer l’ensemble des talents mondiaux parmi lesquels notre géant français Ubisoft, qui emploie aujourd’hui plus de personnes au Canada qu’en France », soulignent deux spécialistes, Loïse Lyonnet et Pierre Poinsignon, dans leur étude « L’industrie française du jeu vidéo, de la French Touch à la French Pride » (juillet 2023). Cela passe notamment par une série d’avantages fiscaux : « Au Québec, au-delà de quinze salariés par studio, vous ne payez plus de charges » confirme Lydian Feneck, de Studio Phoenix Block 3.
En France, les bonnes volontés nationales et locales ont permis d’aboutir à la création d’une école publique et gratuite, dédiée à l’apprentissage des métiers du jeu vidéo : l’école nationale du jeu et des médias interactifs numériques, basée à Angoulême. « Suite à cela, d’autres écoles se sont créées dans le privé, mais 75 % des élèves diplômés ne trouvent pas de postes à pourvoir en France », regrette Philippe Dubois. Ou bien ils sont attirés par des meilleurs salaires à l’étranger, pointe l’étude de Loïse Lyonnet et Pierre Poinsignon. En l’absence de politique volontariste au niveau national, Philippe Dubois prône « l’accompagnement des communes et des collectivités pour la création de pépinières d’entreprises dédiées aux jeux vidéo ».
Et la Corse coche toutes les cases, selon le fondateur de MO5 : « C’est un pays presque à part, avec une culture très forte qui gagnerait à être encore plus connue par le biais des jeux vidéo. » Vincent Gambini se dit séduit à l’idée que la municipalité porto-vecchiaise puisse être pionnière en la matière, mais chaque chose en son temps : « D’abord, il faut écouter les gens comme Philippe Dubois qui connaissent cette industrie et ensuite voir si leur diagnostic peut trouver un écho avec nos réalités locales et nos moyens financiers. » L’élu se dit prêt à « soutenir toutes les initiatives qui serviront au développement du jeu vidéo ».
Le Québec, la Silicon Valley du jeu vidéo
Selon une autre étude publiée en mars 2021, portant sur le tissu économique et la compétitivité de l’industrie du jeu vidéo en France, 11 % des 36 500 jeux sortis sur le marché français entre 2008 et 2018 ont été produits par des entreprises implantées en France. Preuve que l’industrie française joue un rôle non négligeable dans ce marché mondialisé, mais reste loin derrière le Québec, une région devenue en quelques années la Silicon Valley du jeu vidéo. « Via une politique incitative forte, Montréal a su attirer l’ensemble des talents mondiaux parmi lesquels notre géant français Ubisoft, qui emploie aujourd’hui plus de personnes au Canada qu’en France », soulignent deux spécialistes, Loïse Lyonnet et Pierre Poinsignon, dans leur étude « L’industrie française du jeu vidéo, de la French Touch à la French Pride » (juillet 2023). Cela passe notamment par une série d’avantages fiscaux : « Au Québec, au-delà de quinze salariés par studio, vous ne payez plus de charges » confirme Lydian Feneck, de Studio Phoenix Block 3.
En France, les bonnes volontés nationales et locales ont permis d’aboutir à la création d’une école publique et gratuite, dédiée à l’apprentissage des métiers du jeu vidéo : l’école nationale du jeu et des médias interactifs numériques, basée à Angoulême. « Suite à cela, d’autres écoles se sont créées dans le privé, mais 75 % des élèves diplômés ne trouvent pas de postes à pourvoir en France », regrette Philippe Dubois. Ou bien ils sont attirés par des meilleurs salaires à l’étranger, pointe l’étude de Loïse Lyonnet et Pierre Poinsignon. En l’absence de politique volontariste au niveau national, Philippe Dubois prône « l’accompagnement des communes et des collectivités pour la création de pépinières d’entreprises dédiées aux jeux vidéo ».
Et la Corse coche toutes les cases, selon le fondateur de MO5 : « C’est un pays presque à part, avec une culture très forte qui gagnerait à être encore plus connue par le biais des jeux vidéo. » Vincent Gambini se dit séduit à l’idée que la municipalité porto-vecchiaise puisse être pionnière en la matière, mais chaque chose en son temps : « D’abord, il faut écouter les gens comme Philippe Dubois qui connaissent cette industrie et ensuite voir si leur diagnostic peut trouver un écho avec nos réalités locales et nos moyens financiers. » L’élu se dit prêt à « soutenir toutes les initiatives qui serviront au développement du jeu vidéo ».
En France, des régions comme l’Occitanie ou l’Auvergne-Rhônes-Alpes ont permis le développement de cette industrie, via des aides financières à destination des studios qui s’implantent sur leur territoire. La Collectivité de Corse pourrait-elle en faire de même ? Contactée ce vendredi, Antonia Luciani, la conseillère exécutive en charge de la culture, du patrimoine, de l’éducation et de la formation, ne nous a pas répondu. Du côté des développeurs corses, on ne veut pas noircir le tableau : « Winterfall a bénéficié d’une subvention de la Collectivité de Corse », rappelle, reconnaissant, Fab Mariani. Pour The Elements Nation, « on a été soutenus financièrement par l’ADEC », poursuit Lydian Feneck. Mais ils sont convaincus qu’il convient d’en faire plus pour occuper le terrain : « Il faut qu’en Corse on comprenne que l’industrie des jeux vidéo, ce n’est pas une industrie du divertissement, qui est là pour rigoler… C’est une industrie en explosion constante, insiste Fab Mariani. Et je regrette que la Corse ne soit pas encore au diapason. » D’autant que l’insularité n’est pas un frein, affirme Lydian Feneck : « Sur l’île de la Réunion, il y a dix-sept studios de jeux vidéo. La Réunion a mis en place des aides pour attirer des talents chez elle. Nous aussi on pourrait le faire, à condition que la CDC donne un coup de pouce financier pour mettre en place cette filière. » Selon Romain Ragusa, le créateur du premier centre dédié à la pratique de l'e-sport en France qui a fait le déplacement à Portivechju, la dimension ludique prend de plus en plus de place dans la société : "On veut tout "gamifier" maintenant. Dans les logiciels d'apprentissage, on met des jeux vidéo car c'est plus facile d'apprendre quand on s'amuse."
Réalité augmentée à Corte
De son côté, l’Université de Corse n’a pas manqué le train du numérique, elle qui dispose depuis 2016 d’un Fab Lab, c’est à-dire d’un laboratoire de fabrication d’outils numériques. Yannick Stara est à la tête du département des Métiers du multimédia et de l’Internet (MMI). Ses étudiants se dirigent « en majorité vers le graphisme ou la création de contenu, un petit pourcentage sur de la création artistique ou sur les stratégies de communication », détaille-t-il. Et les jeux vidéo ? « On détecte une envie. La plupart en sont passionnés », assure-t-il. L’universitaire verrait d’un bon œil l’ouverture d’un cursus complémentaire au sien, dédié aux jeux vidéo.
Dans son département, il multiplie la mise en place de conférences/ateliers : « On a eu des invités d’Ubi Soft, par exemple. » Yannick Stara n’est pas qu’un transmetteur de savoirs numériques, il est aussi artiste et a réalisé deux expositions dédiées à la réalité augmentée, à la suite desquelles, avec ses étudiants, il a imaginé un conte immersif dans les rues de Corte en réalité augmentée. Et pour l’an prochain, il est en train de finaliser une convention d’échange avec des étudiants… québecois : « Il y a des réalités concrètes qu’on ne peut comprendre qu’en les touchant du doigt. En partant au Québec, nos étudiants se rendront compte qu’ils sont au niveau. Ils pourront aussi se rapprocher d’un vivier d’entreprises que nous n’avons pas ici. » Jusqu’à céder aux sirènes québecoises du numérique ? « Ca signifierait quitter la Corse, et ça, c’est le plus dur », sourit Yannick Stara.
La Corsica Games Week se poursuit jusqu'à dimanche à Portivechju, à l'espace culturel Jean-Paul de Rocca Serra.
Réalité augmentée à Corte
De son côté, l’Université de Corse n’a pas manqué le train du numérique, elle qui dispose depuis 2016 d’un Fab Lab, c’est à-dire d’un laboratoire de fabrication d’outils numériques. Yannick Stara est à la tête du département des Métiers du multimédia et de l’Internet (MMI). Ses étudiants se dirigent « en majorité vers le graphisme ou la création de contenu, un petit pourcentage sur de la création artistique ou sur les stratégies de communication », détaille-t-il. Et les jeux vidéo ? « On détecte une envie. La plupart en sont passionnés », assure-t-il. L’universitaire verrait d’un bon œil l’ouverture d’un cursus complémentaire au sien, dédié aux jeux vidéo.
Dans son département, il multiplie la mise en place de conférences/ateliers : « On a eu des invités d’Ubi Soft, par exemple. » Yannick Stara n’est pas qu’un transmetteur de savoirs numériques, il est aussi artiste et a réalisé deux expositions dédiées à la réalité augmentée, à la suite desquelles, avec ses étudiants, il a imaginé un conte immersif dans les rues de Corte en réalité augmentée. Et pour l’an prochain, il est en train de finaliser une convention d’échange avec des étudiants… québecois : « Il y a des réalités concrètes qu’on ne peut comprendre qu’en les touchant du doigt. En partant au Québec, nos étudiants se rendront compte qu’ils sont au niveau. Ils pourront aussi se rapprocher d’un vivier d’entreprises que nous n’avons pas ici. » Jusqu’à céder aux sirènes québecoises du numérique ? « Ca signifierait quitter la Corse, et ça, c’est le plus dur », sourit Yannick Stara.
La Corsica Games Week se poursuit jusqu'à dimanche à Portivechju, à l'espace culturel Jean-Paul de Rocca Serra.